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Liban - Législatives 2018 - USJ

Vif débat sur les droits politiques des communautés et ceux des citoyens

De gauche à droite : Élie Fayad, Ibrahim Chamseddine, Amine Issa et Alain Aoun.

Un débat sur les droits politiques des communautés et ceux des citoyens au Liban a eu lieu le mercredi 7 mars 2018 à la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Saint-Joseph (FLSH), à l’initiative du master en information et communication, en partenariat avec L’Orient-Le Jour. Animée par Amine Issa, responsable du master, la table ronde était marquée par les interventions du député Alain Aoun, de l’ancien ministre Ibrahim Chamseddine et de notre collaborateur Élie Fayad, rédacteur en chef adjoint de L’Orient-Le Jour. Ces intervenants ont débattu de la possibilité de concilier entre droits politiques des communautés et droits des citoyens selon différentes perspectives.

Le confessionnalisme politique, à l’origine des crises
Dans cette table ronde, tous les intervenants ont été d’accord sur l’idée suivante : le confessionnalisme politique, qui donne le droit de représentation aux communautés dans le gouvernement, est la cause principale des déséquilibres et des crises au Liban.

D’entrée de jeu, Amine Issa a entamé le débat en expliquant la différence entre un citoyen et une communauté, un citoyen étant « une personne physique, un individu identifié par sa nationalité, qui inclut tous les autres », alors que la communauté est « une personne morale, un ensemble de personnes identifiées par leur religion, qui exclut les autres ».

Par la suite, le député Alain Aoun a expliqué la différence entre le droit politique des communautés et celui des citoyens. En effet, tous les Libanais ont des droits indépendamment de leur confession (ce sont les droits des citoyens), alors que le droit politique des communautés constitue le droit de leur représentation dans le gouvernement. Ce dernier dépend de la nature du Liban et de la composition de son système politique à base confessionnelle. M. Aoun a ajouté que dans la Constitution libanaise, tous les citoyens libanais sont égaux en termes de droits et de devoirs, mais en ce qui concerne le droit de répartition confessionnelle dans le système politique, il y a un certain équilibre ou une certaine justesse de représentativité à rétablir, notamment pour les chrétiens, qui ont été « marginalisés » depuis l’accord de Taëf.

Ce point de vue a été contesté par Ibrahim Chamseddine. En effet, pour lui, il ne semble pas qu’il puisse y avoir un équilibre entre les communautés au Liban. Ainsi, la marginalisation ou l’injustice qu’il y a eu envers les chrétiens après la signature de l’accord de Taëf n’avait pas pour origine l’État libanais lui-même, mais certaines communautés qui ont pu contrôler le pays, et par la suite les droits des autres communautés. Élie Fayad partage le point de vue de M. Chamseddine, selon lequel l’équilibre entre les communautés est fictif parce que le système politique libanais a une philosophie de base qui va dans le sens d’une démocratie parlementaire. En effet, cette démocratie reconnaît aux communautés non pas des droits, mais une existence au niveau de la société, qui n’a pas pour but de leur accorder des privilèges, mais de les neutraliser afin de résoudre le problème confessionnel. Il a ajouté qu’à la base, dans la Constitution, les confessions (maronite, sunnite, chiite…) n’étaient pas mentionnées, mais les clivages politiques influencés par la situation géopolitique du Liban ont déformé le système, l’emmenant dans une sorte de fédéralisme communautaire.


(Pour mémoire : L’évolution du système politique passée au crible à l’USJ)


Peut-on se débarrasser de l’esprit communautaire ?
Partageant le même avis que M. Fayad sur le clivage politico-communautaire, Alain Aoun a ajouté que la division confessionnelle a été renforcée par l’occupation syrienne et le clientélisme politique. Il a aussi expliqué que l’esprit confessionnel chez les Libanais est difficile à supprimer. Ainsi, il a comparé la citoyenneté à un immeuble qui comprend cinq étages : le premier étant l’appartenance à la famille, le deuxième la région, le troisième l’appartenance à un parti politique, le quatrième à la confession, et enfin le dernier qui est l’appartenance au pays. Selon lui, la plupart du temps, les citoyens sont limités à l’appartenance à la confession et restent coincés dans cet étage-là, autour duquel tourne la vie politique.

