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Économie - impôts

Budget 2018 : les députés en passe de voter une amnistie fiscale

Retour sur les principales dispositions, prévues dans le projet de budget de 2018, d’une mesure qui fait grincer des dents les fervents défenseurs de l’équité fiscale.

Le président de la commission des Finances et du Budget, Ibrahim Kanaan, a décidé de maintenir dans le projet de budget la disposition prévoyant une amnistie fiscale. Photo ANI

Le projet de budget pour l’exercice de 2018, tel qu’approuvé lundi en commission parlementaire des Finances et du Budget et examiné aujourd’hui en session plénière, comporte bel et bien l’article (n° 25) permettant une amnistie fiscale sur le règlement de l’impôt sur le revenu, notamment pour toutes les personnes ayant sciemment fui ou fraudé l’administration fiscale. Une information confirmée hier à L’Orient-Le Jour par le président de la commission des Finances et du Budget, le député Ibrahim Kanaan, à l’issue de sa conférence de presse au Parlement.

« Nous n’avons pas pu faire autrement », a indiqué M. Kanaan, avant de concéder que cet article n’avait en réalité pas lieu d’être, mais qu’il contribuera toutefois à l’élargissement de l’assiette fiscale, et donc à la hausse des recettes publiques à moyen terme. Cette mesure a d’ailleurs suscité l’indignation du président de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic), l’avocat fiscaliste Karim Daher, qui y voit « un encouragement à la fraude fiscale » et une violation du principe constitutionnel « d’équité fiscale », puisqu’on permet aux fraudeurs de s’en sortir en s’acquittant de « montants dérisoires ». « La fraude fiscale impunie a créé pendant de longues années une distorsion entre les agents économiques. Les plus habiles ont été récompensés au détriment de ceux qui s’acquittaient régulièrement de leurs obligations fiscales », avait-il dénoncé dans une tribune publiée dans nos colonnes le 27 février. Et pour cause, une loi votée en décembre 2001 avait déjà permis une amnistie fiscale générale sur la période allant de 1992 à 1999. Le législateur avait insisté sur le fait qu’elle soit accordée « exceptionnellement et pour la dernière fois ».

Concrètement, selon l’article 25 du projet de budget de 2018, toutes les personnes qui ne se sont jamais enregistrées auprès de l’administration fiscale bénéficieront de cette amnistie sur leurs années d’activité de la période 2011-2016 ; et celles qui se sont enregistrées, mais n’ont jamais déclaré leurs revenus, ou encore celles qui sont enregistrées, mais n’ont pas déclaré la totalité de leurs revenus pourront en bénéficier pour la période 2013-2016. Les holdings, les sociétés offshore, les bureaux de représentation, ainsi que les personnes morales et physiques bénéficiant d’exemptions fiscales permanentes ou ponctuelles sur le paiement de l’impôt sur le revenu ne sont pas concernées par cette amnistie fiscale (alinéa 4 de l’article 25).

Conditions de régularisation
Ainsi, les personnes non enregistrées auprès de l’administration fiscale pourront (alinéa 6), une fois la loi de finances de 2018 votée et publiée au Journal officiel, régulariser leur situation simplement en s’acquittant d’un montant de 4 000 000 livres si elles sont des sociétés anonymes ; de 3 000 000 livres s’il s’agit de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés de personnes, des sociétés individuelles imposables sur la base de gain forfaitaire, ou des agents immobiliers ; de 750 000 livres si ce sont des sociétés individuelles imposables sur la base de gain réel ; de 300 000 livres pour les professions libérales dont l’inscription à un ordre professionnel est obligatoire ; et de 200 000 livres pour les professions libérales pour lesquelles ce n’est pas obligatoire.

Quant aux personnes qui n’ont déclaré qu’une partie de leur chiffre d’affaires (alinéa 5) durant la période de l’amnistie, elles devront s’acquitter d’un montant équivalent à 0,5 % de leurs revenus d’exploitation (non financiers) générés au cours de ces années s’il s’agit de sociétés industrielles et à 1 % de ces revenus pour les sociétés commerciales et de services. Les banques, les institutions financières et les intermédiaires financiers devront, eux, s’acquitter de 5 % de leurs bénéfices nets déclarés. Les personnes n’ayant pas fait de déclaration de revenus durant une ou plusieurs années de la période de l’amnistie devront régler un montant équivalent à 1 % du chiffre d’affaires moyen réalisé durant les années déclarées. Et les personnes imposables sur la base d’un gain estimé devront régler un montant de 100 000 livres pour chaque année non déclarée. Reste celles qui sont enregistrées, mais qui n’ont déclaré aucun revenu, ou bien ont déclaré un revenu nul : elles devront s’acquitter d’un montant de 2 000 000 livres s’il s’agit de sociétés anonymes ; de 1 500 000 livres si ce sont des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés de personnes, des sociétés individuelles imposables sur la base de gain forfaitaire, ou des agents immobiliers ; de 400 000 livres pour les sociétés individuelles imposables sur la base de gain réel ; de 200 000 livres pour les professions libérales dont l’inscription à un ordre professionnel est obligatoire ; et de 150 000 livres pour les professions libérales pour lesquelles ce n’est pas obligatoire.

