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Culture - Théâtre

« Léocadia », rose à la manière d’un bonbon acidulé

Adapter Jean Anouilh, cet auteur dramatique adulé par le public pendant toute sa longue carrière, n’est certainement pas un exercice facile ! Et pourtant, au théâtre Tournesol*, Alain Plisson surmonte tous les obstacles avec brio.

La troupe de « Léocadia » investit le théâtre Tournesol sous la direction d’Alain Plisson. Photo Alain Girardet

Alain Plisson, qui affiche, à 89 printemps, une énergie débordante et une jeunesse revigorante, celle de l’esprit et du franc-parler, se lance dans la mise en scène de Léocadia de Jean Anouilh avec ce qui l’a toujours caractérisé, sa passion et sa dévotion inconditionnelle au théâtre. À ses fidèles soldats, Jacques Mokhbat, Cyril Jabre, et Philippe Fayad, viendront se greffer de nouveaux venus : Marie Morel et Carlos Yammine dans le rôle du jeune couple, Bassel Madi, Robert Martin et Alain Girardet dans des rôles secondaires, sans oublier Josyane Boulos qui a rejoint la troupe il y a quelques années et met au service du metteur en scène ses talents de productrice.

Un conte nostalgique
Léocadia figure parmi les « pièce roses » de Jean Anouilh, rose à la manière d’un bonbon acidulé. Ce grand auteur avait d’ailleurs répertorié la plupart de ses pièces de théâtre par catégories. Ainsi, nous pouvons retrouver les pièces noires (Antigone), les pièces roses (Le bal des voleurs), les pièces brillantes (L’invitation au château), les pièces grinçantes (Le dîner de tête), les pièces costumées (L’Alouette, Becket), ou encore les pièces farceuses (Chers oiseaux)...La première scène de Léocadia s’ouvre, au théâtre Tournesol, sur ce qui semble être un étrange château d’un autre temps habité par de loufoques personnages. Munie de sa petite valise et de son chapeau quelquefois encombrant, une jeune fille débarque, sollicitée pour un emploi. Modeste modiste, la jolie Amanda a du mal au départ (et le public avec elle) à comprendre la raison pour laquelle la duchesse désire l’embaucher. Toute l’énigme réside là, et pour cause. Ce n’est pas une simple entrevue, mais un plan machiavélique monté par la duchesse d’Andinet-d’Andaine, une femme extravagante, riche et puissante. Ses raisons pourtant relèvent d’une bonne foi et d’une tendresse infinie qu’elle porte à son neveu éploré, le prince Albert Troubiscoï, qui vit dans le souvenir de l’être aimé, une diva roumaine nommée Léocadia, morte lors d’un curieux accident de foulard. Léocadia est donc une Arlésienne, un Godot, un personnage autour duquel gravite l’histoire mais qu’on ne verra jamais.

Quand l’esprit est bien servi
Dans une mise en scène rondement menée et un souci de fidélité quant au panache du dialogue, tous les protagonistes apportent une touche d’humour bienvenue, évoluent avec aisance, maîtrisent leur texte tant dans les répliques percutantes que dans les situations graves, mais restent néanmoins tous portés par le dynamisme contagieux de la duchesse d’Andinet-d’Andaine, veuve de Gaston dont elle n’a pas eu d’enfant, incarnée par Josyane Boulos. Force est de constater que cette actrice est pour beaucoup dans la réussite du spectacle. Après avoir consacré plus de 25 ans de sa vie à la télévision libanaise (en digne fille de son feu père Jean-Claude Boulos), auteure elle-même de nombreuses pièces, actrice pour les plus grands metteurs en scène libanais de théâtre (Betty Taoutel, Lina Abyad ou Alain Plisson) et de cinéma (Philippe Aractingi), chef d’entreprise de sa société Urban Art ou de sa boîte de production 62 Events, Josyane Boulos enchaîne des rôles qui n’ont de cesse de confirmer son talent. L’extravagance et la spontanéité de son caractère entraînent les spectateurs dans un tourbillon de drôleries. Hormis le fait qu’elle campe à la perfection le personnage tant par son élocution que par sa gestuelle, elle enchaîne gloussements, petits sursauts, tirades emphatiques ou monologue, tant avec les vivants qu’avec les disparus, maîtrise un large éventail de registres vocaux et offre un rôle d’une authenticité telle que le spectateur est d’emblée propulsé dans le vécu de l’histoire. Elle forme un parfait couple avec Jacques Mokhbat dans le rôle du baron Hector qui, malgré une intervention plutôt succincte, n’en demeure pas moins égal à lui-même par un flegme inébranlable, drôle et surprenant, et un charisme à l’épreuve du temps. Malgré certaines réserves – le démarrage de la pièce un peu lent et quelques baisses de régime qui ralentissent le rythme –, Léocadia demeure un conte charmant et poétique, servi par une pléiade d’acteurs qui lui font honneur. Et si Anouilh touche par sa nostalgie d’un monde pur et perdu, Alain Plisson touche par son âme d’idéaliste. Un metteur en scène qui a travaillé dur tout au long de sa carrière pour élever le théâtre au rang sacré qu’il convient de lui conférer.

Théâtre Tournesol
De jeudi à dimanche, jusqu’au 3 juin 2018.


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