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Les paroles des chansons libanaises sous la loupe d’un professeur de l’UL

Femme battue, femme objet sexuel : lorsque les chansons libanaises contemporaines perpétuent les stéréotypes et confèrent à la femme un statut inférieur...

Roy Jreijiry, professeur associé à la faculté d’information, section 2, de l’Université libanaise, s’est penché sur l’image de la femme véhiculée par les chansons libanaises contemporaines.

Triste bilan que celui d’une étude effectuée par Roy Jreijiry, professeur associé à la faculté d’information, section 2, de l’Université libanaise, qui s’est penché sur l’image de la femme véhiculée par les chansons libanaises contemporaines : il en ressort que les paroles font circuler plusieurs stéréotypes comme ceux de la femme battue, de la femme sous la tutelle d’un homme, de la femme comme objet sexuel ou encore de la femme en tant que propriété de l’homme.

Les résultats de cette étude, publiée en juin dernier dans la revue académique turque Alternatif Politika, sous le titre « Les stéréotypes féminins dans les chansons libanaises contemporaines : une étude de dix chansons », sont édifiants : les chansons examinées confèrent à la femme un statut bien inférieur à celui de l’homme. L’étude met en lumière également l’absence des notions « de partage, de partenariat, d’échange et de réciprocité » dans les chansons analysées. « Les résultats de mon étude démontrent les conséquences d’une longue histoire de domination patriarcale appuyée par des structures solides de la société libanaise, comme la famille, l’institution religieuse, l’école et l’État », affirme le Dr Jreijiry, qui a constaté, à son retour de France en 2010 où il a effectué une thèse en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 13, « le statut précaire de la femme libanaise à plusieurs niveaux ». « Cela m’a conduit à explorer des lieux où s’exerce ce que Pierre Bourdieu nomme la domination symbolique, celle ancrée et qui passe comme naturelle, allant de soi, comme les produits médiatiques », explique le jeune chercheur.

Il commence ses recherches sur la femme dans les chansons libanaises dans le cadre de l’International Women Symposium, co-organisé par l’Université de Giresun en Turquie et l’Unesco en 2013 et 2014. Étude qu’il poursuit et développe et dont il publie les résultats l’été passé. Dans son article basé sur des recherches locales et internationales, le Dr Jreijiry décrit l’impact de la musique populaire qui « peut façonner notre conception de notre identité personnelle à travers les idées qu’elle livre intensément et de manière répétitive ».

Le processus d’industrialisation culturelle produit aujourd’hui des chansons populaires « commerciales » ou « dégradantes », et presque toutes identiques, souligne-t-il dans son étude. Toutefois, le chercheur ne généralise pas. « Beaucoup de chansons des générations précédentes connaissent également de la platitude au niveau des paroles. Et nous pouvons trouver de la qualité dans les paroles et la musique de beaucoup de chansons contemporaines. Le problème ne réside pas là, à mon avis, mais plutôt au moment où la banalité et la platitude deviennent la norme », explique-t-il.

Prise de conscience
Face à la popularité de ces chansons contemporaines, deux questions se posent : les paroliers sont-ils conscients de la gravité des messages véhiculés par leurs textes ? Le public en est-il conscient ? D’après le Dr Jreijiry, ces chansons sont le produit d’un système de structure favorisant la propagation de ces idées, système tellement ancré que réaliser consciemment la gravité de ces mots devient difficile. C’est aussi le cas chez le public. « Souvent, mes étudiantes réagissent avec des commentaires d’indifférence pour les unes ou de surprise pour les autres », confie-t-il encore. D’où sa motivation à attirer l’attention sur ces cas latents de stigmatisation.
Il est clair que cette situation n’est pas particulière au Liban. Beaucoup de chansons anglophones contemporaines rabaissent la femme au statut d’objet, comme le rap américain. Ainsi, que ce soit au Liban ou à l’international, la prise de conscience du statut de la femme ainsi que les luttes quotidiennes pour l’égalité continuent. Mais il est important de savoir que l’existence de ce genre de chanson dans des sociétés plus égalitaires et qui ne marginalisent pas la femme n’a pas le même effet que dans notre société patriarcale.

Pour lire l’étude dans son intégralité, cliquez ici


Les stéréotypes dans les chansons analysées

Femme menacée, femme battue : Kibrani bi rassa, paroles de Mounir Bou Assaf, interprétée par Naji al-Osta; 3am assi 7alé, paroles de Adel Raffoul, interprétée par Amer Zayyan ; 3assabt 3alayha, paroles de Farès Iskandar, interprétée par Rabih Gemayel.
Femme au foyer, gagnée par la flatterie et les cadeaux : Joumhouriat albé, paroles de Farès Iskandar, interprétée par Mohammad Iskandar ; al-Banat al-awadem, paroles de Farès Iskandar, interprétée par Naji al-Osta ; Aam dawwir 3a 3arous, paroles de Salim Assaf, interprétée par Farès Karam; Iza Allah aatani, paroles de Jihad Hadchiti, interprétée par Hisham al-Hajj.
Femme sous la tutelle de son homme : 3am assi 7alé, paroles de Adel Raffoul, interprétée par Amer Zayyan ; 3assabit 3alayha, paroles de Farès Iskandar, interprétée par Rabih Gemayel ; Ya kill ad-dini, paroles de Mounir Bou Assaf, interprétée par Joseph Attiyeh ; al-Banat al-awadem, paroles de Farès Iskandar, interprétée par Naji al-Osta.
Femme objet sexuel : Joumhouriat albé, paroles de Farès Iskandar, interprétée par Mohammad Iskandar ; Aam dawwir 3a 3arous, paroles de Salim Assaf, interprétée par Farès Karam.
Femme comme propriété acquise : Larmiki bi balash, paroles de Adel Raffoul, interprétée par Nassif Zeitoun.
Femme folle vs homme raisonnable : Ghiri Kbiri, paroles de Farès Iskandar, interprétée par Majd Mousally.




Triste bilan que celui d’une étude effectuée par Roy Jreijiry, professeur associé à la faculté d’information, section 2, de l’Université libanaise, qui s’est penché sur l’image de la femme véhiculée par les chansons libanaises contemporaines : il en ressort que les paroles font circuler plusieurs stéréotypes comme ceux de la femme battue, de la femme sous la tutelle...

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