Un chef de l'Etat sortant renonçant à se représenter, un ancien président au tapis, trois ex-Premiers ministres éliminés et l'élection du plus jeune chef de l'Etat de l'histoire, dynamitant au passage les grands partis de droite et de gauche : en politique française, en 2017, tout a changé.
La vie politique hexagonale possédait déjà une longue habitude des revirements, sous le slogan "sortez les sortants" lancé dès les années 1950 par Pierre Poujade. A l'exception de celle de 2002-2007, aucune majorité parlementaire n'a été reconduite en France depuis 1978. Mais la cuvée 2017, marquée du sceau de ce "dégagisme" théorisé par Jean-Luc Mélenchon, a battu tous les records.
Inconnu du grand public trois ans auparavant, Emmanuel Macron est devenu à 39 ans le plus jeune président de l'histoire de France en battant la représentante de l'extrême droite, Marine Le Pen.
Surtout, l'ancien conseiller puis ministre de François Hollande s'est fait élire au nez et à la barbe des deux grands partis de gouvernement, le PS et Les Républicains (ex-UMP), qui se partageaient le pouvoir depuis 1981.
Avec son positionnement "et de droite et de gauche", Emmanuel Macron a chamboulé le jeu traditionnel en créant son propre parti, La République en marche, qui s'est adjugé une confortable majorité à l'Assemblée.
Une stratégie symbolisée par la nomination d'un Premier ministre de droite, Edouard Philippe, suivi par quelques compagnons (Bruno Le Maire, Gérald Darmanin) depuis exclus de LR, mais aussi de ministres issus du PS comme Gérard Collomb et Jean-Yves Le Drian.
(Lire aussi : La France cherche sa place au Moyen-Orient)
Pendant ce temps, les deux grands partis se sont divisés, une partie des Républicains partant créer le groupe "constructifs" à l'Assemblée tandis que Benoît Hamon quittait le PS pour fonder son mouvement "Générations".
Premier reflux pour LREM, cependant : les sénatoriales de septembre, qui ont conforté la majorité de droite sortante.
Élément le plus notable du "dégagisme" ambiant, Emmanuel Macron a accédé à l'Elysée sans se plier à la moindre primaire, mode de désignation en vogue depuis 2012. Et les primaires organisées par la droite et par le PS ont généré une impressionnante série de victimes prestigieuses.
Ainsi François Hollande est devenu le premier président en exercice de la Ve République à renoncer à solliciter un second mandat. Plombé par une impopularité persistante, il s'est fait prendre au piège de la primaire imposée par son parti à laquelle il a finalement préféré ne pas se plier.
(Lire aussi : Pourquoi Macron se trompe sur la Syrie)
Hécatombe à droite
A gauche, ce scrutin a fait une autre victime de choix: l'ex-Premier ministre Manuel Valls, balayé par le "frondeur" Benoît Hamon qui fera ensuite le plus mauvais score (6,36%) d'un candidat socialiste à la présidentielle depuis 1969, loin derrière la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon.
A droite, la primaire a aussi entraîné une hécatombe. Première victime: l'ancien président Nicolas Sarkozy, dont le retour en politique, quatre ans après sa défaite face à François Hollande, s'est soldé par une cuisante élimination au premier tour.
La deuxième a été l'ex-Premier ministre Alain Juppé, longtemps favori des sondages, mais sèchement battu par un autre ex-locataire de Matignon, François Fillon. Ironie de l'histoire, ses principaux lieutenants de l'époque, Edouard Philippe et son conseiller Gilles Boyer, sont désormais à Matignon.
François Fillon fut finalement la plus spectaculaire victime de la droite. Favori de la présidentielle après sa victoire à la primaire, l'ancien Premier ministre s'est abîmé en pleine campagne, victime, entre autres, des révélations du Canard enchaîné sur l'emploi présumé fictif de son épouse Penelope comme collaboratrice parlementaire. Ce qui lui vaut une mise en examen, son lâchage par une grande partie de ses soutiens au beau milieu d'une campagne hystérisée, avec comme point d'orgue un rassemblement crépusculaire au Trocadéro.
Autre grand chamboulement: l'effondrement de Marine Le Pen, malgré son accession en finale. En dynamique depuis 2012, premier parti lors des européennes de 2014, le Front national a perdu toute illusion le soir du débat d'entre-deux-tours face à Emmanuel Macron, du fait de la prestation unanimement jugée désastreuse de sa candidate. Le parti d'extrême droite, qui depuis a vu le départ de son vice-président Florian Philippot, a cependant réalisé son meilleur score (plus 10,6 millions de voix au second tour).
Lire aussi
La vie politique hexagonale possédait déjà une longue habitude des revirements, sous le slogan...
Macron est malin il a dans son gouvernement des personnes sans expérience qu'il fait ce qu'il veut
22 h 36, le 26 décembre 2017