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Liban - Législatives 2018 - témoignages

Législatives 2018 : ces Libanais qui ont décidé de s’abstenir

Manque de confiance en la classe politique, dégoût du système... À moins de deux mois du scrutin, "L’Orient-Le Jour" a donné la parole à des Libanaises et Libanais, résidant dans le pays ou à l’étranger, qui ont décidé de ne pas aller voter le 6 mai prochain.

Le taux d'abstention aux législatives libanaises prévues le 6 mai 2018 sera-t-il supérieur à celui des précédents scrutins ? Photo d'illustration. AFP/KENZO TRIBOUILLARD

Nombreux sont les Libanais qui affirment haut et fort que les responsables qui dirigent leur pays sont incompétents et ne devraient pas rester en poste. Pourtant, une majorité d’entre eux compte voter aux prochaines élections législatives, et leurs bulletins iront en faveur des partis traditionnels.

C’est ce qui ressort d’un sondage commandé par le National Democratic Institute (NDI) et mené par la société al-Douwaliya lil-Maaloumat. Effectuée sur la période s’étendant du 19 décembre 2017 au 14 janvier 2018, l’étude se base sur un échantillon de 2 400 personnes choisies dans les 26 cazas. Selon ce sondage, 50,9 % des personnes interrogées affirment qu’elles iront très probablement voter, 25,5 % disent qu’elles iront probablement voter, contre 12,9 % qui prévoient de s’abstenir, 8 % qui affirment qu’elles ne voteront très probablement pas et 2,5 % qui disent ne pas savoir si elles iront voter.

Lors des législatives de 2009, le taux de participation s’élevait à 54,08 %, et en 2005, ce chiffre atteignait les 45,80 %. Qu’en sera-t-il pour le scrutin prévu le 6 mai ? Le niveau d’abstention va-t-il dépasser les prévisions de ce sondage? Réponse le 7 mai. En attendant, L’Orient-Le Jour a donné la parole à des Libanaises et Libanais, résidant dans le pays ou à l’étranger, qui ont décidé de ne pas aller voter.



Anji Mourani, 23 ans,
professeure de français à Beyrouth


" J’ai voté pour la liste Beyrouth Madinati lors des élections municipales de 2016 à Beyrouth car ce collectif regroupait des citoyens jeunes et éduqués qui œuvraient véritablement pour le développement du pays. C’était la première fois depuis six ans que les Libanais avaient l’opportunité de s’exprimer face à la classe politique traditionnelle accusée de corruption.  En signe de défi, je m’abstiendrai de voter lors des élections législatives car je n’ai pas confiance en cette classe politique qui a prouvé au fil des mandats son incapacité à respecter les dispositions prévues dans le préambule de la Constitution en vertu desquelles “le Liban est une République démocratique, parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques (...)” .  Les citoyens sont traités en fonction de leurs appartenances religieuse et politique. Ils ne sont pas respectés dans leur pays et ne jouissent même pas de leurs droits prévus par la Constitution. "


(Lire aussi : Législatives libanaises : Ce qu’il faut savoir pour voter)



Dina Abdou, 25 ans,
étudiante en Master à l'ESCP à Paris


" Ces élections auraient été ma première opportunité de voter, mais cela ne m’intéresse plus. (...) J’avais une lueur d’espoir en ce pays lorsque Beyrouth Madinati est né. Mais les voir perdre a renforcé ma déception de ce système corrompu et rigide. C’était une gifle qui m’a fait comprendre à quel point le pays est pourri.  J’ai décidé de poursuivre mes études supérieures à l’étranger en quittant ce pays définitivement. Je ne vais pas perdre mon temps en allant voter pour les mêmes personnes qui font les mêmes promesses depuis au moins 30 ans. Les noms se répètent souvent, et au lieu d’accorder de l’importance aux compétences, ils (les responsables) se basent sur les alliances politiques et le sectarisme.  Je suis persuadée que, sans changement radical, personne ne pourra me représenter. Glisser un bulletin blanc aurait été une option. Mais à quoi bon, lorsque je ne crois pas en la transparence du système ? Les politiciens corrompus feront tout ce qu’ils peuvent pour ne laisser personne briser ce cercle vicieux. "





