Il y eut d’abord la gesticulation populiste et primaire autour du film L’Insulte de Ziad Doueiri lors du débat organisé, le 12 octobre 2017, par l’Université pour tous à l’Université Saint-Joseph. Aujourd’hui, c’est un autre film, The Post de Steven Spielberg, qui suscite l’ire du Hezbollah. On se souvient aussi de l’intervention intempestive de partisans du parti chiite qui entendaient protester contre une soirée musicale lors de la célébration de la fête de saint Élie, le 20 juillet 2015, dans le village de Mlikh, dans le caza de Jezzine ; ou bien de la tentative de miliciens hezbollahis d’interdire les chansons de Feyrouz au cours d’une cérémonie à la faculté des sciences de l’Université libanaise de Hadeth, le 31 novembre 2016 ; ou encore de l’intrusion de cadres du Hezbollah pendant la commémoration de la mort de Fidel Castro, au palais de l’Unesco, le 18 janvier 2017, pour empêcher la diffusion de chants patriotiques. Et comment oublier, enfin, le fâcheux épisode de Gad el-Maleh, « interdit » de se produire à Beyrouth, en 2009, sous des prétextes fallacieux reprenant la rhétorique de la fin des années 60…
Le parti pro-iranien est sorti là du champ politique pour tenter d’imposer son tempo sur un autre terrain bien plus grave, celui du registre de la culture et de l’art. Déjà, l’ancrage inconditionnel au projet de l’expansionnisme des gardiens de la révolution iranienne dans la région a provoqué un grave clivage, un dangereux fossé, entre les composantes du tissu social libanais. Le clivage est profondément idéologique mais il est également plus simplement politique, du fait qu’il porte sur la vision du rôle et de la place du Liban sur l’échiquier moyen-oriental. Car depuis de nombreuses années, depuis en fait sa fondation au milieu des années 80, le Hezbollah s’obstine à vouloir entraîner les Libanais sur la voie de l’édification d’une société guerrière.
Lors du congrès international sur Jérusalem organisé la semaine dernière au Caire par l’Université al-Azhar, le mufti Kabalan, représentant le Conseil supérieur chiite libanais, s’est fait le porte-parole du camp irrédentiste rejetant l’option de paix au Proche-Orient, prenant ainsi le contre-pied du président de l’Autorité palestinienne et de la plupart des membres de la délégation libanaise (voir L’Orient-Le Jour du lundi 22 janvier, l’article du Pr Antoine Courban). L’attitude du mufti Kabalan constitue dans ce cadre un indice de plus reflétant une volonté de plonger le pays dans des guerres successives sans horizons et sans fins, dans le seul but de servir d’obscures desseins régionaux, faisant fi ainsi de l’aspiration de larges franges de la population qui cherchent à bénéficier enfin d’une paix civile durable après avoir subi pendant des décennies, depuis la fin des années 60, les affres de la « guerre des autres », pour reprendre la formule de Ghassan Tuéni.
Il reste que parallèlement à cet aventurisme politico-guerrier, l’intrusion répétée du Hezbollah dans le champ de la culture et de l’art, pour tenter d’induire sa vision réductrice sur ce plan, porte en elle les germes d’une dangereuse discorde. Le Liban est, de par son essence, un pays pluraliste, un pays de « minorités confessionnelles associées », comme le soulignait à plusieurs reprises Michel Chiha. Toute tentative d’une communauté quelconque d’imposer manu militari et par la coercition ses propres valeurs ou son propre mode de vie aux autres constituerait une lourde menace mettant en danger les fondements et la spécificité de l’entité libanaise.
Le Hezbollah s’engage à cet égard sur un terrain particulièrement glissant, source de toutes sortes de dérapage. À un peu plus de trois mois des élections législatives, qui devraient se tenir au début du mois de mai prochain, un tel paramètre ne saurait être pris à la légère. Car s’il continue de la sorte sur sa lancée pour tenter de réglementer la vie culturelle et artistique du pays conformément à sa vision particulière de la société et la ligne de conduite à suivre au plan national, il aura introduit une nouvelle donne dans le jeu électoral, qui ne saurait être négligée. L’enjeu des élections du printemps sera alors – il l’est déjà en réalité – le choix entre deux projets de société : l’un, dont le porte-étendard est le Hezbollah, plonge le pays dans une situation de guerre permanente, sans horizons ; et le second, porté par le camp souverainiste, prône la définition des conditions d’une paix civile sur des bases solides, impliquant que le Liban devrait se tenir à l’écart des conflits et des axes régionaux.
Face à un tel enjeu, les considérations partisanes ou politiciennes devraient être reléguées au second plan. Et pour les électeurs, il faudra surtout savoir faire la distinction entre des municipales et des élections législatives, lesquelles impliquent par essence – contrairement aux premières – un choix fondamentalement politique.
Choix de société
OLJ / Par Michel TOUMA, le 23 janvier 2018 à 00h00
Sachez également M.touma , que selon les derniers sondages relatifs aux prochaines législatives , le deux partis chiites vont indubitablement rafler la majorité des sièges du nouveau parlement . ....si élections il y aura .
16 h 02, le 23 janvier 2018