Les deux femmes qui accusent Tariq Ramadan de viols ont décrit des scènes d'une très grande violence au cours d'investigations qui ont aussi révélé des connexions entre les plaignantes et des opposants au théologien musulman suisse, alimentant des soupçons de collusion pointés par la défense.
Les viols décrits par les plaignantes
Pendant leurs auditions dont l'AFP a eu connaissance, Henda Ayari et la seconde plaignante connue sous le pseudonyme Christelle ont raconté, de façon détaillée, les événements qui ont précédé leur rencontre avec Tariq Ramadan, inculpé depuis de viols et incarcéré en France.
D'abord, des contacts via internet de plus en plus fréquents avec celui en qui elles voient alors un guide spirituel. Puis la naissance de rapports de séduction, avant un rendez-vous à l'hôtel en marge d'une conférence donnée par l'intellectuel.
Christelle l'accuse d'avoir changé soudainement de comportement une fois dans la chambre, et de lui avoir imposé une relation sexuelle d'une grande brutalité, le 9 octobre 2009.
"Lorsque je me suis retournée, j'ai vu que son visage avait changé. Un visage terrifiant comme si j'avais le diable face à moi", selon la plainte de Christelle.
Elle l'accuse ensuite de lui avoir donné de "larges claques au visage, aux oreilles, aux bras, aux jambes, sur les seins et des coups de poing au ventre" afin de la "mettre KO", ainsi que d'avoir recouru à des pratiques sexuelles qui l'ont blessée physiquement.
Henda Ayari a elle aussi raconté une relation à distance qui, lors de leur seul rendez-vous fin mars/début avril 2012, bascule dans la violence: "Il m'a étranglée très fort et giflée violemment car je résistais", a-t-elle dénoncé dans sa plainte.
Avant cet accès de violence, elle avait accepté de se mettre en sous-vêtements dans la chambre d'hôtel de M. Ramadan.
Toutes deux se décrivent comme ayant été alors sous son "emprise", Christelle évoquant "un lavage de cerveau".
Tariq Ramadan a toujours contesté tout rapport sexuel avec les accusatrices.
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L'ombre d'une collusion dénoncée par la défense
Dans une contre-attaque, les avocats de M. Ramadan ont porté plainte pour subornation de témoins en visant nommément l'essayiste Caroline Fourest, adversaire de longue date de l'islamologue.
Dans leurs investigations, les enquêteurs ont mis au jour que les deux plaignantes ont partagé des contacts réguliers avec plusieurs détracteurs de l'intellectuel.
Selon un procès-verbal dont l'AFP a eu connaissance, les relevés téléphoniques ne font apparaître aucun contact direct entre Henda Ayari et Christelle entre le 6 mai et le 6 novembre 2017.
En revanche, ils montrent des communications fréquentes de chacune avec la ligne de Fiammetta Venner, une intime de Mme Fourest (116 fois pour Christelle et 156 pour Mme Ayari), sur cette même période de six mois.
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Alors que les plaignantes affirmaient ne pas se connaître, l'enquête a montré qu'elles s'étaient parlé plusieurs années auparavant. Elles ont invoqué une méprise car elles n'avaient alors eu que de brefs échanges téléphoniques parmi d'autres contacts avec de potentielles victimes. Le tout dans un climat, selon elles, de menaces de l'entourage de Tariq Ramadan.
Les plaignantes et d'autres personnes entendues ont évoqué devant les enquêteurs les liens noués, avant le premier dépôt de plainte, avec d'autres femmes disant avoir été agressées sexuellement par M. Ramadan, mais aussi avec des opposants à l'islamologue.
Parmi ces derniers, la femme du chercheur Gilles Kepel, spécialiste de l'islam et lui aussi adversaire du théologien, a raconté début décembre avoir rencontré "il y a huit ou neuf ans", à Paris, Christelle en compagnie d'une animatrice de la radio Beur FM, dans un procès-verbal dont l'AFP a eu connaissance.
Après cette entrevue, Christelle a été présentée à Caroline Fourest puis l'a accompagnée sur le plateau d'une émission de télévision, où elle débattait précisément avec Tariq Ramadan.
Le numéro de l'animatrice radio apparaît également dans le relevé téléphonique établi par les enquêteurs: elle a été en contact 151 fois avec Christelle et 57 fois avec Henda Ayari sur la période mai/novembre 2017.
Des éléments qui pourraient être utilisés par la défense de Tariq Ramadan pour discréditer les témoignages des plaignantes en les accusant de s'être concertées. Les plaignantes, elles, décrivent leur besoin de nouer des contacts pour faire front face à l'entourage de l'intellectuel.
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