Mona Abou-Samra,
retraitée de la Sûreté du Québec, vit au Canada depuis 36 ans


" J’ai voté il y a 45 ou 50 ans. Mais depuis, je m’abstiens, parce que je trouve que nous sommes devenus la risée du monde entier, c’est juste inutile et ridicule. À quoi ça sert de voter si nous aboutissons à chaque fois au même résultat déplorable depuis des décennies... C’est vraiment désolant ! En gestion, on nous a enseigné que lorsque tu n’as pas atteint ton objectif, tu changes de stratégie, de façon de faire... Je peine à croire que parmi tous nos jeunes diplômés, personne n’ait réussi à changer quelque chose ! Je refuse de croire que personne n’a trouvé une solution à toute cette mascarade. C’est tellement décourageant que nous n’y croyons plus... Les discours enflammés, ce ne sont que des paroles en l’air.  Nommez-moi un seul État qui mettrait ainsi en danger sa population noyée dans les déchets depuis des mois. Les politiciens s’en fichent éperdument ! Où est notre dignité libanaise ? Je regrette honnêtement d’être aussi amère, mais nous finissons par être découragés après des décennies de situation amorphe et statique. "





Gaby Sioufi, 67 ans,
retraité


" Je n'ai jamais voté, ni aux législatives, ni aux municipales. Un jour, on avait proposé à mon père un portefeuille ministériel pour représenter la communauté melkite. Mon père avait alors demandé s’il pouvait devenir président de la République. La réponse est évidente : la présidence de la République doit revenir à la communauté maronite, en vertu du pacte national de 1943. Mon père leur avait alors signifié son refus.  Cet épisode, anecdotique mais symbolique, est l’une des raisons qui expliquent mon attitude vis-à-vis des élections. Lorsque j'ai atteint la majorité électorale de 21 ans, la politique et moi faisions deux. Plus tard, la guerre (de 1975) a éclaté. Et les guerres qui ont lieu jusqu’à ce jour m’ont davantage convaincu de l’inanité de mon vote, bulletin blanc inclus. Face aux faux discours, à la propagande, à l’intoxication, au manque d’honnêteté et de moralité chez les candidats au Parlement, je ne vois pas l’intérêt de voter. "




Elias Karam, 27 ans,
manager au sein d'une ONG basée au Liban


" Je n’ai pas eu la possibilité de voter lors des élections de 2009 (n’ayant pas atteint l’âge légal de vote à l’époque). Les responsables corrompus avaient, depuis, décidé de proroger leur propre mandat sans se référer à l’opinion publique. Aujourd'hui, j'ai décidé de m'abstenir de voter pour plusieurs raisons. D'abord, parce que ce sont les mêmes personnes qui seront représentées au gouvernement après les élections. Les partis qui leur sont opposés n'ont pas d'objectif clair. Ils ne savent pas vraiment ce qu'ils veulent, ou d'où commencer. Ils sont désorganisés. Ensuite, les formations qui se disent “indépendantes” n'ont pas réussi à adopter une position unie face à la crise des déchets. Comment voulez-vous que je leur fasse confiance lorsqu’il s’agit de lutter contre la corruption ?  Ironiquement, ce sont les mêmes responsables que nous élisons depuis 30 ans qui appellent à passer le pouvoir aux jeunes. "



