À quoi sert un président de la République dans un Liban post-Taëf, démembré et en phase quasi terminale de dégénérescence ? À tout faire pour renforcer le bloc parlementaire qu’il présidait avant d’être élu ? À installer ses gendres sur des strapontins de luxe divers et variés, et les amis de ses gendres, ou les siens, aussi incompétents soient-ils, dans les chancelleries les plus prestigieuses ? À contribuer, plus ou moins directement, à la résurrection politique des plus sinistres symboles de l’occupation syrienne et du lahoudisme – il ne manque plus, dans le nouvel hémicycle, que des Adnane Addoum ou des Michel Samaha? À s’employer méticuleusement à pérenniser le concept milicien (et désormais mercenaire) incarné, dans son esprit et dans sa lettre, par le Hezbollah ? À participer à la chasse aux sorcières contre les penseurs, les acteurs, les journalistes, ou contre tous ceux qui pensent encore que la liberté d’expression est, sous l’ensemble de ses formes, encore sacrée dans ce pays qui perd tout, pourtant, à une vitesse vertigineuse ? À attirer contre le Liban toutes les rancœurs des pays donateurs, qu’ils soient arabes ou occidentaux ? À quoi sert le président de la République dans le Liban post-législatives 2018 ?
Ce ne sont rien moins que les douze travaux d’Hercule qui attendent désormais Michel Aoun.
Un : faire en sorte de restimuler la confiance de la communauté internationale dans le Liban et la capacité de ses autorités à gérer les cent et un défis auxquels elles sont hystériquement confrontées.
Deux : rétablir d’excellentes relations avec les pays du Golfe, parce que nous, Libanais, avons infiniment besoin d’eux, ne serait-ce que pour la plus élémentaire des raisons, ces centaines de milliers d’entre nous qui y travaillent et qui envoient régulièrement de l’argent au bercail.
Trois : ne pas se contenter d’effets de manche en programmant pour on ne sait quand une nouvelle saison de cette fameuse et fumeuse table de dialogue. Ni la nommer, pudiquement et hypocritement, stratégie de défense. Mais agir, concrètement, pour empêcher Hassan Nasrallah d’obéir à la moindre injonction iranienne visant à rééditer le scénario de 2006, commencé avec le rapt des deux troufions israéliens. S’il est impossible aujourd’hui d’obtenir de M. Nasrallah une refonte génétique de son Hezb, à commencer par son désarmement, que l’on fasse en sorte, au moins, qu’il ne provoque pas une nouvelle fois morts et destructions au Liban : tout le monde connaît la barbarie des gouvernements israéliens.
Quatre : rétablir l’État de droit – dans toute la plénitude du terme.
Cinq : appliquer, certes, le concept béni de charité bien ordonnée qui commence par soi-même, mais ne pas oublier la légendaire hospitalité des Libanais, qui ont été eux aussi, pendant plus de 15 ans et pour une imposante partie d’entre eux, déplacés aux quatre coins du globe. C’est à mi-chemin entre tout cela que se trouve le début d’une solution aux réfugiés syriens au Liban.
Six : imposer un aggiornamento global sur la pratique politique au Liban, sur la gabegie dans les ministères et les emplois fictifs, et sur la corruption, qui touche 9,9 hommes politiques libanais sur 10.
Sept : convoquer des états généraux sur l’économie, secteur par secteur, en imposant des dates butoirs pour des propositions concrètes, que rédigeraient des technocrates et des experts, loin des propositions cancérigènes de tel ou tel parti politique.
Huit : sanctuariser les libertés, toutes les libertés, rien que les libertés – sous le plafond de la loi, naturellement. Et quand la loi est scélérate, l’amender ou l’annuler.
Neuf : sanctuariser le statut de la citoyenne libanaise; faire en sorte, en légiférant à tout-va, d’aboutir à l’égalité homme-femme, à tous les niveaux. Pour un homme qui a trois filles, cela aurait dû être entamé depuis longtemps.
Dix : organiser de véritables conclaves pour trouver des solutions définitives aux horreurs endurées par les Libanais dans leur quotidien, entre électricité, eau, routes, déchets, hôpitaux, écoles, etc. Si les grosses huiles politiques veulent continuer à se remplir les poches criminellement, qu’elles le fassent avec des trafics en tout genre, armes ou drogues par exemple, mais pas sur le dos des contribuables. Ni noyées dans le pétrole.
Onze : trouver, rationnellement, le moyen de doubler le budget de trois ministères à même de modifier dans la durée, et profondément, l’image que les Libanais et le monde ont de ce pays : le Tourisme, la Culture et la Jeunesse et les Sports. Au passage, faire en sorte que les Affaires étrangères échoient à un disciple de Fouad Boutros. Ce dernier point est d’une importance capitale.
Bien sûr, il sera plus difficile pour Michel Aoun de réaliser tout cela que pour Hercule de tuer le lion de Némée et l’hydre de Lerne, de capturer le sanglier d’Érymanthe, la biche de Cérynie, les bœufs de Géryon, les juments de Diomède et le taureau du roi de Crète, de faire fuir les oiseaux du lac Stymphale, de dompter et ramener le chien Cerbère et de dérober la ceinture d’Hippolyte et les pommes d’or du jardin des Hespérides.
Reste le douzième travail. Réellement herculéen, celui-là. Le nettoyage des écuries d’Augias : le Courant patriotique libre. Et au passage, que Michel Aoun précise à ses compatriotes qui préside réellement aux destinées du Liban : lui ? Son gendre Gebran Bassil ? Sa fille Mireille Aoun Hachem ? Cela leur ferait infiniment plaisir.
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MARIE-JOE PARIS BRAVO BRAVO MERCI MERCI LIBAN JE VOUS AIME
Marie-Joe MATTALIA
00 h 19, le 18 mai 2018