À l’approche des législatives, des sommes colossales sont déversées dans le cadre des campagnes électorales. Si le financement de ces campagnes est contrôlé de près dans les démocraties dignes de ce nom, au Liban, seule une loi insuffisante – et mal appliquée – est en vigueur depuis 2017.
Au-delà des sources de cet argent politique, vient la question de son usage. Les médias en reçoivent, cette année encore, une part conséquente. Le problème réside dans le fait que ce financement sert, souvent, à acheter le soutien des journalistes qui sont supposés couvrir et décrypter l’actualité. Le tout à l’insu des lecteurs dont on trompe l’attention avec mépris. Si la presse vit de la publicité, celle-ci doit impérativement être signalée comme telle et ne saurait en aucun cas infiltrer le contenu éditorial. Quand les médias, achetés par les partis politiques, perdent leur rôle de garde-fous, de quatrième pouvoir, ils perdent leur raison d’être : on ne peut pas être juge et partie à la fois.
Illégale, non éthique, la pratique qui consiste à payer des journalistes pour leur dicter leurs paroles est une insulte à l’égard de toute la profession. Nous avons un long travail à faire afin de la réhabiliter. Pour les journalistes, il s’agit de protéger un métier et son intégrité ; pour les propriétaires de médias, c’est de la réputation et de la sauvegarde de nos institutions qu’il est question. Accepter l’argent politique, c’est brader le présent aux dépens de l’avenir.
À L’Orient-Le Jour, nous chérissons notre liberté qui découle de notre autonomie financière comme de nos principes éthiques. Notre indépendance est notre première richesse : ne la dilapidons pas. Que nous soyons journalistes ou lecteurs, tâchons d’envisager l’effort nécessaire à la survie de notre journal ; mieux, à sa pérennité. Disons-le clairement : à nous d’assurer une information de qualité et au lecteur de nous soutenir en s’abonnant.
Une élection est un débat d’idées, pas de moyens. À vouloir nous enrichir sur le dos des citoyens, nous sommes en train de nous appauvrir collectivement. La société libanaise a soif de débat d’idées et besoin d’esprit critique. Il nous incombe d’être au rendez-vous, d’informer avec exigence, de défendre les libertés. Sans journalisme indépendant, nous ne bâtirons ni démocratie, ni État fonctionnel, ni ce qui les rend tous deux possibles : le sens de la responsabilité. Monnayer l’information, c’est bafouer l’intelligence des Libanais. C’est à la fois une cause et un symptôme de notre déliquescence. Nous n’avons plus d’État, notre eau n’est plus potable, on piétine notre justice et nos enfants ont émigré. Essayons de ne pas vendre ce qui nous reste de vigilance au plus offrant.
Le journalisme peut nous aider à bâtir le Liban. Ne le tuons pas.
À l’approche des législatives, des sommes colossales sont déversées dans le cadre des campagnes électorales. Si le financement de ces campagnes est contrôlé de près dans les démocraties dignes de ce nom, au Liban, seule une loi insuffisante – et mal appliquée – est en vigueur depuis 2017.Au-delà des sources de cet argent politique, vient la question de son usage. Les médias en...
commentaires (6)
L'achat des voix m'a toujours interloqué car je ne comprends toujours pas comment l'acheteur peut-il garantir que l'acheté va lâcher dans l'urne le nom du candidat-payeur. Deuxième remarque; pourquoi n'avons-nous jamais entendu qu'un tel a porté plainte contre un tel autre pour avoir essayer d'acheter sa voix? Par ailleurs, pour encourager les abonnements à votre journal je vous suggère que chaque abonné puisse offrir à un prix-planché un abonnement pendant un an à un proche non-abonné. Celle ou celui qui prend goût à lire votre journal ne peut pas arrêter de le faire facilement. Le commentaire de sœur Yvette est très touchant
Shou fi
15 h 47, le 24 mars 2018