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Moyen Orient et Monde - Syrie

Idleb, nouvel objectif du régime

L'explosion dans le centre-ville a fait 43 morts et plusieurs dizaines de blessés.

Les secouristes tentaient hier de récupérer des victimes sous les décombres du QG de combattants jihadistes asiatiques, hier à Idleb, après une forte explosion dimanche soir. Omar Haj Kadour/AFP

La pression s'accentue sur le dernier grand bastion rebelle de l'Ouest syrien. Idleb et son rif sont depuis fin décembre dans le collimateur des forces de Bachar el-Assad et de ses alliés russe et iranien, après qu'une offensive a été lancée le 25 décembre dans le sud-est de la ville, seule province qui échappe entièrement à son contrôle. La région, aujourd'hui dominée par Tahrir al-Cham, une coalition jihadiste formée par l'ex-branche d'el-Qaëda, est depuis plus de deux ans régulièrement bombardée par les aviations syrienne et russe.

À l'ouest de la province, les forces turques sont déployées depuis le mois d'octobre. Dimanche, de nombreux raids ont tué au moins 21 civils, dont huit enfants, dont 11 personnes d'une même famille près de Sinjar, à quelques 60 kilomètres d'Idleb. Damas souhaite reconquérir la localité afin de pouvoir s'emparer de l'aéroport militaire d'Abou Douhour, à 14 kilomètres de là. S'il retombe sous son contrôle, cet aéroport deviendra la première base militaire aux mains du régime dans la province. Le but majeur est de sécuriser la route qui relie Alep. « Le régime ne veut pas que l'aéroport tombe dans les mains des Turcs. Il veut profiter de cette brèche au sud-est d'Idleb pour pouvoir reprendre le reste de la région jusqu'à la frontière », estime Mou'taz, résident d'Idleb, contacté via WhatsApp. Depuis la chute de nombreux fiefs rebelles, dont l'un des plus symboliques, Alep, Idleb est devenue le dernier chef-lieu de l'insurrection, accueillant en son sein des centaines de milliers de déplacés de tout le pays. Un nombre qui n'a fait que s'accroître ces dernières semaines, au vu de l'intensification de la campagne des forces de Damas pour en finir avec cette poche rebelle qui lui résiste, contraignant de nombreuses familles à se réfugier dans le rif d'Alep ou plus au nord vers la frontière avec la Turquie, qui est fermée.

 

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Situation catastrophique
En quelques semaines, une soixantaine de localités ont ainsi été reprises. « La situation est catastrophique. On voit de plus en plus de déplacés dans les rues, des voitures remplies à ras bord de tout ce que les gens ont pu emporter en quittant leurs villages. Parfois, je vois même certaines personnes portant leurs moutons », témoigne Wissam Zarqa, résident de Sarmada, localité au nord d'Idleb. Une photo montrant l'arrière d'un pick-up contenant des affaires personnelles ainsi que le panneau de la ville de Sayadi circule notamment sur les groupes WhatsApp d'activistes syriens. Lui-même déplacé d'Alep, Wissam constate avec tristesse un scénario qui se répète. « Ils ne savent pas eux-mêmes où ils vont. Et la plupart finissent dans des camps de fortune près de la frontière où les ONG se chargent d'eux comme elles le peuvent », poursuit-t-il.Face à l'afflux de déplacés, des conseils locaux se mettent en œuvre pour accueillir un maximum de personnes en les logeant dans des appartements inhabités.

Des SMS de ce type circulent : « Toute famille fuyant les rifs d'Alep, de Hama ou d'Idleb peut contacter la police syrienne libre afin d'être relogée dans une habitation à Haritan (nord d'Alep) ou dans les villes avoisinantes... » Une solution plus réaliste que l'entassement dans des camps surpeuplés. « C'est quand même ironique qu'autant d'appartements soient fermés parce que leurs propriétaires sont à l'étranger, et qu'ils ne puissent même pas être loués », déplore Wissam Zarqa, qui raconte comment des appartements avaient ainsi été réquisitionnés lors du siège d'Alep, après qu'un inventaire des lieux, entre les nouveaux habitants et le conseil de la ville, eut été réalisé.

 

(Lire aussi : Bilal Badr organise sa propre exfiltration en direction d’Idleb)

 

Fatalisme
Et au centre-ville même d'Idleb, la situation n'est guère meilleure. Des opérations de secours s'y poursuivaient hier, au lendemain d'une importante explosion d'origine indéterminée près du quartier général de combattants jihadistes asiatiques. Le quartier général des « Soldats du Caucase » – faction composée de centaines de combattants d'Asie centrale – a été totalement détruit, et les bâtiments environnants sévèrement endommagés. Ce QG est majoritairement composé de soldats provenant d'Asie centrale, ainsi que des Ouïghours originaires de la province chinoise du Xinjiang, qui font partie de factions islamistes et jihadistes en Syrie.

Des images diffusées par la chaîne al-Jazeera montrent une explosion impressionnante apparaissant sur l'écran aux alentours de 18h30 dimanche. Selon les dernières informations de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), l'explosion a fait 43 morts, dont 28 civils et plusieurs dizaines de blessés. Selon des activistes, 10 personnes d'une même famille, les Rahmoun, ont notamment péri durant l'explosion. « Trois personnes sont originaires d'Idleb et les autres civils sont des déplacés de plusieurs cantons », affirme Mou'taz, en partageant une liste des victimes. « On ne sait rien des soldats asiatiques qui sont extrêmement discrets et peu connus de leur voisinage. Ils ont notamment leur propre hôpital », poursuit cet employé d'une ONG. « L'explosion s'est produite dans un quartier appelé "rue 30" à cause d'une voiture piégée », témoigne Karim*, journaliste à Idleb. Quelques heures après l'attentat, ce dernier se déclarait « en sécurité » sur l'application « service de crise » de Facebook. « C'est bien la première fois que ce réseau social place une ville syrienne sur sa carte de cellule de crise », ironise Wissam Zarqa. Pour l'heure, les causes de l'explosion n'ont pu être déterminées, certains évoquant une ou plusieurs voitures piégées, voire des roquettes. « Je pense que cela porte la signature des Russes. Les Américains tuent de manière plus ciblée », poursuit l'activiste. Face à cette situation, certains habitants font preuve de fatalisme. « Hier, il y a eu des bombardements à 500 mètres de moi. À chaque fois, notre maison tremble terriblement. Mais nous sommes arrivés à un point tel que rien ne nous importe désormais. Si quelqu'un survit au bombardement de sa maison, deux jours plus tard, il va la reconstruire. Nous n'avons pas le choix », déplore de son côté Alaa al-Youssef, habitant de Khan Cheikhoun.

Selon le jeune père de famille, les villages seraient en train de tomber comme des mouches sans que personne ou presque ne résiste à l'armée du régime. « Depuis le début de l'offensive, fin décembre, les gens ont peur, certes, mais cela ne nous empêche pas de vivre », poursuit-il. « Peut-être que nous allons tous finir dans des bus verts (comme les déplacés d'Alep), mais pour aller où ? » se demande Mou'taz. « Beaucoup de gens à Idleb pensent désormais qu'il vaudrait mieux revenir sous le giron du régime », dit-il, impuissant.

* Les prénoms ont été changés.

 

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