Les pourparlers entre Ankara et Washington marquent une avancée supplémentaire au sujet de Manbij. Les deux partenaires au sein de l’OTAN « ont défini les grandes lignes d’une feuille de route pour leur coopération en vue d’assurer la sécurité et la stabilité à Manbij », indiquent un communiqué de l’ambassade américaine à Ankara et le ministère turc des Affaires étrangères. Les discussions, qui ont eu lieu vendredi dernier à Ankara, se sont déroulées dans le cadre des groupes de travail turco-américains mis en place en février dernier sous la houlette de l’ancien secrétaire d’État américain, Rex Tillerson. L’objectif était de « poursuivre les conversations en cours concernant la Syrie et d’autres questions d’intérêt mutuel et de coopération », souligne le communiqué. Le document confirme par ailleurs que le ministre des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, et le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, « se rencontreront le 4 juin pour examiner les recommandations du groupe de travail ».
« Les deux parties veulent un apaisement de leurs relations », mais de nombreux éléments sont à prendre en compte, explique à L’Orient-Le Jour Bayram Balci, directeur de l’Institut français d’études anatoliennes à Istanbul. Les liens entre Washington et Ankara sont notamment fragilisés par différents dossiers au-delà de la question de Manbij : commande turque de missiles russes S-400, refus américain d’extrader le prédicateur turc Fethullah Gulen, ou encore projet de loi américain pour bloquer la vente de F-35 à la Turquie du fait de son rapprochement avec Moscou entamé à l’été 2016. Autant de dossiers qui compliquent un peu plus les pourparlers entre Washington et Ankara.
S’agissant de la seconde réunion du groupe de travail depuis mars, le rythme semble cependant s’accélérer à propos de l’avenir de Manbij. La Turquie, qui a lancé en janvier l’opération baptisée « Rameau d’olivier » contre les Kurdes à Afrine (nord de la Syrie), a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de se diriger ensuite vers Manbij et l’est de l’Euphrate. Un plan d’action qui s’annonçait potentiellement explosif tant sur le plan diplomatique que militaire alors que des troupes américaines sont présentes à Manbij et sont alliées aux forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), bête noire d’Ankara qu’il considère comme « terroristes ». Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a notamment promis en février d’infliger « une claque ottomane » aux Américains suite à leurs menaces de « réagir agressivement » si les Turcs se dirigeaient vers Manbij. Mais les discussions avec M. Tillerson lors de sa tournée dans la région ont permis de calmer le jeu. « Nous nous sommes entendus pour normaliser nos relations », avait précisé le chef de la diplomatie américaine.
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« Récolter les fruits de Afrine »
En ce sens, le ministre turc des Affaires étrangères a déjà déclaré le mois dernier qu’une feuille de route sur la Syrie et un calendrier ont été adoptés avec Washington. « Nous allons agir (en collaboration) avec les États-Unis à Manbij », a assuré M. Cavusoglu. Mais « la mise en œuvre de la feuille de route contraindra l’organisation terroriste YPG à se retirer de la ville syrienne de Manbij. Sinon, la Turquie serait obligée d’intervenir (militairement) contre les terroristes comme nous l’avons fait à Afrine », a-t-il averti.
Ankara bénéficie d’avantages diplomatiques et militaires non négligeables en Syrie depuis la prise de Afrine. L’offensive lui a permis de faire d’une pierre deux coups en consolidant sa présence sur le terrain syrien et en affaiblissant considérablement les combattants kurdes sur le terrain. « Les Turcs récoltent les fruits de l’opération à Afrine et veulent maintenant éviter une escalade », note M. Balci. Toutefois, « il y a un vrai souci sécuritaire pour la Turquie qui veut montrer qu’elle ne fera pas de concession au sujet des Kurdes et qu’elle est prête à en payer le prix », ajoute-t-il.
Les déclarations de vendredi laissent entrevoir un relatif optimisme au sujet de Manbij alors que les observateurs avancent la possibilité d’une administration américano-turque à Manbij, qui pourrait satisfaire Ankara. La rencontre entre MM. Cavusoglu et Pompeo le mois prochain devrait cependant venir avec son lot de conditions des deux côtés. Conformément à ce que souhaite Ankara, « les États-Unis pourraient faire pression sur les Kurdes pour partir de Manbij », estime l’expert. « En échange, les Américains pourraient demander la limitation du rapprochement turc avec la Russie ou encore la suspension de la vente des S-400 », ajoute-t-il.
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