Au moment où le CPL et le Hezbollah étaient censés célébrer le douzième anniversaire de l’entente conclue entre eux à Mar Mikhaël le 6 février 2006, les médias ont mis en avant les divergences entre les deux formations. Pour certains, ces divergences étaient le signe d’une séparation annoncée, dictée par deux développements importants. Le premier s’est traduit par l’alliance conclue entre le CPL et le courant du Futur, qui permettait au premier de renoncer à l’accord avec le Hezbollah, dans une tentative de relancer la fameuse entente entre les maronites et les sunnites qui a mené à la création du Liban moderne. Le second élément est la campagne internationale et régionale contre le Hezbollah et la volonté du CPL de prendre ses distances avec ce parti pour ne pas être englobé dans les sanctions qui le visent.
Les analyses qui prévoyaient une rupture de l’alliance entre les deux formations se basaient essentiellement sur trois déclarations successives du ministre Bassil. La première dans le cadre d’une interview accordée à la chaîne al-Mayadine dans laquelle il disait qu’il n’y a pas de conflit idéologique avec Israël, ce qui lui avait valu une critique directe du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah dans un de ses discours. La deuxième s’était concrétisée dans la vidéo dans laquelle il avait traité le président de la Chambre de « baltagi » (voyou), alors que le Hezbollah a publié un communiqué dans lequel il appuyait Nabih Berry, et la troisième était apparue dans l’interview qu’il avait accordée au mensuel Magazine, dans laquelle il affirmait que le Hezbollah ne facilitait pas le projet de construction d’un État.
Pour les partisans de la thèse de la rupture programmée, ces trois déclarations successives ne pouvaient pas être une simple coïncidence et reflétaient un changement dans l’orientation du CPL.
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S’agissait-il d’une initiative personnelle, dictée par des considérations électorales, ou d’un vaste plan pour jeter de l’huile sur le feu entre le CPL et le Hezbollah ? Après la secousse provoquée par les troubles de Hadeth, les deux formations ont décidé de prendre les tentatives de les diviser au sérieux. Tout en considérant que les interrogations réciproques qui agitaient leurs bases respectives ne pouvaient pas être étalées dans les médias, elles ont décidé de mener entre leurs cadres un dialogue en profondeur pour dissiper les doutes et couper court à toute tentative de mettre un terme à leur alliance.
Au cours des derniers jours, les débats de fond se sont donc multipliés entre des représentants des deux formations dans une tentative d’éclaircir les positions et d’éviter les malentendus.
Les deux formations ont ainsi abouti à la conclusion suivante : l’entente conclue le 6 février 2006 est l’une des plus solides et des plus longues de l’histoire des relations politiques au Liban. Elle est bâtie sur un respect mutuel des spécificités de chacune des deux parties. Il n’est donc pas demandé au CPL de devenir un clone du Hezbollah et l’inverse n’est pas non plus requis. Au contraire, à elles deux, les formations se complètent et reflètent en partie la diversité et la pluralité libanaises ainsi que la richesse qu’elles apportent à la société.
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Le CPL dément ainsi toute volonté de remplacer son alliance avec le Hezbollah par celle qu’il a conclue avec le courant du Futur. Au contraire, les cadres de ce parti ne cessent d’évoquer leur volonté d’établir un réseau d’alliances le plus large possible pour consolider l’unité nationale. Il ne s’agit pas non plus de modifier les options stratégiques, tous les discours du chef de l’État et du ministre des Affaires étrangères à toutes les tribunes internationales et régionales le prouvent. Il y a donc simplement des divergences sur la gestion des affaires internes, qui restent, selon le CPL, un signe de vitalité et de dynamisme. De son côté, le Hezbollah a rappelé que ce parti a, depuis le document politique qu’il a publié en 2009, officiellement reconnu la formule libanaise, dans sa diversité. Il ne cherche donc pas à la modifier et, même plus, il souhaite la préserver.
C’est ainsi que dans le cadre de la polémique sur le film de Steven Spielberg, le Hezbollah n’a pas demandé qu’il ne soit pas projeté. Il n’y a pas eu de manifestation de protestation de la part de ses partisans. Il y a simplement eu une suggestion pour le boycotter et ne pas aller le voir. C’est tout. Mais, selon le Hezbollah, cela fait aussi partie de la diversité. Après tout, il a aussi le droit, comme les autres formations, d’exprimer son opinion. Concernant les dossiers internes, il y a certes des divergences, notamment dans l’échelle des priorités. Pour le Hezbollah, il est impératif d’éviter un conflit interchiite, mais, en même temps, il n’est pas question de remettre en cause l’alliance avec le CPL. Aujourd’hui, c’est donc lui le plus heureux de la réconciliation de Baabda, à laquelle il a d’ailleurs considérablement contribué, dans les coulisses. Mais l’alerte a été chaude.
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commentaires (8)
On ne va quand'même pas avoir l'indécence de comparer ce qui se passe en Allemagne avec les multiples trahisons de certains Libanais, petits ou grands, associés à des pays étrangers ! Irène Saïd
Irene Said
15 h 15, le 09 février 2018