Et rebelote. Alors que l’on croyait que la décision du renouvellement du contrat des navires-centrales que l’État loue à l’opérateur turc Karadeniz avait été convenue dans des termes clairs et précis lors du dernier Conseil des ministres tenu le 21 mai dernier, le procès-verbal revu et corrigé, qui a été remis il y a deux jours seulement aux membres du gouvernement par le secrétariat général du gouvernement, a relancé le débat de plus belle autour de ce dossier.
Dans sa nouvelle version, le texte n’a pas reflété, selon le ministre sortant de la Santé, Ghassan Hasbani, les termes de l’accord trouvé en Conseil des ministres. L’affaire a été dévoilée samedi par la chaîne MTV, qui a évoqué un « nouveau scandale » concernant ce dossier et une « falsification » des décisions prises par le gouvernement avant que ce dernier ne soit chargé d’expédier les affaires courantes.
Lors de cette réunion, l’exécutif avait décidé d’autoriser le ministère de l’Énergie à négocier avec Karadeniz une prolongation de trois ans du contrat de location des barges à un prix plus avantageux, prévoyant une baisse des tarifs actuels, fixés à 4,95 cents le mégawatt. Dans le cadre de ce marché, il était en outre prévu de déployer un troisième navire-centrale pour la période de pointe en été, pour fournir 200 MW supplémentaires d’électricité, les frais du carburant devant toutefois être à la charge de l’État libanais. Cette offre devait également inclure la possibilité pour l’État de casser son contrat avec Karadeniz sans pénalité financière. Autant de conditions qui, selon M. Hasbani, « n’ont pas été reflétées par la récente version du procès-verbal du dernier Conseil des ministres dont la teneur est venue susciter de plus en plus de doutes autour de ce dossier ».
Dans un entretien à L’Orient-Le Jour, le ministre affilié aux Forces libanaises fait d’abord remarquer que « non seulement la clause relative à la pénalité est inexistante, mais le procès-verbal mentionne de surcroît la possibilité de mettre fin au contrat seulement après deux ans, avec un préavis de six mois », des termes qui, dit-il, n’avaient pas été convenus par le gouvernement.
Le ministre dénonce par ailleurs la formule employée pour mentionner les conditions de la production des 200 MW en plus qui, selon lui, « n’est pas claire et prête d’autant plus à confusion que le texte officiel parle d’une gratuité qui s’applique durant les “trois premiers mois seulement” ». Pour le ministre, le mot “seulement” laisse la porte grande ouverte devant la possibilité de voir un nouveau contrat octroyé à cette nouvelle barge qui était, selon l’accord convenu à l’origine, « censée quitter le littoral libanais sitôt les 200 MW livrés au Liban en bonus et non s’éterniser ».
Karadeniz, qui avait confirmé le 24 mai dernier le « déploiement prochain » du troisième navire, n’a pas précisé si la nouvelle barge quittera le Liban à l’issue de ces trois mois ou si le Liban décidera de la garder et de commencer à payer les coûts d’exploitation. L’opérateur turc a également indiqué que ce troisième navire-centrale sera déployé après que le contrat d’extension pour une durée de trois ans de l’accord pour la location des deux navires-centrales (Orhan Bey et Fatmagül Sultan) aura été complété entre la société et le Liban.
(Lire aussi : Abi Khalil promet plus d’électricité moins cher)
Le ministre de l’Énergie, César Abi Khalil, qui avait organisé une conférence de presse le lendemain même du dernier Conseil des ministres, n’a pas fait référence non plus à la durée de la période durant laquelle le troisième navire devait fournir les 200 mégawatts, évitant de préciser s’il sera déployé durant la période d’été uniquement ou s’il allait rester plus longtemps. Autant de zones d’ombre qui ont fini par aboutir à une guerre sémantique semant la confusion la plus totale autour de ce dossier conflictuel.
Dans un communiqué publié hier, le secrétariat général du Conseil des ministres a tiré à boulets rouges sur M. Hasbani et démenti les informations diffusées par la MTV, qui, indique le texte, « sont infondées et manquent de rigueur ». « De deux choses l’une : soit que le ministre concerné (M. Hasbani ) cherche à occulter ce qui avait été décidé en Conseil des ministres, parce qu’il a estimé que ces décisions ne conviennent pas à sa vision politique, soit qu’il était présent-absent durant cette réunion ignorant ainsi les termes de l’accord convenu », précise le communiqué. Le texte indique en outre que le « rectificatif » introduit au procès-verbal porte sur la période de gratuité qui vaut pour les « trois premiers mois seulement », une expression qui s’est substituée à celle de « durant trois mois ».
« Nous frôlons le faux et l’usage de faux dans la rédaction des procès-verbaux », a commenté pour L’OLJ le ministre de l’Éducation sortant, Marwan Hamadé. « C’est une situation extrêmement grave sachant que les ministres sortent désormais du Conseil des ministres sans savoir ce qui va être consigné dans le procès-verbal de la réunion », a-t-il déploré. M. Hamadé, qui a tenu à rappeler que le Parti socialiste progressiste avait déjà protesté lors du Conseil des ministres contre le principe d’un renouvellement du contrat pour trois ans « qui ne passerait pas par la Direction des adjudications », a indiqué que les ministres de sa formation et ceux des FL comptaient incessamment envoyer une lettre de protestation au secrétariat général du gouvernement pour réclamer le verbatim original et les enregistrements.
Lire aussi
Karadeniz : le troisième navire-centrale au Liban d’ici à un mois
Électricité : le Conseil des ministres acte un retour à la case départ
Pour mémoire
Une séance « fourre-tout » pour enterrer le gouvernement
Électricité : le Liban réamorce sa transition vers le gaz
La location du Fatmagül Sultan et du Orhan Bey prolongée d’un an
commentaires (8)
"...le changement et les réformes..." dans toute leur splendeur, de même que la lutte contre la corruption promise un certain 31 oct. 2016 Irène Saïd
Irene Said
15 h 35, le 11 juin 2018