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Idées - « Guerre des axes »

« Guerre des axes » au Liban : L’alternative citoyenne doit sortir du silence !

Une activiste tentant de bloquer la route à Dora pour protester contre la gestion des déchets en mars 2017. Marwan Tahtah/AFP

Une nouvelle crise politique au Liban ? Certains diront « on en a vu d'autres ». Mais la démission de Saad Hariri et les conditions dans lesquelles elle s'est effectuée ne permettent plus le « business as usual » qui a marqué le comportement des Libanais après chaque soubresaut politique.

Si depuis l'été 2015 les questions de gouvernance, de services publics et de lutte contre la corruption avaient occupé une place importante dans les débats entre les Libanais, le 4 novembre dernier a marqué le retour des axes régionaux et des ingérences étrangères au centre du jeu. La crise des déchets et les élections municipales de 2016 ont permis l'émergence de nouvelles forces politiques issues de la société civile. Celles-ci ont basé leur discours sur l'idée que la division entre le 8 et le 14 Mars ne reflète plus la réalité, d'autant que les partis appartenant à ces alliances siègent ensemble au Conseil des ministres et se partagent les ressources et les contrats publics. La vraie division selon les groupes indépendants est entre les « corrompus » au pouvoir et ceux qui représentent une alternative citoyenne, intègre et non confessionnelle. Sur cette base se profilent de nombreuses initiatives pour des candidatures alternatives face aux partis traditionnels.

Mais le choc de la démission de Hariri, aussi bien dans le contenu de sa déclaration que dans les circonstances de son annonce, a confirmé que si la division entre « insiders » et « outsiders » existe, elle ne remplace ni ne supplante la division verticale révélée en 2005. À partir d'aujourd'hui, nulle force politique, ancienne ou nouvelle, ne peut éviter de discuter des armes du Hezbollah, de la guerre en Syrie, du rôle de l'Iran et de l'Arabie saoudite, et limiter son discours aux accusations de corruption et aux politiques publiques de transport, d'énergie et de gestion des déchets. Les partis traditionnels sont rodés aux questions régionales ; leurs positions sont tranchées et les possibilités de compromis limitées. Jusqu'à présent, les forces nouvelles n'ont pas voulu évoquer ces questions et, globalement, n'ont pas eu à le faire. Mais la donne a changé et ces forces font face à un défi existentiel à dimensions multiples.

 

Dépassement des clivages traditionnels
Tout d'abord, ces courants comptent en leur sein des personnalités et des mouvements prônant le dépassement des clivages traditionnels, mais qui auparavant avaient été proches soit du 14 Mars (dans sa version de 2005), soit du Hezbollah, justifiant ses positions et le maintien de ses armes. Si la polarisation à l'égard des armes du Hezbollah redevient le sujet principal du débat, est-ce que ces composantes resteront au sein du mouvement alternatif ou bien retrouveront-elles leurs anciennes alliances ?

Ensuite, il ne suffit pas de faire croire que si les partis traditionnels, soumis aux puissances extérieures, perdent les élections, le Liban sera protégé des conflits régionaux. Le Hezbollah, avec ses armes et son implication dans la guerre en Syrie et dans d'autres pays du Moyen-Orient, restera un sujet de contention majeur, inévitable. Si les Libanais n'en parlent pas et se concentrent uniquement sur les questions de bonne gouvernance et de services publics, le problème ne disparaîtra pas pour autant. Les Américains le soulèveront à chaque fois que le Congrès discutera de sanctions financières. Les Iraniens le raviveront quand ils vanteront leur influence régionale. Les Israéliens le souligneront quand ils menaceront le Liban d'une nouvelle guerre. Et, bien entendu, les Saoudiens le confirmeront en accusant le gouvernement libanais de soutien au terrorisme et en imposant des sanctions aux Libanais travaillant dans le royaume.

Il n'est donc plus possible de prétendre incarner une offre politique viable et réaliste en évitant ce sujet qui fâche. La crédibilité des courants indépendants et issus de la société civile dépend dorénavant de leur capacité à fournir une réponse propre à la problématique du Hezbollah et des enjeux régionaux, différente de celle de la classe politique traditionnelle et conforme aux valeurs de changement qu'ils veulent incarner.

 

Deux piliers
Cette réponse ne peut être sur base confessionnelle. Cela contredirait tous les fondements du mouvement citoyen lancé durant l'été 2015. Elle ne peut non plus minimiser les risques auxquels fait face le Liban du fait du rôle et des armes du Hezbollah en créant de fausses équivalences avec d'autres problèmes du pays. Cela montrerait au mieux une naïveté, au pire une collusion. Il faut donc une réponse forte et cohérente avec les valeurs promues par le mouvement civil. Pour cela, deux piliers sont à considérer : l'égalité entre citoyens et l'État de droit. Tout ce qui procure à un citoyen ou à un groupe des droits extralégaux, supplémentaires par rapport à ceux dont jouissent les autres citoyens, doit être rejeté. De même, toute action qui contrevient aux règles fondamentales du droit ne peut être acceptée.

