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Moyen Orient et Monde - Yémen

Après Saleh, la course s’accélère entre Riyad et les houthis

La milice pro-iranienne est confrontée au dilemme de la guerre totale ou du dialogue avec les Saoudiens.

Une manifestation réunissant des partisans houthis a eu lieu hier à Sanaa pour célébrer la mort de Ali Abdallah Saleh. MOHAMMED HUWAIS/AFP

C'est grâce à Ali Abdallah Saleh que les houthis ont pu prendre Sanaa. C'est par sa mort qu'ils pourraient la perdre. La frêle – et brève – alliance entre l'ancien président et les rebelles houthis s'est terminée dans le sang, lundi, avec le meurtre de celui qui fut longtemps l'ennemi de la milice pro-iranienne.

Après avoir partagé la gestion de la capitale pendant plus de trois ans, il n'aura fallu que quelques heures pour que les rebelles prennent le contrôle des sites tenus par les partisans de Saleh à Sanaa, où les combats des derniers jours ont fait plus de 200 morts et le double en termes de blessés. Aujourd'hui, les houthis se retrouvent donc seuls aux commandes d'une capitale sous le feu des bombardements de la coalition arabe menée par l'Arabie saoudite.

Mais les jours suivants seront décisifs pour les rebelles, amputés d'une partie de leurs forces armées depuis le retournement de veste de Saleh samedi dernier. Les hommes de l'ancien président représentaient en effet une partie conséquente de leurs effectifs, et la mort de l'ancien président prive les rebelles d'une aide militaire précieuse. Selon les données du parti de Ali Abdallah Saleh, le Congrès général du peuple (CGP), Saleh bénéficierait du soutien de quelque six millions de partisans.

Mais depuis le retournement de veste de l'ancien président et de son assassinat annoncé par les houthis – qui estiment avoir vengé le leader de leur mouvement Hussein el-Houthi, tué en 2004 par les hommes de Saleh –, plusieurs centaines de hauts responsables du CGP ont été arrêtés à Sanaa, et plusieurs témoignages, non confirmés, font état d'exécutions sommaires. Les rebelles renforcent de cette manière leur mainmise sur la capitale yéménite, ainsi que ses institutions. « À première vue, les houthis gagnent en influence et pensent pouvoir régner sans partage sur le terrain », avance Khaled el-Hammadi, journaliste, analyste yéménite et défenseur des droits de l'homme. « Mais ils ne représentent qu'une partie des zaïdites, et leurs tactiques violentes, et parfois meurtrières, d'intimidations, sans compter leurs tendances religieuses et sectaires radicales, sont largement réprouvées par une partie de la société », ajoute-t-il, interrogé par L'Orient-Le Jour.

 

(Lire aussi : La mort de Saleh ouvre un nouveau chapitre dans la guerre)

 

Le camp Saleh affaibli
En comparaison, les alliés de Ali Abdallah Saleh, que ce soit la garde républicaine (commandée par son fils Ahmad) ou les tribus sunnites, peuvent paraître particulièrement diminués. La mort de Saleh et de Aref Zourka, pressenti pour être son successeur à la tête du parti et assassiné en même temps que lui, ont suscité une onde de choc dans le pays. Le CGP semble, momentanément, décapité. « La faiblesse de Saleh et de ses partisans est apparue clairement ces derniers jours, et cela est visible notamment par la facilité que les houthis ont eue pour atteindre et tuer l'ancien président », estime M. Hammadi, selon lequel la mort de plusieurs membres de sa famille renforce cette impression. Tous ceux liés à celui qui fit la guerre aux houthis pendant une décennie, comme les membres du CGP ou de nombreux cheikhs tribaux, vont payer le prix de leur allégeance, et les prochaines semaines verront probablement une répression accrue de la part des rebelles.

D'ici là, les fractions internes au sein du parti – déchiré depuis 2014 entre pro-Abd Rabbo Mansour Hadi (le président actuel) et pro-Saleh – pourraient se creuser davantage ou, au contraire, mener à une « réconciliation » des deux camps, unis dans la vengeance. Il est primordial de commencer par la nomination d'un nouveau leader et d'une réorganisation du parti. Le nom qui circule déjà depuis la mort de Saleh est celui de son propre fils, Ahmad Ali, qui a juré depuis les Émirats arabes unis de venger son père.

 

(Pour mémoire : Saleh-houthis : les raisons d’un divorce)

 

Côté saoudien, plus question pour Riyad, embourbé depuis 2015 dans une opération militaire onéreuse et sans stratégie de sortie valable, de s'embarrasser de « scrupules » éventuels. Une intensification des raids aériens a déjà pu être observée hier, particulièrement à Sanaa, où le palais présidentiel, occupé par les houthis, a été bombardé intensivement pour la première fois en presque trois ans d'opérations saoudiennes au Yémen. Un accord entre Riyad et Ali Abdallah Saleh aurait peut-être permis un règlement du conflit, mais sa mort apporte de l'eau au moulin saoudien. Il est fort à parier que si Ahmad Ali cherche à venger la mort de son père et des autres membres de sa famille tués ces derniers jours, l'Arabie le soutiendra. Le royaume pourrait redoubler d'efforts, en termes de force de frappe, dans le but de se débarrasser une fois pour toutes des rebelles à Sanaa, mais aussi dans d'autres localités stratégiques comme la ville portuaire de Hodeida. Affaiblis par la « trahison » de Saleh et ses hommes, les houthis pourraient quant à eux appeler Riyad au dialogue pour assurer leur survie, ne serait-ce que politique, ou tenter de se renforcer en recrutant à tour de bras. Pour l'instant, c'est une course de vitesse entre les deux camps, et seules les prochaines semaines permettront de voir qui la gagnera.

 

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C'est grâce à Ali Abdallah Saleh que les houthis ont pu prendre Sanaa. C'est par sa mort qu'ils pourraient la perdre. La frêle – et brève – alliance entre l'ancien président et les rebelles houthis s'est terminée dans le sang, lundi, avec le meurtre de celui qui fut longtemps l'ennemi de la milice pro-iranienne.
Après avoir partagé la gestion de la capitale pendant plus de trois ans,...

commentaires (2)

L,ESCALADE DE LA GUERRE EST INEVITABLE CAR LES HOUTIS NE DECIDENT DE RIEN... LES ORDRES LEUR VIENNENT DES PASDARANS IRANIENS... ILS SE SONT MIS SUR LE DOS LA GRANDE TRIBU DE SALEH ET SES PARTISANS QUI PESERONT DE TOUT LEUR POIDS DANS LES EVENEMENTS A VENIR...

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 57, le 06 décembre 2017

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Commentaires (2)

  • L,ESCALADE DE LA GUERRE EST INEVITABLE CAR LES HOUTIS NE DECIDENT DE RIEN... LES ORDRES LEUR VIENNENT DES PASDARANS IRANIENS... ILS SE SONT MIS SUR LE DOS LA GRANDE TRIBU DE SALEH ET SES PARTISANS QUI PESERONT DE TOUT LEUR POIDS DANS LES EVENEMENTS A VENIR...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 57, le 06 décembre 2017

  • Et les Iraniens dans tout ça? Vont-ils aider les Houthis, peuvent-ils le faire, au point de prouver leur intervention directe dans ce conflit, et apportant de l’eau aux accusations des Saoudiens ou vont-ils se taire et laisser leurs alliés signer un accord de paix, sans quoi le Yémen va sombrer dans une guerre totale dévastatrice?

    Saliba Nouhad

    03 h 45, le 06 décembre 2017

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