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À La Une - Société

Harcèlement: la parole se libère peu à peu dans les rédactions françaises

"On est de plus en plus souvent sollicitées par des femmes journalistes qui se posent des questions sur des agissement au sein de leur rédaction et nous appellent pour des conseils ou un soutien, il y a une véritable solidarité qui est en train de se créer", dit la porte-parole du collectif de journalistes femmes Prenons la Une.

Une femme à son poste au centre d'appel du Collectif féministe contre le viol, le 19 octobre à Paris. AFP / ALAIN JOCARD

Depuis fin octobre, plusieurs rédactions en France ont été rattrapées par des affaires de harcèlement ou d'agression sexuelle, la parole se libérant également parmi les journalistes dans le sillage de l'affaire Weinstein.

Fin octobre, une reporter de BFMTV a porté plainte contre l'ex-directeur de la rédaction de France 2, Eric Monier, qui travaille aujourd'hui chez LCI (la chaîne d'info du groupe TF1) pour "harcèlement sexuel et moral".
M. Monier a porté plainte en retour pour "dénonciation calomnieuse", selon le groupe TF1, tandis que le parquet a ouvert une enquête préliminaire.
Mardi, la chaîne parlementaire LCP a suspendu son présentateur vedette Frédéric Haziza, qui présente plusieurs émissions sur son antenne, après le dépôt d'une plainte pour "agression sexuelle" à son encontre par une journaliste de sa rédaction, ce qui a entraîné là encore l'ouverture d'une enquête préliminaire par la justice.
Dans les deux cas, les faits invoqués remontent à plusieurs années.

D'autres consœurs ont témoigné sur les réseaux sociaux sans nommer leur agresseur, avec le fameux mot clé "Balancetonporc", qui avait été créé par... une journaliste.
"Un red chef, grande radio, petit couloir, m'attrapant par la gorge : "un jour, je vais te baiser, que tu le veuilles ou non", avait ainsi relaté une journaliste de Radio France.

"On est de plus en plus souvent sollicitées par des femmes journalistes qui se posent des questions sur des agissement au sein de leur rédaction et nous appellent pour des conseils ou un soutien, il y a une véritable solidarité qui est en train de se créer", dit à l'AFP Lauren Bastide, porte-parole du collectif de journalistes femmes Prenons la Une.
"Les femmes qui aujourd'hui portent plainte et osent parler, font preuve d'un courage énorme, surtout quand on a face à soi un agresseur présumé qui est influent ou célèbre. Il y a encore beaucoup de journalistes qui se taisent, car il y a tout un contexte qui fait que les journalistes femmes sont précarisées", dit-elle.
"On reçoit des signalements, mais le problème c'est que les personnes restent anonymes, et s'il n'y a pas de délégué syndical qui puisse mener discrètement une enquête en interne, c'est difficile d'intervenir. J'ai au moins trois jeunes consœurs qui hésitent actuellement pour savoir si elles doivent ou pas y aller", raconte Dominique Pradalié, secrétaire nationale du Syndicat national des journalistes (SNJ).

 

(Lire aussi : Le directeur artistique de Disney, dernier emporté par les scandales à Hollywood)

 

Domination
Si 46,5% des titulaires de la carte de presse étaient des femmes en 2015, selon l'observatoire des métiers de la presse, elles n'occupent que 36% des postes de direction, tandis que 58% des pigistes sont des femmes, souligne Prenons la Une, qui pointe aussi l'écart salarial de 12% entre hommes et femmes journalistes.
"Cette position d'infériorité hiérarchique et salariale est l'un des facteurs qui empêche les femmes journalistes de parler", comme dans d'autres secteurs, explique Lauren Bastide.

En outre, "il y a des circonstances qui peuvent favoriser le harcèlement" dans le milieu journalistique, ajoute-t-elle, citant "l'environnement très particulier des médias, où l'on est souvent sous pression, où il y a beaucoup de stress et d'égos, notamment dans l'audiovisuel".
Cependant "il n'y a aucun élément concret qui nous permettrait d'affirmer qu'il y a plus d'agressions sexuelles ou de harcèlement dans les rédactions qu'ailleurs... Malheureusement, aucun milieu n'est exempt de ces agissements", constate Lauren Bastide.
"Tous les secteurs sont touchés", abonde Marlène Coulomb-Gully, chercheuse à l'Université de Toulouse II et membre du Haut conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes.

 

(Lire aussi : Un journaliste vedette du New York Times suspendu pour harcèlement sexuel)


Toutefois, les cas de harcèlement les plus médiatisés ces dernières semaines, notamment dans le monde hospitalier, se sont produits dans "des milieux où la domination masculine est une réalité", relève-t-elle, ce qui reste le cas "dans la presse et l'audiovisuel, en dépit des efforts faits ces dernières années".
Elle évoque également le poids du relationnel pour entrer dans la profession (contrairement à d'autres filières où les recrutements ont lieu sur concours), qui, avec la précarisation, renforce cette domination.
Prenons la Une, tout en soutenant la libération de la parole sur les réseaux sociaux, a encouragé les journalistes victimes d'agressions ou de harcèlement à saisir la justice, et a recommandé aux médias de mettre en place des structures internes pour les écouter et les conseiller.

 

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