Quand, le 29 novembre 1947, l’ONU a voté le plan de partage de la Palestine, les termes de la résolution évoquaient la création d’un « État juif », sous-entendant que l’autre partie du territoire serait « l’État arabe ». D’emblée étaient opposées, sur un même territoire, d’une part, une religion dont tout adepte, où qu’il se trouve, était désormais en droit de se réclamer de ce nouvel État, et, d’autre part, une culture ancestrale paisiblement ancrée parmi les orangers et les oliviers. La suite de l’histoire, on la connaît. Les violences inouïes infligées aux Palestiniens ne cesseraient plus jamais. Aujourd’hui, Palestine et Palestiniens sont devenus des mots tristes et douloureux qui se vident de leur sens. De vaines luttes en désastreuses gouvernances, d’instrumentalisations en trahisons, de guerre en guerre, l’État arabe s’est émietté, et ce ne sont pas Gaza et la Cisjordanie, réduites comme peau de chagrin et transformées en ghettos, qui ont le pouvoir d’être le ferment de ce projet de plus en plus illusoire.
Pour nous Libanais, l’évocation des « Palestiniens » ouvre aussitôt les portes de l’enfer. Tour à tour victimes et bourreaux, force est de constater avec le recul à quel point nous avons mal géré l’accueil des réfugiés palestiniens dans notre pays. Au premier élan, sincère et solidaire, a succédé la panique. Trop nombreux, puis trop armés, ils ont contribué à mettre le feu aux poudres de la guerre civile en nous révélant à nous-mêmes. C’est grâce à cet élément perturbateur que nous avons été confrontés à nos failles, nos conflits d’intérêt, nos profondes divisions. Au fond, ce que nous avons le plus redouté en quinze ans de combats meurtriers, c’est le monstrueux miroir qui nous était présenté en permanence et dans lequel nous n’étions pas beaux à voir. Les chrétiens du Liban n’ont pas oublié que pour le chef de l’OLP Yasser Arafat, le chemin du retour devait passer par Jounieh. La méfiance s’est muée en haine, et la haine en violence.
Pendant ce temps qui s’épuisait pour rien, le peu qu’il restait des territoires occupés n’a fait que rétrécir. Soixante-dix ans après la Nakba, on ne peut que constater le gâchis et la transmission de la souffrance. Le monde arabe se contente d’écraser une larmichette en chantant les vers de Mahmoud Darwich : « J’ai la nostalgie du pain de ma mère, du café de ma mère… » « Nous nous sommes trompés quand nous avons cru que la patrie, c’était seulement le passé ; pour Khalid, la patrie, c’est le futur, et la différence est là », écrivait Ghassan Kanafani dans Retour à Haïfa. Face à ce peuple désarmé dont il ne craint que la démographie plus élevée que la sienne, Israël poursuit tranquillement sa stratégie d’étranglement et de massacre. Certes, on pleure. Sur des photos, des chansons, des dessins, des reportages, des enfants martyrisés. Mais que sont les larmes du monde pour la nouvelle génération de Palestiniens qui n’a rien à faire du passé, qui voudrait un présent et un avenir, une vie normale et un minimum de dignité ? Quitte à mourir, dans l’espoir d’une seconde chance.
Quand, le 29 novembre 1947, l’ONU a voté le plan de partage de la Palestine, les termes de la résolution évoquaient la création d’un « État juif », sous-entendant que l’autre partie du territoire serait « l’État arabe ». D’emblée étaient opposées, sur un même territoire, d’une part, une religion dont tout adepte, où qu’il se trouve, était...
commentaires (7)
Soixante-dix ans après la Nakba les palestiniens vivent en mendiants du Droit , car ils incarnent l'exemple arabe la folie des grandeurs .
Antoine Sabbagha
19 h 22, le 17 mai 2018