L'ancien ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, Élias Bou Saab. Photo Ani
En parlant de "présence syrienne" pour qualifier la période de tutelle exercée par Damas sur le Liban de 1990 à 2005, l'ancien ministre Elias Bou Saab, aujourd'hui conseiller pour les affaires internationales du président libanais Michel Aoun, a suscité ces dernières heures la colère des militants du Courant patriotique libre (CPL), qui ont lutté pendant 15 ans contre l'"occupation".
Dans un entretien accordé dimanche matin à la chaîne locale al-Jadeed, M. Bou Saab avait déclaré qu'il ne considérait pas "la présence syrienne au Liban comme une occupation car elle a été légitimée par les différents gouvernements libanais qui se sont succédé pendant cette période", ajoutant qu'il s'opposait à la présence de toute armée étrangère sur le territoire libanais.
Ces propos niant l'existence d'une occupation ont fait l'effet d'une bombe, principalement au cœur de la base militante du CPL qui s'était constitué en mouvement de lutte contre la tutelle du régime syrien dans le sillage du général Michel Aoun, contraint à l'exil en France après l'offensive armée de Damas contre des régions contrôlées par le gouvernement provisoire de M. Aoun, dont le palais présidentiel de Baabda, le 13 octobre 1990.
Plusieurs militants historiques du mouvement aouniste, contraints à la clandestinité pendant plusieurs années, se sont insurgés contre les propos du conseiller du chef de l'Etat, certains estimant que M. Bou Saab attentait à la mémoire des "martyrs" de la lutte contre l'occupation. "Si la résurrection du Christ est un mensonge, notre foi l'est aussi. Donc, si la Syrie n'a pas occupé le Liban, alors la lutte du CPL était caduque. Que tout ceux qui ne sont pas d'accord avec notre histoire nous quittent", a ainsi écrit Naji Hayek, cadre du CPL sur sa page Facebook.
Sur les réseaux sociaux, plusieurs hashtags, dont "Les Syriens ne nous ont pas occupés" ou "Si, les Syriens étaient une force d'occupation" ont été largement relayés, au delà du cercle des sympathisants du CPL.
"C'est une perte nationale qu'une partie du CPL se soit non seulement alliée avec le Parti syrien nationaliste social ou le parti Baas, mais qu'ils ne fassent plus qu'un. Votre Excellence, l'armée syrienne nous occupait et continue aujourd'hui d'occuper d'autres territoires", a écrit Michel Khoury, un responsable des Forces libanaises à Dennyié, au Liban-Nord.
"Les Syriens ne nous ont pas occupés? Comment ça ? Ils veulent faire du Liban l'un des mohafazats de Syrie. Mais nous voulons vivre libres, indépendants et de manière souveraine sur nos terres", a twitté Yazbeck Wehbé, journaliste pour la chaîne locale LBCI.
"Les Syriens ne nous ont pas occupés? Assassinats de Kamal Joumblatt, du mufti Hassan Khaled, du président René Mouawad, du président Bachir Gemayel et de Rafic Hariri", écrit cette internaute, énumérant une liste de personnalités politiques et religieuses libanaises assassinées, selon elle, par le régime syrien.
Cette colère a été même exprimée à l'ouverture, dimanche soir, du journal télévisé de la chaîne OTV, très proche du CPL. "Nous sommes la combinaison des gouttes de sang versés par les soldats, le 13 octobre (1990), et des gouttes de sueur versés par les militants dans la clandestinité et sur le terrain. C'est grâce à cela que nous sommes devenus de vrais 'orangistes' (en référence à la couleur adoptée par le CPL), pas des infiltrés, ni des opportunistes, ni des ambitieux et ni des personnes prêtes à tout pour un siège", a déclaré le présentateur du journal, dans une violente attaque contre M. Bou Saab.
Ce dernier, probable candidat dans le Metn pour les prochaines élections législatives, a tenté de répondre à ses détracteurs. "Le 13 octobre était un jour funeste pour le Liban, une agression contre le Liban et un crime contre le Liban et l'armée libanaise", peut-on lire dans un communiqué publié par son bureau de presse. "Faire l'amalgame entre le 13 octobre, alors que j'étais à Baabda ce jour-là, et les propos déformés de mon interview, est abusif", dit encore M. Bou Saab dans ce communiqué.
Lundi, Yassine Jaber, membre du bloc parlementaire dirigé par le chef du mouvement Amal et président du Parlement Nabih Berry, est revenu sur cette polémique, établissant un lien avec les propos virulents tenus par le chef du CPL, Gebran Bassil, à l'encontre de M. Berry (lire ici). "Avec la réponse d'OTV à M. Bou Saab et l'attaque de M. Bassil, il est temps que le régnant intervienne pour stopper l'effondrement", a-t-il déclaré, en référence au président Michel Aoun, fondateur du CPL et beau-père du ministre des Affaires étrangères.
En parlant de "présence syrienne" pour qualifier la période de tutelle exercée par Damas sur le Liban de 1990 à 2005, l'ancien ministre Elias Bou Saab, aujourd'hui conseiller pour les affaires internationales du président libanais Michel Aoun, a suscité ces dernières heures la colère des militants du Courant patriotique libre (CPL), qui ont lutté pendant 15 ans contre...
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"Faire l'amalgame entre le 13 octobre, alors que j'étais à Baabda ce jour-là, et les propos déformés de mon interview, est abusif", dit encore M. Bou Saab dans ce communiqué. A propos, comment dit-on "fake news" en arabe? Voilà que nous avons notre Trump local à présent...
Gros Gnon
18 h 15, le 30 janvier 2018