Berlin va rebaptiser plusieurs rues rappelant la colonisation allemande en Afrique et honorer à la place des militants africains de l'indépendance, une nouvelle étape dans la prise de conscience tardive du pays sur son passé colonial.
Après plus de dix ans de débats, les élus des partis de gauche qui dirigent l'arrondissement de Mitte dans la capitale allemande ont adopté mercredi soir un texte préconisant de changer les noms de quatre rues du secteur surnommé "quartier africain", a indiqué à l'AFP une porte-parole de la ville de Berlin, Melita Ersek.
Le parti démocrate-chrétien de la chancelière Angela Merkel, les libéraux et le parti d'extrême droite AfD ont voté contre.
Une "décision finale devrait intervenir dans un mois", a ajouté Mme Ersek, ce qui devrait être une formalité.
Le texte préconise notamment de débaptiser les rues portant les noms de personnalités liées à l'occupation brutale de la Namibie (1884-1918), où les Allemands ont tué entre 1904 et 1908 plusieurs dizaines de milliers de membres des tribus Herero et Nama qui s'étaient soulevés contre eux. Un massacre considéré comme le premier génocide du XXe siècle.
"Le +quartier africain+ glorifie toujours le colonialisme allemand et ses crimes. Ce n'est pas compatible avec notre conception de la démocratie et porte atteinte de façon durable à la réputation de la ville de Berlin", souligne le texte.
Situé à Wedding, quartier ouvrier et immigré, le "quartier africain" tire son surnom du projet de l'entrepreneur Carl Hagenbeck qui, à la veille de la Première guerre mondiale, projeta d'y installer un parc abritant des êtres humains et des animaux venus du continent africain.
Le décès de Hagenbeck sonna le glas du projet mais plusieurs rues furent baptisées en hommage à l'empire colonial allemand.
Le texte adopté par les élus berlinois vise la Petersallee (hommage à Carl Peters, le fondateur de l'Afrique allemande de l'Est, l'actuelle Tanzanie); la place Nachtigal (du nom de Gustav Nachtigal, qui avait notamment annexé en 1884 le Cameroun et le Togo); et la rue Lüderitz (d'après Adolf Lüderitz, fondateur de l'Afrique allemande du sud-ouest, l'actuelle Namibie).
A leur place, les plaques porteront les noms de combattants contre l'occupation coloniale allemande : Rudolf Manga Bell, héros de l'indépendance camerounaise; Anna Mungunda, femme Herero et résistante aux Allemands; Cornelius Frederiks, chef des Nama; ou encore Maji-Maji, nom donné au soulèvement de tribus d'Afrique orientale contre les autorités coloniales allemandes (1905-1907).
Selon le quotidien berlinois Tagesspiegel, la décision pourrait encore se heurter à la résistance de riverains susceptibles de contester en justice ces modifications.
Cette décision des élus berlinois s'inscrit dans le processus de réflexion entamé il y a quelques années par l'Allemagne sur son passé colonial.
Jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale, l'Empire allemand possédait plusieurs colonies en Afrique : l'Afrique orientale allemande s'étendait sur les territoires actuels du Rwanda, du Burundi et d'une partie de la Tanzanie, le sud-ouest africain recouvrait l'actuelle Namibie et l'ouest avec les actuels Cameroun et Togo.
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