Après la victoire d’el-Alamein (le 3 novembre 1942 en Égypte), Winston Churchill a déclaré : « Ceci n’est pas la fin, ni même le commencement de la fin, mais c’est peut-être la fin du commencement. » La même remarque pourrait être faite au sujet du conflit syrien.
L’élimination de l’État islamique, qui avait l’avantage de réunir tout le monde contre lui, a ouvert une nouvelle phase de la guerre. « Tant que le bras de fer entre la Russie et les États-Unis, mais aussi entre l’Iran et l’Arabie saoudite, va continuer, il n’y aura pas de paix en Syrie. Chacun essaye d’asseoir son influence dans la région via le théâtre syrien. C’est une guerre mondiale, par procuration, qui se joue maintenant », résumait ainsi le géographe et spécialiste de la Syrie Fabrice Balanche, dans un entretien accordé le 14 mars à la radio Europe 1.
Poursuite de la lutte d’influence
Le régime et ses alliés sont déterminés à reconquérir les derniers bastions tenus par le jihadistes. Les Turcs ne peuvent tolérer la présence du Parti de l’union démocratique (PYD) kurde à leur frontière. L’éventualité d’une intervention israélienne qui multiplie les menaces contre la présence de l’Iran et du Hezbollah en Syrie n’est pas à écarter. Quant aux États-Unis, ils entendent maintenir une présence en Syrie, comme l’indique la création d’une force frontalière de 30 000 hommes majoritairement kurdes sous commandement américain. Son but est notamment d’empêcher une renaissance de l’État islamique, de s’assurer que la résolution de ce conflit ne permette pas à l’Iran de se rapprocher de son grand objectif, le contrôle de la région, et d’aboutir au départ de Bachar el-Assad, selon les propos tenus à la mi-janvier par le secrétaire d’État américain sortant Rex Tillerson, lors d’un discours à Stanford (Californie).
Miser sur le PYD pour faire pression contre le régime, l’Iran et Moscou semble toutefois être un pari bien hasardeux, et le contrôle par les Kurdes appuyés par les Américains de villes comme Raqqa et Manbij suscite le vif ressentiment de leurs habitants arabes. L’initiative de Washington montre que la lutte d’influence se poursuit entre les protagonistes du conflit et que le chapitre des affrontements militaires est loin d’être clos. Plusieurs offensives menées respectivement par le régime et la Turquie ont débuté. Le régime a tenté sans succès de reprendre pied dans la partie riche en pétrole de la province de Deir ez-Zor située à l’est de l’Euphrate, s’attirant une riposte dévastatrice des Américains. L’armée syrienne appuyée par ses alliés a lancé une offensive sur la province d’Idlib, la dernière encore aux mains des jihadistes. Puis, en février 2018, elle a entrepris de déloger les rebelles de la Ghouta orientale. Au prix de bombardements meurtriers faisant des centaines de victimes parmi les civils, le régime parviendra certainement à reprendre le contrôle de cette zone qui constituait une menace intolérable sur Damas.
Du côté d’Ankara, des combattants de l’Armée syrienne libre (ASL), soutenus par l’armée turque, ont délogé le PYD du « canton » kurde de Afrine avec l’assentiment tacite des Russes qui ont quitté la ville dès le début de l’offensive turque (opération « Branche d’olivier »). Après en avoir pris le contrôle, la Turquie menace de pousser son offensive jusqu’à la rive occidentale de l’Euphrate. Toute la région frontalière devrait servir de zone d’accueil des réfugiés syriens installés en Turquie qui seraient placés sous sa protection. Cette éventualité pourrait pousser les Kurdes à se tourner vers la Russie et l’Iran pour être protégés d’Ankara, dès lors que les Américains refusent de les soutenir. Enfin, en février, au cours d’un raid contre des objectifs iraniens, un chasseur israélien F16 a été abattu par la défense aérienne syrienne ; signe évident que la guerre est loin d’être terminée et que chacun de ses acteurs cherche à marquer son territoire.
Partition de facto
Même si une division de jure de la Syrie est désormais exclue, et si la souveraineté du pouvoir central s’exercera nominalement sur tout le pays, il sera probablement de facto partagé en trois zones d’influence russo-iranienne, américaine et turque. La majeure partie du territoire et de la population sera sous influence russo-iranienne. La Turquie veut étendre son protectorat à la région bordant sa frontière allant de la province d’Idlib à la rive ouest de l’Euphrate. Cela ne peut qu’aggraver les frictions entre Ankara et Washington, à moins qu’ils ne s’entendent sur le dos des Kurdes. La présence militaire américaine pourrait dans ce cas se cantonner à la région située à l’est de l’Euphrate. L’éventualité d’un deal américano-turc ruinerait les rêves d’autogouvernement kurdes, comme cela s’est passé en Irak. Dans le contexte du rapport de forces qui lui est favorable, grâce au soutien russe et iranien, le régime est appelé à conserver le pouvoir et n’est pas prêt à faire des concessions à même de déboucher sur une solution politique. Si une telle solution devait néanmoins finir par se concrétiser, des représentants de l’opposition « modérée » sont supposés faire partie du gouvernement installé à Damas, à condition bien sûr qu’ils renoncent à réclamer le départ du président Assad. Mais dans tous les cas de figure, il est illusoire de penser que cela puisse conduire à l’instauration de la démocratie. Tant que Bachar el-Assad se maintiendra au pouvoir, ce qui est certain dans un avenir prévisible, le régime syrien ne sera pas reconnu par l’Occident et les monarchies pétrolières. Et ils n’accepteront pas de financer la reconstruction de la Syrie sans un changement assurant une transition politique effective.
Une autre question est celle des conséquences démographiques de la guerre au vu de l’ampleur des déplacements de populations ayant parfois le caractère d’épurations ethnico-confessionnelles. Se pose aussi le problème du sort des sept millions de réfugiés à l’extérieur du pays. La majorité risque de ne pas regagner ses foyers de sitôt, non seulement du fait de leur destruction, mais de la réticence probable du régime à les accueillir. Il a en effet intérêt à une diminution du poids démographique de la population sunnite, majoritairement hostile à son pouvoir.
Président de la délégation au Liban de la Renaissance française, association pour la promotion de la francophonie.
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commentaires (5)
Le conflit syrien sera termine lorsque les 22 millions de syriens seront morts assassines sous les bombes....et la syrie peuplee par des iraniens et russes .
HABIBI FRANCAIS
04 h 46, le 26 mars 2018