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Moyen Orient et Monde - États-Unis

Trump/Wolff : des révélations à prendre avec prudence

Plus de 200 témoignages brossent un portrait au vitriol du président, mais plusieurs médias ont mis en garde contre l'auteur, régulièrement accusé de mensonges.

Des exemplaires du livre de Michael Wolff exposés dans une librairie californienne, hier. Justin Sullivan/Getty Images/AFP

Sa colère n'aura finalement servi à rien. En dépit de ses menaces, le président américain Donald Trump n'a pas pu empêcher la sortie du livre du journaliste américain Michael Wolff, Fire and Fury: Inside the Trump White House (« Le feu et la colère, dans la Maison-Blanche de Trump »).

Censé être publié mardi 9 janvier, il a fini par l'être hier, soit avec quatre jours d'avance, et en tête des précommandes des libraires, comme s'en est félicité l'auteur hier. Truffé de révélations fracassantes, dévoilées par les bonnes feuilles publiées dans certains médias américains depuis mercredi, le livre est tout sauf flatteur pour le septuagénaire de la Maison-Blanche, dont les secrets, capillaires et alimentaires, sont exposés au grand jour. Plus de 200 témoignages, la plupart anonymes, le décrivent comme un « enfant » difficile à gérer, peu au fait des choses, incapable de gouverner, impulsif, paranoïaque et obsédé par la télévision, entre autres. L'une des premières anecdotes à ressortir de ce livre explosif relate comment Steve Bannon, patron du site ultraconservateur Breitbart et qui fut un temps conseiller spécial de Trump, a tenu selon Michael Wolff des propos incendiaires sur son ancien employeur, jugeant entre autres la rencontre de son fils Donald Jr avec une avocate russe durant la campagne présidentielle comme une « trahison ». Cette révélation a été immédiatement suivie d'une réaction très vive de la part du président, qui a accusé l'ultraconservateur d'avoir « perdu la raison ». De telles divulgations sont explosives, en pleine enquête du procureur spécial Robert Mueller sur les liens supposés entre Moscou et l'entourage de Trump, et qui empoisonne le mandat de celui-ci.

 

(Lire aussi : Trump sur la défensive face à son ex-conseiller Bannon et un livre explosif)

 

Dès mercredi, pourtant, plusieurs médias américains ont mis en garde contre Wolff. Ce dernier est régulièrement accusé de monter des reportages ou autres récits de toutes pièces ou, au mieux, de les enjoliver de manière poussée. Selon son propre aveu, il déforme souvent la réalité. Certaines incohérences ont d'ailleurs déjà été relevées dans les extraits parus dans la presse, comme par exemple l'anecdote selon laquelle Trump aurait affirmé ne pas connaître John Boehner (membre du Parti républicain), alors qu'il a tweeté plusieurs fois à son sujet ces dernières années, comme le relèvent certains journalistes connus, pourtant généralement peu tendres avec le président. La crédibilité de Michael Wolff, déjà sérieusement écornée, prend de nouveaux coups avant même la parution de son nouveau livre.

 

Santé mentale
Mais le mal est fait. Le mandat de Donald Trump pourrait en être affecté, bien que ses rapports avec Steve Bannon fussent déjà tendus depuis plusieurs mois, au point de le remercier l'été dernier. « Cette affaire, pour l'heure, constitue à mon sens une gigantesque opération de marketing. Et cela a parfaitement fonctionné, de manière presque diabolique puisque

Trump s'est retrouvé à faire lui-même une promotion bien malgré lui du livre, qui probablement pullule de raccourcis et de caricatures, voire de contre-vérités », estime Nicolas Gachon, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l'Université Paul-Valéry, Montpellier 3. Et d'ajouter : « C'est certainement une très mauvaise nouvelle pour Trump, cela va laisser des traces et sans doute aiguiller les enquêtes en cours, ne serait-ce qu'à des fins de vérification, mais il faut faire très attention, car Trump se nourrit du scandale. Cette bouchée est certes très dure à avaler mais, à ce jour, rien ne permet de dire qu'il ne sera pas réélu en 2020. »
Si la majorité des confidences dévoilées par l'auteur sont à prendre avec mille pincettes, celle affirmant que Donald Trump et sa famille ne voulaient pas réellement qu'il devienne président est la plus étonnante, mais probablement la « plus plausible », avance M. Gachon, qui rappelle l'air « prostré » du magnat de l'immobilier peu après son élection. D'après un passage du livre, Donald Jr affirme à un ami que son père « ressemblait à quelqu'un ayant vu un fantôme », et que « Melania était en larmes – mais pas de joie ». Le milliardaire aurait également affirmé avec certitude à sa femme qu'il n'a « aucune chance » de gagner, à tel point qu'il refuse d'abord d'investir son argent personnel dans la campagne. Il ne finit par s'y résoudre qu'à condition d'être remboursé.

Sa santé mentale est également mise en doute. Ce n'est certes pas la première fois. Depuis son investiture, plusieurs articles ont paru sur la question; certains ont même été écrits par des psychanalystes, dont Bandy Lee, professeure à Yale qu'auraient consultée en décembre à ce sujet des élus démocrates et un républicain. Selon Wolff, tous ceux qui côtoient le président, sans exception, mettent en doute ses capacités à gouverner et à prendre des décisions responsables. Un extrait narre son obsession pour une chaîne télévisée ne montrant « que des gorilles », à tel point que le personnel de la Maison-Blanche lui en crée une de toutes pièces, à base de documentaires, quand il ne la retrouve pas parmi celles qu'il regarde dans sa chambre... Des proches du président américains ont très vite critiqué ces accusations, comme le secrétaire d'État Rex Tillerson hier. « Je n'ai jamais remis en cause son aptitude mentale », a-t-il déclaré, dans un entretien diffusé hier sur CNN. « Il n'est pas comme les présidents d'avant, a poursuivi le secrétaire d'État. C'est aussi la raison pour laquelle les Américains l'ont choisi (...). Ils voulaient le changement. J'ai donc appris au cours de l'année à améliorer mes relations avec le président, afin de lui donner les informations dont il a besoin pour prendre de bonnes décisions. »

La possibilité d'une destitution ou du recours au 25e amendement (qui permet au vice-président et à la moitié du cabinet de déclarer que le président est incapable de remplir ses devoirs) est d'ailleurs évoquée depuis un moment. Une soixantaine d'élus démocrates ont cosigné une proposition de loi encourageant la création d'une commission spéciale pour déterminer de manière définitive si Donald Trump est capable d'assumer ses fonctions. « Cette question de santé mentale est politiquement séduisante, et médiatiquement efficace, mais cela ne résout en réalité aucun problème. Destituer Trump, ou utiliser le 25e amendement, reviendrait à mettre le vice-président Mike Pence aux commandes, ce qui, idéologiquement parlant, ne changerait pas grand-chose », explique Nicolas Gachon, pour lequel Trump ne peut être battu que par « des idées politiques, un programme que les démocrates doivent construire, une personnalité nouvelle que les démocrates doivent faire émerger ».

 

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commentaires (4)

"Depuis son investiture, plusieurs articles ont paru sur la question; certains ont même été écrits par des psychanalystes, dont Bandy Lee, professeure à Yale qu'auraient consultée en décembre à ce sujet des élus démocrates et un républicain." Attention, Bandy Lee n'aimerait pas du tout être qualifiée de "psychanalyste": elle est psychiatre, ce qui est tout à fait autre chose...Cf. à ce sujet l'excellent livre de Michel Onfray "Le Crépuscule d'une idole"...

Georges MELKI

09 h 35, le 09 janvier 2018

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Commentaires (4)

  • "Depuis son investiture, plusieurs articles ont paru sur la question; certains ont même été écrits par des psychanalystes, dont Bandy Lee, professeure à Yale qu'auraient consultée en décembre à ce sujet des élus démocrates et un républicain." Attention, Bandy Lee n'aimerait pas du tout être qualifiée de "psychanalyste": elle est psychiatre, ce qui est tout à fait autre chose...Cf. à ce sujet l'excellent livre de Michel Onfray "Le Crépuscule d'une idole"...

    Georges MELKI

    09 h 35, le 09 janvier 2018

  • Aux États-Unis tout est bon pour vendre. Trump est un sujet qui se vend point, peu importe la vérité, l'important que l'objet soit explosif.

    DAMMOUS Hanna

    23 h 46, le 06 janvier 2018

  • Pourquoi prudence ?????? On parle bien d'un clown desequilibre mental a la tete de la 1ere puissance mondiale . On va pas encore se faire l'avocat du diable parce qu'il a été celui qui a accepté de transférer une capitale !!!!

    FRIK-A-FRAK

    12 h 39, le 06 janvier 2018

  • C,EST LE BORDEL !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 21, le 06 janvier 2018

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