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Culture - MUSIQUE

Julien Jabre et l’incroyable destin de « Stand on the Word »

L'industrie musicale est, souvent, un monde sans foi ni loi, où les requins règnent et où les artistes ont besoin de protection,
ou d'une belle étoile. Le récit ci-dessous n'est pas un conte de fées : il est juste le fruit de la passion et de la détermination, et il implique un artiste libanais.

Julien Jabre, master of techno.

Quand sort le film Polisse en 2011, la bande originale inclut un extrait musical qui résonne comme un morceau connu, inné. Un chœur d'enfant, en anglais, rythmé et funky à la fois. Innocent et puissant. Le film est un succès, le titre utilisé, Stand on the Word, est un classique, et la scène qu'il illustre devient un point névralgique du film. Sauf que ce morceau de musique, à l'instar du destin des enfants-héros du film, aura vécu une histoire mouvementée et compliquée, mais avec un happy ending. Grâce à la détermination d'associés menés par un artiste libanais, Julien Jabre, un artiste électronique majeur.

Julien Jabre... Sa timidité l'empêche de l'avouer publiquement, mais il a marqué la house music de sa patte élégante et fine, au point d'être une référence pour les DJ que la scène internationale s'arrache. Lui, il a vécu dans son monde de passions musicales, d'ambitions artistiques. Toujours à la recherche de nouveaux sons et de nouveaux titres à jouer ou découvrir. Avec son pote DJ Grégory, un autre master de la house, il passe beaucoup de temps dans son studio, à écouter des disques qu'il pioche dans les bacs. C'est pendant l'une de ces sessions qu'il réentend le morceau Stand on the Word, et s'y accroche vraiment. Il décide alors d'aller à la recherche des origines du titre. Il en fait son Graal. Féru de house vocale, il entend dans ces quelques minutes une sorte de quintessence de son art, une origine de ce pour quoi il compose. Myspace aidant, nous sommes au début des années 2000, il retrouve un membre de la chorale qui lui donne le contact de la directrice de la chorale, Phyllis McKoy Joubert. Cette dernière est aussi impliquée dans ses chorales qu'elle est détachée du destin de ce morceau, très particulier, unique, et finalement légendaire. Il fait partie d'un album lancé en 1982 et vendu à la sortie de l'église où il a été enregistré, à Brooklyn, composé de chants interprétés par des chœurs d'adultes, et un par un chœur d'enfants, le Celestial Choir. Le 33 tours connaît un succès d'estime auprès de la communauté de l'église, mais n'a pas d'autres ambitions. Sauf que les requins rodent. Et lorsque ces requins se parent des ornements de la branchitude, on ne les voit pas venir.

 

Ce soir-là...
C'est ainsi que le label Next Plateau Records s'accapare le titre et en fait un tube disco dans les années 80, surfant sur le succès du Paradise Garage et de son DJ star Larry Levan. Lui et son associé, Tony Humphries, prennent littéralement possession du morceau, en sortent des versions remixées et laissent leurs businessmen ne pas partager la distribution des recettes générées par le succès, qui devient culte. Ironie de l'histoire : bien qu' amoureux du morceau, ils réussissent quand même à en perdre les bandes originales. Ce qui leur permet par ailleurs de s'en arroger la paternité. Les années passent, le morceau est utilisé à toutes les sauces, et Phyllis McKoy Joubert vit sa vie sans réellement être au courant de ce qui se passe au-delà de l'East River. Next Plateau engrange les royalties. Jabre, de son côté, rassemble une équipe de passionnés et arrive à reprendre contact avec la Joubert. Et c'est de Beyrouth, après une soirée d'où naîtra aussi le Behind the Green Door, que le contrat est envoyé à Mlle Joubert. Un nouvel enregistrement est programmé et sa situation légale est remise à niveau.

 

Boucle bouclée
Parce que l'histoire est belle, il faut mentionner ceci : la chorale qui chante sur les nouveaux morceaux est composée principalement par les enfants des membres qui avaient chanté sur le morceau original. La boucle est bouclée. Mais l'histoire n'est pas finie. Même si Phyllis McKoy Joubert touche maintenant les royalties qui lui sont dus, les versions qui sont proposées au commerce sont assez éloignées de la version originale, et font totale abstraction des membres originaux pour sortir sous le pseudo de Keedz. Plus dance, le morceau connaît un succès certain. Mais il ne satisfait pas la recherche d'authenticité qui nourrit Jabre. Connu pour la perfection de ses productions et son refus poli vis-à-vis des arrangements commerciaux, il est à la fois fier d'avoir retrouvé et mis en valeur les artistes à l'origine du morceau, et à la fois frustré de ne pas voir la version originale mise en avant. Il devra attendre 2015 et la fin du contrat de licence entre Universal et les détenteurs des droits pour réussir à convaincre ces derniers de revenir à l'original et de le commercialiser sous son vrai et unique nom, The Joubert Singers. Ce morceau, qu'on pourrait traduire par « s'en tenir au mot », est passé du statut de chanson religieuse à chanson culte, puis à succès planétaire. Et alors que sa créatrice était, sans réellement le savoir, victime de la cupidité de ses compatriotes, c'est à la détermination et à la passion d'un artiste libanais, Julien Jabre, et de ses associés, qu'elle doit de se voir réajuster dans ses droits et dans son héritage.

Quand sort le film Polisse en 2011, la bande originale inclut un extrait musical qui résonne comme un morceau connu, inné. Un chœur d'enfant, en anglais, rythmé et funky à la fois. Innocent et puissant. Le film est un succès, le titre utilisé, Stand on the Word, est un classique, et la scène qu'il illustre devient un point névralgique du film. Sauf que ce morceau de musique, à l'instar...

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