Rechercher
Rechercher

À La Une - Reportage

Dans le sud agricole de l'Irak, la sécheresse s'accentue

La sécheresse a déjà fait fuir des dizaines de familles dans plus de vingt villages.

Une Irakienne lavant des ustensiles à Sayyed Dakhil, le 20 mars 2018. AFP / HAIDAR MOHAMMED ALI

Abou Ali démarre avec précaution son moteur pour tirer de quoi arroser son champ. Avant, dit-il, personne dans son village n'avait besoin d'un puits pour l'irrigation mais aujourd'hui, la sécheresse menace l'agriculture et plus généralement la vie dans le sud de l'Irak.

"L'année dernière, le fleuve a commencé à s'assécher. Aujourd'hui, nous n'avons plus que les puits pour nous fournir en eau", explique à l'AFP cet agriculteur de 73 ans.

Lui qui vit de la terre depuis son enfance dans le village de Sayyed Dakhil, à l'est de la ville de Nassiriya (300 km au sud de Bagdad) s'en remet désormais à la nappe phréatique qu'il pompe grâce à un puits qui lui a coûté plus de 1.600 dollars.

"L'eau que nous puisons sert à faire boire nos vaches et nos moutons et, malgré son goût amer, nous l'utilisons aussi pour cuisiner et même nous en buvons", poursuit l'homme en longue robe beige traditionnelle.

En appoint, pour l'eau potable, la famille a installé six réservoirs d'une capacité totale de 18 mètres cubes, qu'elle remplit au moins chaque semaine pour environ 20.000 dinars irakiens (17 dollars).

Abou Ali est encore là, mais la sécheresse a déjà fait fuir des dizaines de familles dans plus de vingt villages.


(Lire aussi : Après le fusil, la pelle: la reconversion de combattants dans l'Irak post-EI)


Sources taries par les voisins
Pour Mehdi Rachid, ingénieur au ministère des Ressources hydrauliques, le premier responsable, c'est le climat. "Pour la deuxième saison consécutive, les pluies sont faibles et les températures ont augmenté", dans un pays où le thermomètre dépasse souvent les 50 degrés en été, explique-t-il. Selon lui, la pluie représente "30% des ressources de l'Irak, les 70% restants sont puisés dans les fleuves, partagés avec les pays voisins", comme l'Iran, la Turquie et la Syrie.

"L'Iran a complètement dérouté le cours du fleuve Karoun et a construit trois grands barrages sur le fleuve Karaj", deux des sources principales des cours d'eau qui traversent l'Irak, affirme-t-il encore. En tout, des 45 affluents que se partageaient les deux voisins, seuls trois ou quatre existent toujours, selon lui. Quant à la Turquie, poursuit-il, l'Irak est "actuellement en discussion au sujet du barrage d'Ilisu", installé sur le Tigre, qui avec l'Euphrate a valu à l'Irak depuis des siècles le surnom de "pays des deux fleuves". Ce projet a récemment été reporté par Ankara.

Alors que les sources d'eau se raréfient, les trois grands barrages irakiens et la vingtaine d'autres plus petits sont loin d'être remplis. La capacité des réservoirs est de 96 milliards de m3, mais "leur remplissage actuel n'est que de 12 milliards de mètres cubes", affirme M. Rachid.


(Lire aussi : La Banque mondiale va financer un grand projet d’eau potable à Bagdad)


Sécheresse historique
Quant aux marais de Mésopotamie, l'une des plus grandes zones humides de la région, ils sont aussi victimes de "la pire sécheresse de leur histoire", assure à l'AFP Jomaa al-Daraji, membre d'une association de défense du site.

Et l'eau qui se raréfie menace, outre les provinces de Bassora et de Zi Qar --où se trouvent les marais--, d'autres provinces des environs, comme Diwaniya, al-Mouthanna et Missane, qui vivent principalement d'agriculture et où sont installés près du quart des Irakiens, affirment les responsables.

La province de Diwaniya compte plus de 7.500 km² de zones agricoles, rappelle Safa al-Janabi, en charge de l'agriculture au Conseil provincial. Mais, pendant la saison agricole, "au moins 500 kilomètres carrés ne peuvent être irrigués".

Et ce alors que 80% de l'agriculture de la province dépendent des moteurs et autres mécanismes nécessaires pour puiser l'eau d'irrigation, selon Ismaïl Abdel Wahed, en charge des ressources en eau au sein du même Conseil. Et cela, "du fait des politiques hydrauliques de la Turquie et de l'Iran qui pénalisent l'Irak", assure-t-il.

La sécheresse, Oum Aqil assure qu'elle a failli lui enlever son fils. Parce que l'agriculture dans leur province de Diwaniya ne nourrissait plus son homme, et parce que les jihadistes venaient de s'emparer d'un tiers de son pays, son fils Aqil s'est engagé. Au sein des unités du contre-terrorisme, il a aidé à déloger le groupe Etat islamique (EI) de Mossoul, leur ancienne "capitale" dans le nord. Mais il est revenu handicapé, après avoir perdu un bras dans la bataille. "Il s'était engagé dans l'armée parce que l'agriculture devenait de plus en plus difficile. A cause de la sécheresse".

Abou Ali démarre avec précaution son moteur pour tirer de quoi arroser son champ. Avant, dit-il, personne dans son village n'avait besoin d'un puits pour l'irrigation mais aujourd'hui, la sécheresse menace l'agriculture et plus généralement la vie dans le sud de l'Irak.
"L'année dernière, le fleuve a commencé à s'assécher. Aujourd'hui, nous n'avons plus que les puits pour nous fournir...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut