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Économie - Focus

Les Nations unies et l’Autriche donnent un nouveau souffle à l’artisanat libanais

Des fabricants de savon, de couverts ou encore de pièces de broderie modernisent leurs produits avec l’espoir de les exporter.

Savons exposés dans le cadre de Yad, un projet de modernisation de l’artisanat libanais mis en œuvre par l’Onudi et financé par l’ambassade d’Autriche. Photo S.R.

Joseph Aoun, 91 ans, contemple sa photo en noir et blanc à travers une vitre de verre, posée à côté de couverts traditionnels de Jezzine en résine noire, agrémentés de la traditionnelle tête d’oiseau. Quatre autres versions de couverts ont été posées sur la table, de la plus proche de l’originale – la tête de l’oiseau a été supprimée pour plus de maniabilité – à la plus éloignée, en bois clair, où l’on devine simplement le dessin des plumes.

« Vous voyez, ceux-là sont plus pratiques que la version traditionnelle, ils ne font pas mal à la main », indique l’artisan, qui a hérité du savoir-faire de son père et de son grand-père, en montrant du doigt les couverts modernisés.
Comme une quarantaine d’autres artisans de Jezzine, il a participé à Yad (main, en arabe), un projet de modernisation de l’artisanat libanais qui s’applique aussi au savon de Tripoli et de Saïda ainsi qu’à la broderie de Baalbeck. Mis en œuvre par l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) et financé par l’ambassade d’Autriche à hauteur de 375 000 euros (448 519 dollars), le projet a été inauguré à la villa Audi à Achrafieh avec une exposition des nouveaux produits élaborés sous la direction artistique du concepteur de produits italien Giulio Vinaccia.

« Quand nous avions entamé ce projet il y a un an et demi, nous avions réalisé qu’il n’existait pas de programme qui préserve l’héritage culturel (libanais) dans le domaine de l’artisanat », a déclaré Cristiano Pasini, représentant régional de l’Onudi, lors de son intervention.

En berne, l’artisanat libanais a besoin de se réinventer. Joseph Aoun se souvient des années fastes lorsque les touristes européens, arabes ou américains lui achetaient ses couverts en souvenir. « Aujourd’hui, il n’y a plus personne », s’exclame-t-il, avec un geste énergique de la main.

Objet historique
Selon Marlen Bakalli, chargé de ce projet à l’Onudi, d’autres facteurs que l’instabilité régionale et la fuite des touristes expliquent la baisse des ventes. « Soyons honnêtes, la coutellerie traditionnelle de Jezzine est un objet historique sans grande valeur pratique. Les gens n’en achètent plus, et les artisans en souffrent. Notre idée, c’est d’examiner le produit original et d’essayer d’en faire quelque chose de différent. »

Selon le directeur général du ministère de l’Industrie, Dany Gédéon, la modernisation des produits artisanaux libanais est plus que nécessaire. « Prenons par exemple le cas des meubles : le Liban en importe en premier lieu d’Italie. Ce n’est pas parce que les produits italiens sont moins chers. C’est une question de style. Il faut que les artisans libanais s’adaptent. »

Entre 2016 et 2017, les importations de meubles ont augmenté de 10,3 % à 255 millions de dollars, tandis que les exportations ont baissé de 13,7 %, à 43 millions de dollars, selon les douanes. Le budget du ministère de l’Industrie n’est pas assez important pour soutenir l’artisanat et l’industrie libanaises, a reconnu M. Gédéon, d’où l’importance de projets financés par des pays étrangers. 

Pour Marlen Bakalli, les produits visés par l’Onudi ont de grandes chances d’être vendus à l’étranger. Personne ne s’avance encore sur leurs prix de vente, bien qu’il sera « abordable », assure M. Pasini. « Nous ciblerons par exemple (NDLR : la marque de décoration de maison italienne) Coincasa, ou les Salons internationaux comme Maison et Objet », poursuit Marlen Bakalli. « Certains artisans sont des semi-industriels et savent déjà comment exporter leur produit », ajoute-t-il.
C’est le cas de Zahia Abboud, qui vend déjà ses savons de Saïda dans le Duty Free de l’Aéroport international de Beyrouth. Avec l’Onudi, elle a développé de nouveaux savons au musc, l’un noir, l’autre blanc, présentés dans une élégante boîte noire. « Je dois maintenant commercialiser mes nouveaux produits », souligne Zahia Abboud, qui assure déjà être en négociation avec un client à Dubaï.

Pour l’ambassadeur d’Autriche, Marian Alexander Wrba, la collection Yad s’inscrit surtout dans le soutien de la communauté internationale au Liban dans le contexte de la crise syrienne. « L’Autriche adhère à l’approche du gouvernement libanais, selon laquelle les programmes humanitaires doivent être complétés par des stratégies de développement économique, qui encouragent la croissance à travers les investissements dans les secteurs productifs libanais », a-t-il déclaré lors de son allocution. Il reprenait ainsi l’un des arguments présentés par le Premier ministre Saad Hariri dans sa « vision pour la stabilisation, la croissance et l’emploi », au cours de la Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises (CEDRE) qui s’est tenue le 6 avril dernier à Paris.



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Joseph Aoun, 91 ans, contemple sa photo en noir et blanc à travers une vitre de verre, posée à côté de couverts traditionnels de Jezzine en résine noire, agrémentés de la traditionnelle tête d’oiseau. Quatre autres versions de couverts ont été posées sur la table, de la plus proche de l’originale – la tête de l’oiseau a été supprimée pour plus de maniabilité – à la plus éloignée, en bois clair, où l’on devine simplement le dessin des plumes. « Vous voyez, ceux-là sont plus pratiques que la version traditionnelle, ils ne font pas mal à la main », indique l’artisan, qui a hérité du savoir-faire de son père et de son grand-père, en montrant du doigt les couverts modernisés. Comme une quarantaine d’autres artisans de Jezzine, il a participé à Yad (main, en arabe), un projet de...
commentaires (2)

Il faut faire bon marketing et en effet s'adapter un petit peu en préservant l'essentiel. Supprimer la tête de l’oiseau pour la coutellerie traditionnelle c'est peut-être possible en utilisant des techniques pour incorporer la tête de l’oiseau autre part, par exemple dans l'emballage du produit ... Ca peut rester donc le "logo" distinctif de ce produit joli précieux et avec beaucoup d'histoire.

Stes David

14 h 29, le 14 mai 2018

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Commentaires (2)

  • Il faut faire bon marketing et en effet s'adapter un petit peu en préservant l'essentiel. Supprimer la tête de l’oiseau pour la coutellerie traditionnelle c'est peut-être possible en utilisant des techniques pour incorporer la tête de l’oiseau autre part, par exemple dans l'emballage du produit ... Ca peut rester donc le "logo" distinctif de ce produit joli précieux et avec beaucoup d'histoire.

    Stes David

    14 h 29, le 14 mai 2018

  • ESPERONS ET SOUHAITONS LE MIEUX !

    LA LIBRE EXPRESSION.

    10 h 42, le 14 mai 2018

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