Par exemple, toute importation de produits manufacturés est liée au versement de droits de douane. Cela doit s'appliquer à tous les produits. Importer des armes hors du circuit légal constitue donc une évasion fiscale de grande ampleur, tout aussi nocive pour les finances publiques que la corruption dans l'octroi de contrats d'énergie et de téléphonie, sinon plus. De même, tout transfert de fonds et de capitaux depuis l'étranger devrait être effectué à travers les instruments financiers institutionnels. Cela doit s'appliquer au financement de tous les partis politiques. Recevoir des fonds à travers des canaux occultes correspond à un marché noir, hors de vue des autorités chargées de la lutte contre le blanchiment d'argent et de certifier la légalité des transferts. Il s'agit là de quelques exemples qui peuvent servir de début de position alternative à l'égard de la problématique du Hezbollah, sans même toucher aux questions d'ordre militaire.
Si l'offre politique issue de la société civile veut survivre, elle doit proposer des réponses à l'ensemble des défis auxquels fait face le Liban. Outre la question du Hezbollah, se posent les dossiers épineux des réfugiés syriens, de l'amalgame entre réfugiés et terroristes, du rôle de l'armée et des services de sécurité, et du respect des droits de l'homme et des libertés publiques. L'opportunité pour les groupes indépendants et issus de la société civile d'incarner le changement tant espéré dépend des propositions qu'ils feront sur ces sujets... Le temps presse et ces propositions se font cruellement attendre.

Ayman Mhanna est le secrétaire général du Renouveau démocratique et directeur exécutif de la Fondation Samir Kassir

 

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commentaires (4)

L alternative citoyenne à toujours existé sauf qu à chaque fois qu elle se trouve un leader vaillant et visionnaire il se fait massacrer, assassiné par ceux la même qui ne cessent de semer la pagaille depuis des décennies car le Liban moderne, avec ses diversités et son ouverture au monde entier gêne. La destruction de l aviation civile en 68 par Israël était un message clair. L invasion syrienne et puis la création du hezb n ont fait que conforter les désirs d'Israel. C est trop facile de blâmer le peuple mais il faut prendre la distance et voir les choses de loin.

Wlek Sanferlou

14 h 49, le 12 novembre 2017

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Commentaires (4)

  • L alternative citoyenne à toujours existé sauf qu à chaque fois qu elle se trouve un leader vaillant et visionnaire il se fait massacrer, assassiné par ceux la même qui ne cessent de semer la pagaille depuis des décennies car le Liban moderne, avec ses diversités et son ouverture au monde entier gêne. La destruction de l aviation civile en 68 par Israël était un message clair. L invasion syrienne et puis la création du hezb n ont fait que conforter les désirs d'Israel. C est trop facile de blâmer le peuple mais il faut prendre la distance et voir les choses de loin.

    Wlek Sanferlou

    14 h 49, le 12 novembre 2017

  • VOUS ÊTES ENTRAIN DE RÊVER EN COULEURS CHER AYMAN. DES BELLES PAROLES NAÎVES COMME ÇA, ON EN A ENTENDU À LA PELLE. LA SEULE ET UNIQUE SOLUTION UNE RÉVOLUTION DE BASE, UNE ÉNORME VAGUE POUR NETTOYER TOUS CES MERCENAIRES IRANO/SAOUDIENS QUI GOUVERNENT LE PAYS ET MANGENT NOTRE GATEAU. LÀ ON COMMENCE À VOIR CLAIR. MAIS HÉLAS, LE PEUPLE DORT PROFONDEMENT POUR LE MOMENT.

    Gebran Eid

    13 h 24, le 11 novembre 2017

  • S,IL N,Y A PAS LA MILICE ET SES INTERVENTIONS, EXACTIONS ET INTIMIDATIONS ET MENACES LE PAYS SERAIT UN PARADIS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 35, le 11 novembre 2017

  • j'ajouterais 3 elements oublies mais imperatifs a soulever : 1- Ste civile C bien MAIS encore faut il qu'un chef -propre, pur visionnaire,volontaire , perseveramt ET charismatique pour la guider - aux abonnes absents jusqu'ici- 2- une fois ce chef trouve, il devra se trouver plusieurs "assistants" qui auraient les memes qualites que les siennes 3-cela etant- je ne desespere pas- le tout 1er probleme a discuter - ouvertement, sans honte, sans hesitation, le faire comprendre a tout ce beau monde, aux partisans , la toute 1ere condition a poser ET A DECIDER DOIT etre L'APPARTENANCE REELLE DU LIBAN , RIEN QU'AU LIBAN = UNE DECLARATION PUBLIQUE CLAIRE ET NETTE QUI OSERAIT DECLARER , SS LANGUE DE BOIS NI SOUS ENTENDUS : NI IRAN,NI ARABIE, NI PALESTINE, NI SYRIE,NI TURQUIE(qui sait) NI USA NI EURPOE, NI RUSSIE,LA LISTE EST PLUS LONGUE. LE LIBAN D'ABORD ........ LE RESTE - TOUS -PASSENT BIEN APRES. CE QUE CELA IMPLIQUERAIT SERAIT UN TOURNANT DRAMATIQUE DS NOTRE HISTOIRE- IMPERATIF. CAR SINON TT LE RESTE SERAIT NUL NE VAUDRA RIEN.

    Gaby SIOUFI

    10 h 53, le 11 novembre 2017

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