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Liban - Exposition

Reconstructing Memories, dans les vestiges de Gemmayzé

Art Lab à Gemmayzé s'est lancée dans un voyage dans le temps. À travers les œuvres de 13 artistes, la galerie plonge au cœur des souvenirs d'un immeuble détruit il y a quelques mois.

L’immeuble Medawar 651, au cœur de l’exposition organisée par Art Lab à Gemmayzé.

Quand Dimitri Haddad rentre d'un voyage à l'étranger au printemps 2017, l'immeuble en face de la galerie qu'il tient avec son père dans le quartier de son enfance est détruit. Un scénario assez classique depuis la guerre, diriez-vous, mais ce bâtiment, en plus de dévoiler une architecture étonnante héritée de différentes époques, a une histoire atypique. Medawar 651, immeuble Art déco construit dans les années 1930 sur la rue du général Gouraud, est partiellement détruit par un container tombé d'un avion pendant la Seconde Guerre mondiale. La partie endommagée est reconstruite dans les années 1950, suivant le style moderne de l'époque, créant ainsi une disjonction esthétique dans l'architecture de l'immeuble. En 2013, alors qu'un nouveau projet résidentiel prend pied, les habitants du bâtiment sont « invités » – pour ne pas dire forcés – à déménager. La partie ouest de l'immeuble datant des années 1950 est alors détruite et, quatre ans plus tard, le ministère de la Culture permet aux développeurs du nouveau projet d'arriver subtilement à leurs fins. La totalité de l'immeuble s'effondre.

Le premier réflexe de Dimitri Haddad, curateur de l'exposition, est de récupérer des restes de ruines. « J'ai collectionné des pierres de différentes parties de la maison. J'imaginais que l'immeuble était un container de souvenirs. Quand l'immeuble a été détruit, tous ces souvenirs ont été entassés en une pile de pierres qui allaient finir dans la mer », explique-t-il. Un peu plus tard, ne sachant pas encore vraiment quoi faire de ces vestiges, le galeriste rencontre l'organisation Save Beirut Heritage, qui se bat pour la conservation du patrimoine beyrouthin. Décidant de collaborer avec eux pour éveiller les consciences et rappeler le sort de cet immeuble, le galeriste rassemble en quelques mois une douzaine d'artistes, leur attribuant à chacun une pierre. La consigne est simple : représenter ce que la pierre leur inspire, les souvenirs qu'elle leur rappelle, sans même connaître l'histoire de l'immeuble.

Il fait d'abord appel à Clara Kossaïfi, réalisatrice de documentaire. Pendant plus de trois mois, elle a rassemblé les témoignages des anciens habitants de l'immeuble ainsi que des images d'archives filmées dans leur appartement datant des années 1990 ou 2000. Entre la vision très immersive de ce point de vue et celle plus extérieure de l'organisation Save Beirut Heritage, qui se concentre sur l'histoire et le patrimoine du bâtiment, le curateur voulait un point de vue plus nuancé. C'est à partir de là qu'il décide de contacter les autres artistes.

Le résultat, découvert seulement quelques jours avant l'inauguration, surprend tant les artistes que le curateur. « C'est intéressant de voir comment chacun a interprété sa pierre, et surtout de voir les relations très fortes qu'il y a entre des œuvres très différentes, alors que les artistes ne se connaissaient pas », commente Dimitri Haddad. On peut observer entre certaines des points communs ou des liens assez particuliers comme la ligne noire représentée dans la photographie de Nad Ammous, qu'on retrouve également dans la pièce où est diffusé le documentaire de Clara Kossaïfi, que la réalisatrice a choisi pour représenter la séparation entre les gens et leurs souvenirs. Sans se concerter, les deux artistes ont représenté le souvenir à l'aide du même symbole. À côté des œuvres de l'exposition, une installation à l'initiative de Naji Esther figure en plein milieu de la galerie, dévoilant un morceau imposant d'un mur de l'immeuble. Les visiteurs peuvent, s'ils le souhaitent, en casser un bout et le rapporter chez eux.

L'ouverture de l'exposition a réuni plusieurs anciens habitants de l'immeuble et du quartier. Lesquels s'y sont rendus avec beaucoup d'émotion, se remémorant le temps révolu du Medawar 651. « Tout change tout le temps, les quartiers, les maisons, la société », explique un ancien résident dans le documentaire. À Beyrouth, de plus en plus d'immeubles aux histoires et aux patrimoines mémorables sont détruits. Ensemble, Dimitri Haddad et Save Beirut Heritage ont voulu, à travers l'art, accorder encore quelques jours de vie à cet immeuble au sort tragique. L'exposition se clôture ce soir.

 

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