« Le plus important, pour un homme d'affaires, c'est la stabilité d'un pays. Au vu des tensions politiques de ces dernières semaines, quelles garanties pouvez-vous nous donner en ce qui concerne le climat des affaires au Liban ? » Adressée au Premier ministre Saad Hariri, la première question du banquier Adel Afiouni, lancée hier à Beyrouth lors d'un panel de la conférence « Global Business Summit 2017 », préoccupe depuis plus d'un mois les milieux d'affaires libanais. Surtout que la démission surprise de M. Hariri, le 4 novembre dernier, « met en péril les progrès économiques graduels de l'année dernière et pourrait mettre davantage de pression sur son économie et son système financier », avait jugé l'agence de notation Fitch mi-novembre. Sponsorisé par la Banque libano-française, la Bank Audi et Med Investment Bank, le « Global Business Summit 2017 » était organisé au Four Seasons par l'antenne libanaise du réseau de mentorat entrepreneurial Endeavor et l'association rassemblant les dirigeants financiers expatriés, Life.
Devant un parterre d'environ 500 entrepreneurs et banquiers, certains basés au Liban, d'autres membres de la diaspora, Saad Hariri s'est livré à l'exercice compliqué de rassurer sur l'état de l'économie du pays. L'explication a tout d'abord été politique : « Nous avons montré que nous sommes un pays stable qui sait se montrer uni face à la crise. C'est donc le moment d'investir au Liban. » Le Premier ministre en a aussi profité pour rappeler certaines avancées de 2017, telles que le vote de la loi de finances fin octobre, après 12 ans sans budget, ou l'autorisation donnée mi-décembre par le Conseil des ministres au ministre de l'Énergie, César Abi Khalil, de signer les premiers contrats d'exploration des hydrocarbures offshore.
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Investissements dans les infrastructures
Mais Saad Hariri s'est surtout attardé sur son nouveau projet d'investissement dans les infrastructures, pour un montant de 16 milliards de dollars (« Capital Investment Plan » en anglais, langue utilisée pendant la conférence), qu'il annonce comme un catalyseur de croissance pour le pays. « Nous aimerions, par exemple, voir l'Aéroport international de Beyrouth être élargi pour accueillir 14 à 16 millions de voyageurs, au lieu de 6 millions. Cela nécessiterait un investissement d'un milliard de dollars », a indiqué le Premier ministre, qui a mentionné d'autres projets ambitieux dont les coûts n'ont pas encore été évalués, telle la construction d'un nouvel axe routier qui relierait Beyrouth, Tripoli et la Syrie.
Ces projets seraient financés par le secteur privé, la Banque mondiale, l'Union européenne, ainsi que par des fonds arabes, qui y contribueraient chacun à hauteur de 25 %. Dans un communiqué publié par le groupe al-Iktissad wal Aamal, un conseiller du Premier ministre, Nadim el-Mounla, précise que 5 milliards de dollars seront dédiés aux aéroports et aux ports ; 3 milliards de dollars aux projets d'irrigation et aux barrages ; 2 milliards de dollars au traitement des eaux usées ; 4 milliards de dollars à l'électricité ; 550 millions de dollars au télécoms ; 1,4 milliard de dollars aux déchets ; 300 millions de dollars à la santé et l'éducation ; et 280 millions de dollars à la culture.
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Climat des affaires
Les obstacles aux investissements au Liban ne sont pas que politiques, a rappelé M. Afiouni, dans une de ses questions au Premier ministre. « Nous sommes toujours à la traîne en ce qui concerne le climat des affaires », a souligné M. Afiouni. En effet, la Banque mondiale a classé le Liban à la 133e place sur 190 pays lors de son dernier rapport Doing Business. Le Liban a obtenu son plus mauvais classement régional pour le sous-indice évaluant le raccordement à l'électricité (16e parmi les 20 pays), tandis que son meilleur classement concerne l'obtention des prêts (9e). « Nous travaillons sur plusieurs lois importantes pour les affaires, dont une loi concernant les faillites et une autre les fonds de placement privé », a répondu M. Hariri. « C'est important pour le gouvernement de montrer au public et aux expatriés qu'il aide l'écosystème entrepreneurial, surtout avec ce qu'il s'est passé dernièrement au Liban », a indiqué à L'Orient-Le Jour Christina Chéhadé, directrice générale d'Endeavor au Liban, faisant aussi référence à l'intervention du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé.
Un des membres du public a par ailleurs rappelé à Saad Hariri une de ses promesses lors de la même conférence l'année dernière. « Je vous avais demandé quelle était votre vision pour l'économie libanaise. Vous m'aviez dit que vous veniez d'être nommé Premier ministre (NDLR : le 3 novembre 2016) et qu'il vous fallait encore 6 mois pour en élaborer une. Pouvez-vous me donner une réponse aujourd'hui ? » Saad Hariri a préféré botter en touche. « Nous avons demandé (NDLR : au cabinet de conseil) Mc Kinsey de mettre en place notre vision. Mais nous devons la finaliser avant que je puisse la communiquer avec vous. Cela aurait peut-être pris plus de 6 mois, mais nous travaillons dessus ».
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