Nombreux sont les Libanais qui affirment haut et fort que les responsables qui dirigent leur pays sont incompétents et ne devraient pas rester en poste. Pourtant, une majorité d’entre eux compte voter aux prochaines élections législatives, et leurs bulletins iront en faveur des partis traditionnels.
C’est ce qui ressort d’un sondage commandé par le National Democratic Institute (NDI) et mené par la société al-Douwaliya lil-Maaloumat. Effectuée sur la période s’étendant du 19 décembre 2017 au 14 janvier 2018, l’étude se base sur un échantillon de 2 400 personnes choisies dans les 26 cazas. Selon ce sondage, 50,9 % des personnes interrogées affirment qu’elles iront très probablement voter, 25,5 % disent qu’elles iront probablement voter, contre 12,9 % qui prévoient de s’abstenir, 8 % qui affirment qu’elles ne voteront très probablement pas et 2,5 % qui disent ne pas savoir si elles iront voter.
Lors des législatives de 2009, le taux de participation s’élevait à 54,08 %, et en 2005, ce chiffre atteignait les 45,80 %. Qu’en sera-t-il pour le scrutin prévu le 6 mai ? Le niveau d’abstention va-t-il dépasser les prévisions de ce sondage? Réponse le 7 mai. En attendant, L’Orient-Le Jour a donné la parole à des Libanaises et Libanais, résidant dans le pays ou à l’étranger, qui ont décidé de ne pas aller voter.
Anji Mourani, 23 ans,
professeure de français à Beyrouth
" J’ai voté pour la liste Beyrouth Madinati lors des élections municipales de 2016 à Beyrouth car ce collectif regroupait des citoyens jeunes et éduqués qui œuvraient véritablement pour le développement du pays. C’était la première fois depuis six ans que les Libanais avaient l’opportunité de s’exprimer face à la classe politique traditionnelle accusée de corruption. En signe de défi, je m’abstiendrai de voter lors des élections législatives car je n’ai pas confiance en cette classe politique qui a prouvé au fil des mandats son incapacité à respecter les dispositions prévues dans le préambule de la Constitution en vertu desquelles “le Liban est une République démocratique, parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques (...)” . Les citoyens sont traités en fonction de leurs appartenances religieuse et politique. Ils ne sont pas respectés dans leur pays et ne jouissent même pas de leurs droits prévus par la Constitution. "
(Lire aussi : Législatives libanaises : Ce qu’il faut savoir pour voter)
Dina Abdou, 25 ans,
étudiante en Master à l'ESCP à Paris
Mona Abou-Samra,
retraitée de la Sûreté du Québec, vit au Canada depuis 36 ans
Gaby Sioufi, 67 ans,
retraité
" Je n'ai jamais voté, ni aux législatives, ni aux municipales. Un jour, on avait proposé à mon père un portefeuille ministériel pour représenter la communauté melkite. Mon père avait alors demandé s’il pouvait devenir président de la République. La réponse est évidente : la présidence de la République doit revenir à la communauté maronite, en vertu du pacte national de 1943. Mon père leur avait alors signifié son refus. Cet épisode, anecdotique mais symbolique, est l’une des raisons qui expliquent mon attitude vis-à-vis des élections. Lorsque j'ai atteint la majorité électorale de 21 ans, la politique et moi faisions deux. Plus tard, la guerre (de 1975) a éclaté. Et les guerres qui ont lieu jusqu’à ce jour m’ont davantage convaincu de l’inanité de mon vote, bulletin blanc inclus. Face aux faux discours, à la propagande, à l’intoxication, au manque d’honnêteté et de moralité chez les candidats au Parlement, je ne vois pas l’intérêt de voter. "
Elias Karam, 27 ans,
manager au sein d'une ONG basée au Liban
" Je n’ai pas eu la possibilité de voter lors des élections de 2009 (n’ayant pas atteint l’âge légal de vote à l’époque). Les responsables corrompus avaient, depuis, décidé de proroger leur propre mandat sans se référer à l’opinion publique. Aujourd'hui, j'ai décidé de m'abstenir de voter pour plusieurs raisons. D'abord, parce que ce sont les mêmes personnes qui seront représentées au gouvernement après les élections. Les partis qui leur sont opposés n'ont pas d'objectif clair. Ils ne savent pas vraiment ce qu'ils veulent, ou d'où commencer. Ils sont désorganisés. Ensuite, les formations qui se disent “indépendantes” n'ont pas réussi à adopter une position unie face à la crise des déchets. Comment voulez-vous que je leur fasse confiance lorsqu’il s’agit de lutter contre la corruption ? Ironiquement, ce sont les mêmes responsables que nous élisons depuis 30 ans qui appellent à passer le pouvoir aux jeunes. "
Christian Doumit*, 31 ans,
architecte, réside en France depuis 2009
*Christian Doumit n'a pas souhaité que sa photo soit publiée.
Lire aussi
Le ministère de l’Intérieur annonce un total de 976 candidats dont 111 femmes
111 Libanaises candidates aux législatives : un record, mais le plus dur reste à venir
Hezbollah-Amal : Quand les électeurs chiites ne se suffisent plus de beaux discours
Principes généraux, application : ce qu'il faut savoir sur la nouvelle loi électorale
Repère
Ce genre d'attitude est un véritable suicide ! Irresponsabilité et égoïsme, doublé d'ignorance. Désolée d'être aussi brutale... Je me demande quand tous les libanais, jeunes et moins jeunes, vont-ils comprendre que s'il s'abstiennent ils encouragent la corruption et l'inertie. Les indépendants ne sont pas organisés : mais la société civile n'est pas un parti avec un leader héritier !!! Beirut Madinati a échoué : comment voulez-vous qu'en 2 mois un mouvement quelqu'il soit efface les horreurs perpétrées par les hommes du pouvoir depuis plus de 40 ans ??!! Mon vote ne sert à rien : un chacun + un chacun ça fait beaucoup. Si un groupe d'amis ou une famille s'abstient, ça fait des voix en plus pour les autres. Un seul conseil : votez !!!
09 h 00, le 14 mars 2018