Faut-il s'inquiéter d'un torpillage des prochaines législatives ? Certainement, assure un ancien responsable, qui fonde ses craintes sur des données et des informations qui pourraient mener à un report du scrutin pour un an supplémentaire, le temps pour les circonstances de décanter quelque peu la confusion qui règne actuellement, notamment en ce qui concerne l'avenir de la Syrie et du Yémen. Cet ancien responsable évoque dans ce cadre les positions exprimées par le ministre de l'Intérieur concernant les élections, notamment sa description de la nouvelle loi comme abracadabrante, hybride, paradoxale et remplie d'erreurs et de failles.
En dépit de tout cela, certaines forces politiques refusent d'intégrer des amendements à la nouvelle loi et son renvoi devant le Parlement pour combler les failles, réparer les erreurs et régler le problème posé par certaines questions comme les « mégacentres » électoraux, la carte magnétique et le moyen de comptabiliser les votes. Ces parties craignent, le cas échéant, un retour fatal à la loi de 1960. Selon un ministre actuel, la loi doit être appliquée puis révisée après le scrutin sur base de l'expérience du processus électoral.
La loi actuelle constitue un mélange de proportionnelle – dans la manière de compter les voix – et de scrutin majoritaire – avec l'adjonction du vote préférentiel –, souligne cet ancien responsable. Certains ont tenté, dit-il, de mettre au point un code électoral servant leurs intérêts propres, mais se sont aperçus que cette loi ne remplissait pas cette fonction et pourrait avoir des résultats surprenants aussi bien pour eux que pour d'autres forces politiques.
Selon un ancien député proche du Hezbollah, lorsque les différentes formules de loi électorales avaient été proposées à l'époque, le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, avait réclamé la proportionnelle et la circonscription unique à l'échelle nationale, avec une possibilité « d'accord sur les circonscriptions pour apaiser les craintes de certaines forces politiques ». C'est alors que les projets adoptant la proportionnelle avaient fait leur entrée à la Chambre et que le comité parlementaire restreint, chargé du suivi de la loi électorale, avait entamé ses travaux, jusqu'à ce que la formule actuelle soit adoptée. C'est donc le Hezbollah qui a imposé la proportionnelle, et il est désormais impossible de revenir sur ce mode de scrutin.
Arrêt des investissements
L'accord sur la loi électorale avait mené à la dispersion des camps en présence, tout particulièrement le 14 Mars, qui avait implosé en raison d'un désaccord entre ces chefs de file sur un seul projet. Après la parution de la nouvelle loi, les forces politiques se sont empressées de mettre au point des études minutieuses autour de ce texte afin de s'assurer qu'elles en tireront profit, pensant de prime abord que la proportionnelle leur serait favorable. Elles se sont par la suite ravisées, appelant à l'intégration de réformes à la loi. Un institut de sondage aurait mis au point une étude qui prouve que la loi sert les intérêts du 8 Mars, à qui elle apporterait près des deux tiers des sièges au sein de la nouvelle Chambre.
Pourquoi le 14 Mars a-t-il accepté cette loi ? Par manque de coordination. D'où certaines demandes de refonte cosmétique du code pour améliorer sensiblement les résultats de ce camp. Ce à quoi le tandem chiite s'est catégoriquement opposé. Des responsables du Golfe n'ont pas manqué de sonder certains responsables concernant les craintes d'une mainmise « légale » du Hezbollah sur le pays après un triomphe à la Chambre, ce qui pourrait inciter le parti chiite à légaliser son arsenal, comme le Hachd el-Chaabi en Irak, ou encore à amender l'accord de Taëf vers un passage de la parité islamo-chrétienne à la répartition par tiers sunnite-chiite-chrétien.
Plusieurs ambassadeurs auraient d'ailleurs informé un responsable que leurs pays baisseraient leurs aides et cesseraient d'investir au Liban dans ce cas précis. Ce responsable a toutefois communiqué aux diplomates une position rassurante du chef de l'État, affirmant que le Hezbollah ne fera rien de tout cela et qu'il n'établira pas son hégémonie sur le pouvoir au pays du Cèdre. Le président de la République a souligné qu'il ne laisserait pas faire, qu'il restait attaché à l'accord de Taëf et que ces craintes sont sans fondement. Les diplomates auraient répondu qu'ils attendront le déroulement des événements avant de décider quoi faire sur base des résultats des élections et de la forme du nouveau cabinet. Il est toutefois évident que derrière le repli sur soi des pays du Golfe vis-à-vis du Liban se cache l'éventualité d'une prise de pouvoir par le Hezbollah en mai prochain par les urnes.
Aussi bien le président de la République que le Premier ministre et le président de la Chambre ont souligné ces derniers jours que les élections auront lieu. M. Berry répondait, en ce qui le concerne, aux propositions d'amendements réclamées par le chef du Courant patriotique libre, le ministre Gebran Bassil. Selon des sources proches de Aïn el-Tiné, le chef du législatif posséderait des informations concernant la volonté de parties locales et régionales de reporter les législatives et entendrait y faire échec.
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commentaires (6)
Dans les vraies "démocraties" il n'y pas de partis sur-armés par une puissance étrangère dont ils suivent les ordres. Le Hezbollah se prétend libanais, mais agit pour le compte de Téhéran selon ses propres dires, et surtout pas pour l'amour du "peuple libanais". Quant à l'Etat Libanais, pour lui, ce n'est qu'un paravent pratique et docile, malheureusement. Tous les événements depuis 2006 nous l'ont amplement prouvé. Irène Saïd
Irene Said
17 h 23, le 14 janvier 2018