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Liban - Pédagogie

L’éducation inclusive, un programme qui voit le jour dans les écoles publiques libanaises

Le projet pilote englobe actuellement trente établissements publics sur l’ensemble du territoire.

Marwan Hamadé entouré, de gauche à droite, de Fadi Yarak, Tanya Chapuisat et Nada Oweijane. Photo Dar al-Mussawir

« Ce que j’aime le plus à l’école, c’est la façon dont les professeurs me traitent, exactement de la même manière que les autres élèves. J’aime mademoiselle Joumana qui m’apprend le braille, mais c’est mademoiselle Madonna que je préfère. Elle nous enseigne la physique, la chimie et la biologie. Rien ne m’empêche d’être comme les autres élèves. (…) Mon rêve, c’est de pousser loin mes études pour devenir professeur et enseigner à mon tour. » Ghina a 11 ans et est malvoyante. Elle fait partie des centaines d’élèves à besoins spécifiques qui bénéficient du programme d’éducation inclusive dans les écoles publiques.

Le projet a été officiellement lancé hier par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, au cours d’une cérémonie organisée au palais de l’Unesco. Réalisé en coopération avec le Centre de recherche et de développement pédagogiques et l’Unicef, il se poursuivra jusqu’en 2019.

Ce projet pilote englobe trente établissements scolaires publics répartis sur l’ensemble du territoire. Ils accueillent, jusqu’à la classe de sixième, des enfants à mobilité réduite ou ayant un handicap sensoriel, c’est-à-dire visuel et dans une étape ultérieure auditif. « Dans n’importe quelle école, près de 15 % des élèves auront des difficultés d’apprentissage et auront besoin de cours de rattrapage, explique à L’Orient-Le Jour Meri Poghosyan, éducatrice spécialisée à l’Unicef. Près de 5 % des élèves auront besoin d’un soutien psychologique, d’une thérapie orthophonique ou d’un plan d’éducation spécialisée pour soutenir leur inclusion scolaire. Au Liban toutefois, et dans certains autres pays, certains enfants ne sont même pas scolarisés. Si les parents découvrent qu’il y a un système adapté à leurs enfants, ils penseront à les inscrire dans les écoles. Notre objectif est donc d’atteindre ces enfants pour les inclure dans le système scolaire, mais aussi d’améliorer la qualité de l’éducation que reçoivent les enfants à besoins spécifiques dans les écoles. »



Des limites au projet
À l’échelle internationale, « il n’existe pas un modèle unique d’éducation inclusive », avance de son côté Hilda Khoury, directrice du département d’orientation pédagogique scolaire au ministère de l’Éducation. « Ce projet pilote va nous permettre d’avoir une meilleure idée sur la nature de notre aide, poursuit-elle. Malheureusement, ce projet n’englobe pas tous les besoins spécifiques, comme l’autisme et le retard mental. Les personnes sourdes seront incluses l’année prochaine. »

Viviane Matar Touma, psychologue clinicienne et consultante dans le cadre du projet, souligne qu’à l’heure actuelle, « ce programme ne pourra pas inclure les enfants présentant une surdité profonde et sévère, mais ceux avec une surdité moyenne ou légère ainsi que les enfants équipés d’un implant cochléaire ». « Cet enfant devra toutefois être accompagné en classe d’une personne qui lui traduira les cours en signes ou encore la salle doit être munie d’un wifi qui soit connecté par Bluetooth à son appareil auditif », précise-t-elle.

Dans le cadre de ce projet, « vingt-quatre éducatrices spécialisées en psychologie, psychomotricité ou orthophonie seront présentes chacune dans un de ces établissements », note pour sa part Fadi Yarak, directeur général du ministère de l’Éducation, soulignant qu’il faudrait combler un manque d’éducatrices au niveau des établissements scolaires dans la Békaa et au Liban-Sud. Des équipes mobiles de spécialistes devront, en outre, visiter à raison de manière hebdomadaire les trente établissements. Et d’affirmer que « ce projet est le premier jalon sur la voie de l’éducation inclusive dans l’ensemble des établissements scolaires publics ».

En fait, « une étude financée par l’Union européenne permettra de mieux comprendre la culture de l’éducation inclusive dans les écoles libanaises » et de définir par la suite les critères de cette éducation tant sur le plan logistique que pédagogique, comme le signale la présidente du Centre de recherche et de développement pédagogiques (CRDP), Nada Oweijane. S’attardant sur les projets du CRDP, elle met l’accent sur la stratégie nationale d’éducation inclusive qui sera développée avec les ministères, les directions, les écoles et les institutions concernés.


(Lire aussi : Proposition de loi de Keyrouz pour réglementer les étapes de l’implantation cochléaire)


Une pérennité assurée
Cela est d’autant plus important que « tout enfant a droit à l’éducation », comme l’affirme Tanya Chapuisat, représentante de l’Unicef au Liban. Cela sous-entend, poursuit-elle, tous les enfants sans aucune discrimination, quel que soit leur statut social, la communauté à laquelle ils appartiennent, leur ethnie et leur nationalité et qu’ils soient surdoués ou ayant des difficultés d’apprentissage ou un handicap quelconque. Pour la représentante de l’Unicef, cela sous-entend également, « qu’en présence d’un enfant à besoins spécifiques, c’est à l’établissement scolaire de s’adapter à ses besoins ».

Se félicitant de ce projet, Sylvana Lakkis, présidente de l’Union des handicapés du Liban, ne cache toutefois pas son scepticisme quant à la pérennité du projet, « vu les nombreux échecs que nous avons connus, de nombreux projets pilotes n’ayant pas connu de suite ». « Il est évident que la volonté existe, mais il est important que cette initiative soit incluse dans le système pédagogique », insiste-t-elle.

Le ministre de l’Éducation, Marwan Hamadé, est rassurant. Il affirme ainsi à L’OLJ que « ce projet s’étendra à un plus grand nombre d’écoles ». « Évidemment, il y a des questions de budget et de disponibilité de ressources humaines qualifiées pour accompagner cet effort, constate-t-il. Mais cet effort d’inclusion ne va pas s’arrêter. D’année en année, nous allons rajouter des dizaines d’écoles publiques et privées à ce projet qui va couvrir tout le Liban. »

« Ce que j’aime le plus à l’école, c’est la façon dont les professeurs me traitent, exactement de la même manière que les autres élèves. J’aime mademoiselle Joumana qui m’apprend le braille, mais c’est mademoiselle Madonna que je préfère. Elle nous enseigne la physique, la chimie et la biologie. Rien ne m’empêche d’être comme les autres élèves. (…) Mon rêve,...

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