De même, Ibrahim Chamseddine a parlé d’identités citoyennes. Ainsi, il a expliqué que chaque individu possède deux identités : une inférieure (l’appartenance religieuse, sectaire) et une supérieure (la nationalité libanaise). En tant que citoyens, les Libanais doivent toujours privilégier leur identité supérieure à leur appartenance religieuse pour le bien du pays. Bien qu’il se rapproche de M. Aoun sur la question de la citoyenneté, M. Chamseddine estime que ce n’est pas la nature des Libanais qui les a poussés naguère à être confessionnels dans leurs votes, mais la structure du système qui les a divisés et obligés à voter selon leur communauté. Il a aussi évoqué d’autres problèmes dont l’origine est le confessionnalisme, comme le partage des postes du pouvoir entre les partis et la création d’oligarchies ; ou le fait de faire peur pour gagner des voix. Ainsi, pour l’ancien ministre, les citoyens ne doivent pas voter en fonction de leur communauté ou de leur religion, mais doivent choisir la personne qui leur rend le service qu’ils réclament.


(Pour mémoire : Les droits de l’homme à l’honneur à l’USJ)


Le discours identitaire
Appuyant Ibrahim Chamseddine sur l’idée de la crainte avec laquelle gouvernent les partis politiques, Élie Fayad a aussi parlé du problème du discours identitaire « suicidaire » que mène chaque parti, tuant ainsi l’idée du Liban en tant qu’État commun a tout le peuple. Il a ajouté qu’au Liban, les partis politiques musulmans sont liés à des forces extérieures (le Hezbollah à l’Iran et le courant du Futur à l’Arabie saoudite), ce qui les protège, contrairement aux chrétiens qui n’ont aucune force qui les défend. Cette idée a été critiquée par M. Chamseddine, qui a expliqué que les partis politiques ne doivent pas tisser des liens avec des pays extérieurs sans tenir compte du Liban, et qu’ils n’ont pas besoin de ces relations, qui nuisent à l’intégralité du pays.

Alain Aoun a aussitôt qualifié « d’idéaliste » le point de vue de M. Chamseddine, et de « réaliste » celui de M. Fayad. Il a affirmé, comme l’a dit ce dernier, qu’il existe certainement des communautés qui ont des rapports avec des puissances régionales et que ceux-ci influencent énormément le cours des choses. Il a conclu en affirmant que le discours identitaire n’a pas nui au Liban, mais que c’est la pratique identitaire qui a causé la marginalisation des chrétiens, créant chez eux le besoin d’être représentés à la table pour pouvoir obtenir leurs droits.

Finalement, Michel Touma, rédacteur en chef à L’Orient-Le Jour, a ajouté deux remarques au débat, expliquant en premier lieu le besoin d’établir une distinction entre la pratique et la mentalité sectaires qui agissent de manière confessionnelle ; et la participation des communautés au pouvoir qui est nécessaire puisqu’il existe une série de dossiers qui n’ont pas encore été débattus ou tranchés comme celui du mariage des mineurs. Enfin, il a mis en lumière la nécessité d’être dans une situation de paix civile et d’acceptation de l’autre dans sa différence afin de dépasser le système confessionnel.



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commentaires (3)

Une tres belle initiative... Un sujet "animé" et c'est normal. C'est en confrontant les idées qu'une solution voir une synthèse devient envisageable.

Sarkis Serge Tateossian

16 h 16, le 24 mars 2018

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Commentaires (3)

  • Une tres belle initiative... Un sujet "animé" et c'est normal. C'est en confrontant les idées qu'une solution voir une synthèse devient envisageable.

    Sarkis Serge Tateossian

    16 h 16, le 24 mars 2018

  • IL N,Y A PAS DE CONFESSIONALISME POLITIQUE... IL Y A CONFESSIONALISME TOUT COURT DES BASES ET JUSQU,AUX SOMMETS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 11, le 24 mars 2018

  • il me semble que tous sont d'accord que l'allegeance a l'etranger est la vrai source de nos maux, quelques nuances ont pourtant ete notees par l'un ou l'autre qui ont fait que cet accord a fnini par etre un tout petit peu mitige en quelques sortes. Ce qui reste a faire est de trouver un remede, une parade une solution qui ne peuvent etre trouves que lorsque ce beau monde le saouhaite vraiment . pas evident , sachant que cela traine depuis la creation du grand liban sans aucune avancee, pire en regressant dramatiquement.

    Gaby SIOUFI

    11 h 51, le 24 mars 2018

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