Christian Doumit*, 31 ans,
architecte, réside en France depuis 2009


" Je fais partie de ces jeunes qui avaient 18 ans à la veille des élections législatives de 2005, mais qui ne pouvaient malheureusement pas participer à ces premières véritables élections démocratiques car la loi en vigueur ne me permettait pas de m’exprimer en tant que jeune adulte, alors que je faisais partie de celles et ceux qui avaient manifesté pour le renouveau et qui croyaient en 2005 au changement et en un avenir bien meilleur pour notre pays.
La déception face à cette impossibilité de participer à la “reprise” de la vie démocratique au Liban à un moment qui semblait être un tournant historique a vite laissé place à un énorme choc puisque j’ai vite compris que ces premières élections post-occupation (syrienne, NDLR) n’avaient finalement été qu’un leurre.
Mais j’ai continué d’y croire. C’est tout fièrement que j’ai été accomplir pour la première fois mon acte citoyen lors des élections législatives de 2009, et une deuxième fois lors des municipales de 2010, et enfin une troisième fois lors des municipales de 2016. Et à chaque fois, si ma foi en ce système s’est amenuisée, j’ai continué à espérer. Mais j’ai découvert progressivement que la situation si dramatique du Liban n’était véritablement due qu’à chaque Libanais qui se plaint tout le temps mais est le premier à réélire ces mêmes personnes et à les acclamer, et surtout à ces jeunes Libanais qui n’ont rien appris des erreurs de leurs aînés et qui sont aujourd’hui prêts à les reproduire.
Aujourd’hui, j’ai perdu la foi en mes concitoyens et c’est pour cela que je n’irai pas voter. Mon abstention s’ajoutera à celle des Libanais qui disent “non” et qui ne veulent pas choisir entre le pire et le pire. "



*Christian Doumit n'a pas souhaité que sa photo soit publiée.



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commentaires (9)

Ce genre d'attitude est un véritable suicide ! Irresponsabilité et égoïsme, doublé d'ignorance. Désolée d'être aussi brutale... Je me demande quand tous les libanais, jeunes et moins jeunes, vont-ils comprendre que s'il s'abstiennent ils encouragent la corruption et l'inertie. Les indépendants ne sont pas organisés : mais la société civile n'est pas un parti avec un leader héritier !!! Beirut Madinati a échoué : comment voulez-vous qu'en 2 mois un mouvement quelqu'il soit efface les horreurs perpétrées par les hommes du pouvoir depuis plus de 40 ans ??!! Mon vote ne sert à rien : un chacun + un chacun ça fait beaucoup. Si un groupe d'amis ou une famille s'abstient, ça fait des voix en plus pour les autres. Un seul conseil : votez !!!

Chaden Maalouf Najjar

09 h 00, le 14 mars 2018

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Ce genre d'attitude est un véritable suicide ! Irresponsabilité et égoïsme, doublé d'ignorance. Désolée d'être aussi brutale... Je me demande quand tous les libanais, jeunes et moins jeunes, vont-ils comprendre que s'il s'abstiennent ils encouragent la corruption et l'inertie. Les indépendants ne sont pas organisés : mais la société civile n'est pas un parti avec un leader héritier !!! Beirut Madinati a échoué : comment voulez-vous qu'en 2 mois un mouvement quelqu'il soit efface les horreurs perpétrées par les hommes du pouvoir depuis plus de 40 ans ??!! Mon vote ne sert à rien : un chacun + un chacun ça fait beaucoup. Si un groupe d'amis ou une famille s'abstient, ça fait des voix en plus pour les autres. Un seul conseil : votez !!!

    Chaden Maalouf Najjar

    09 h 00, le 14 mars 2018

  • Je ne suis pas tombé de la dernière pluie, mon premier vote remonte à 1950. Je me suis abstenu de m'inscrire au vote des émigrés initié par le ministre des Affaires étrangères principalement à cause de la corruption généralisée qui sévit au Liban et ce, dans tous les rouages de l'Etat, je me contente de ne citer que deux : Les hydrocarbures offshore et les bateaux turcs-Centrales électriques... Quant à l'allégeance à l'étranger, c'est devenu une fierté d'être pro-syrien ou pro-iranien ou pro-saoudien. Je m'arrête là.