Les personnes précitées devront régulariser (alinéa 7) leur situation dans les six mois qui suivront la publication de la loi de finances au Journal officiel. Elles auront également la possibilité d’échelonner le règlement de ces montants sur trois ans, avec des intérêts similaires à ceux des bons du Trésor, à condition qu’elles procèdent au règlement de 10 % du montant dû lors des trois premiers mois.

Pour toutes les personnes qui ne se manifesteront pas durant ces six mois, elles pourront faire l’objet d’un contrôle fiscal (alinéa 11). Le ministère des Finances prévoit d’entamer une vaste enquête de terrain, en coopération notamment avec les municipalités, à compter de cette date.



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commentaires (6)

Encore une question bête et méchante: au cas où cette loi "d'amnistie fiscale"est promulguée...qui ira contrôler tous les fraudeurs, amnésiques volontaires et mauvais payeurs et les poursuivra, dans notre beau pays si bien organisé et contôlé ??? Comme d'habitude, on va s'acharner sur le petit contribuable que l'on peut attraper facilement, tandis que les gros bonnets s'en tireront en versant, au nom de la sainte corruption nationale, quelques billets là où il faut. Irène Saïd

Irene Said

17 h 51, le 28 mars 2018

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Commentaires (6)

  • Encore une question bête et méchante: au cas où cette loi "d'amnistie fiscale"est promulguée...qui ira contrôler tous les fraudeurs, amnésiques volontaires et mauvais payeurs et les poursuivra, dans notre beau pays si bien organisé et contôlé ??? Comme d'habitude, on va s'acharner sur le petit contribuable que l'on peut attraper facilement, tandis que les gros bonnets s'en tireront en versant, au nom de la sainte corruption nationale, quelques billets là où il faut. Irène Saïd

    Irene Said

    17 h 51, le 28 mars 2018

  • Encore une "amnistie" à but électoral évident. Quelle injustice pour les contribuables honnêtes, eh oui...!...il y en a encore dans ce pays ! Et après cela le Liban se plaint que les caisses sont vides et va mendier un peu partout dans des conférences internationales... Nous atteignons le fond du gouffre de la honte, pauvre Liban ! Irène Saïd

    Irene Said

    17 h 34, le 28 mars 2018

  • Je pense de ma part que cette loi est une bonne loi. Je m'explique. Il est de notoriété publique qu'au Liban payer ses impôts n'est pas une chose "automatique" ... On se comprend tous .... MOI JE PAYE MES IMPÔTS, MAIS PAS MES VOISINS .... Cela dit, je suis aussi le voisin, de mon voisin! Plus sérieusement, il est prouvé que ce genre de loi, peut efficacement encourager les récalcitrants à se mettre en conformité vis à vis de la loi et payer ses impôts. Voici un exemple concret : Il y a une dizaine d'année en France il y a eu une loi qui a amnistié tous ceux qui acceptaient d'enregistrer dans les commissariats leurs armes non déclarées à l'état. Au-delà d'une date butoir les citoyens qui se trouvaient en possession d'armes non déclarées devraient répondre devant la justice de leur acte (amende voir plus selon les cas) Et cela a parfaitement marché puisque des centaines de milliers de citoyens, dans les semaines qui ont suivi cette loi, ont déclaré leurs armes dans les commissariats.... Conclusion : Cela peut parfaitement marcher.

    Sarkis Serge Tateossian

    17 h 10, le 28 mars 2018

  • C'EST SCANDALEUX ET REVOLTANT POUR CEUX QUI COMME MOI PAYONS TOUS NOS IMPOTS JUSQU'A LA DERNIERE PIASTRE.

    Roland Husseini

    13 h 35, le 28 mars 2018

  • C'EST FOU CETTE HISTOIRE

    Gebran Eid

    11 h 55, le 28 mars 2018

  • L,AMNISTIE FISCALE C,EST ENCOURAGER L,ILLEGALITE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 24, le 28 mars 2018

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