    Annie

    14 h 44, le 13 mars 2018

  • Quelle tristesse de lire ces commentaires de la part de notre jeunesse. De voir ce que nos responsables ont fait de leur pays...ce pays qui a toujours été magnifique. Comment peuvent-ils continuer dans cette voie de corruption, de saleté partout, au propre comme au figuré...? En sachant que notre Liban est devenu la risée de tous, et figure en bonne place dans les listes des pays les plus corrompus et les plus pollués ? N'ont-ils donc plus aucune conscience, fierté ni morale ? On nous conseille de voter...mais pour quoi au juste ??? Et qu'on ne vienne plus nous parler de raz de marée produit par des gens vendus à l'Iran, donc pas libanais, merci !!! Irène Saïd

    Irene Said

    11 h 58, le 13 mars 2018

  • Aucun interet de voter avec un systeme qui s’annonce deja pire que celui qui va etre mis en place. L’homme de la rue se felicite deja et specule sur ce qu ‘il va encaisser pour son vote... Les lords feodaux se sont desistes pour leur progeniture... rien donc de change de ce cote... Les soi disantes alliances electorales se faconnent au detriment des interets des electeurs... Plus de 50% des libanais instruits ne voteront pas cette fois... Le degout, la deception et la resignation devant cet etat de fait primeront certainement dans la decision de voter chez plusieurs. Le jour ou un President de la Republique, un Premier Ministre et un Chef du Parlement introduiront une loi qui obolira le “ Quittus d’Office “ decerne a chaque politicien a la fin de son mandat, alors peut etre que les citoyens iront aux urnes et auront a nouveau confiance en leurs dirigeants car ces derniers pourraient etre juges comme tout autre citoyen dans le cas d’enrichissement “ soudain “, phenomene de plus en plus fréquent ces dernieres decenies, comme certains medias, vite neutralisees, l ‘avaient fait observer a une epoque.

    Cadige William

    10 h 07, le 13 mars 2018

  • et voilà le piège s'est refermé: ne pas voter c'est faire la part belle aux parti de la milice et aller voter pour des hommes politiques qui depuis des années en ont rien à faire de son peuple et des électeurs qui causent beaucoup mais qui n'agissent pas

    yves kerlidou

    09 h 32, le 13 mars 2018

  • GRANDE PREMIER AU LIBAN .... UN MOUVEMENT A P O L I T I Q U E EST NE ,,, UN MOUVEMENT QUI VIENT POUR SERVIR PAS POUR SE SERVIR,, UN MOUVEMENT FORMES DE "DAVID"ET QUI COMBAT "GOLIATH",,, UN MOUVEMENT SANS ARRIVISTES ET SANS OPPORTUNISTES,,,, UN MOUVEMENT QUI NE DEFENDS QUE LA DIME QUI NOUS EST CHERE,, UN MOUVEMENT QUI A DEFENDU LES ASSASSINS DE NOTRE BIODIVERSITE.... UN MOUVEMENT DONT DES MEMBRES ONT MEME PAYE LA DIME DE SANG VOILA TOUT UN PROGRAME QUE TOUT LES ABSENTEISTES ATTENDAIENT INCLUS MOIMEME A TOUT CES ABSENTEISTES """SABAA"""EST POUR LA PREMIERE FOIS UN PROGRAME ""NON DECLARE""....

    michel raphael

    09 h 32, le 13 mars 2018

  • De dire : les dirigeants sont incompétents donc je m'abstiens, c'est un faux argument.

    Sarkis Serge Tateossian

    09 h 03, le 13 mars 2018

  • J,AI ANNONCÉ DANS CE FORUM IL Y A PLUS DE TROIS SEMAINES QUE JE NE VOTERAI PAS CAR LES LEGISLATIVES NE SONT PAS LIBRES ET DEMOCRATIQUES QUAND DEUX MILICES D,UNE SEULE COMMUNAUTE SONT ARMEES... DONC SES VOTES IMPOSÉS... ET QUE CELA SE PASSERA A L,OMBRE ET SOUS LA PRESSION DES ARMES FAUSSANT LES RESULTATS ! EN SUS QUE LA MEME CASTE D,INCAPABLES POLITICIENS OU LEURS SOSIES OU CLONES HERITIERS OU DESIGNÉS SE SONT PRESENTÉS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 45, le 13 mars 2018

  • Nous devons voter pour ne pas donner le dessus au Hezbollah . Ces jeunes doivent penser que leur pays est en danger , je me demande s'ils seront contents d'être gouverné par les ayatollahs

    Eleni Caridopoulou

    01 h 27, le 13 mars 2018

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