Ils ne viennent pas de l'école de l'histoire mais de celle des arts décoratifs et du Journal de Spirou. Et pourtant, la dessinatrice Catel Muller, qui signe sous le nom de Catel, et son compagnon le scénariste José-Louis Bocquet n'aiment rien tant que puiser dans le passé, les héros de leurs bédés. Souvent des héroïnes d'ailleurs. À tel point qu'on peut les considérer aujourd'hui comme des spécialistes de la biographie dessinée féminine. Un trait tout en finesse et mouvement pour elle, des récits de vies brossés au plus près de la vérité des personnages pour lui, les planches de ce duo honorent des personnalités célèbres, « mais qui ne sont pas dans les livres d'histoire ». Des femmes inspirantes qui ont joué un rôle dans l'émancipation de leurs consœurs et de la société de leur temps. À l'instar de Joséphine Baker, « figure ultramoderne des années folles et toute première star noire internationale » ; de Kiki de Montparnasse, l'égérie de Man Ray et modèle du fameux cliché Le violon d'Ingres, ou, en remontant encore plus loin dans le temps, d'Olympe de Gouges, auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791.
Dans leur roman graphique, densément documenté, paru chez Casterman en 2012, Muller et Bocquet redonnent vie à cette dernière, figure tourmentée de la Révolution française aux idéaux très en avance sur son temps, et qui était tombée dans les oubliettes de l'histoire. Tout comme dans la bédé Kiki de Montparnasse, ils avaient, en 2007, réhabilité la mémoire de celle qui fut la muse des plus célèbres artistes de l'entre-deux-guerres, en dévoilant au-delà de sa légendaire séduction sa pionnière liberté de ton, de parole et de pensée. Mais l'indéniable succès de ce couple de bédéistes biographes reste l'album qu'ils ont dédié, en 2012, à Joséphine Baker (Casterman), retraçant avec émotion, rythme et rigueur historique le parcours de vie exceptionnel de cette môme noire du Mississippi qui conquiert Paris en une nuit, à 20 ans. Plutôt que s'attarder sur les clichés ressassés sur la danseuse à ceinture de bananes de la Revue nègre des années folles parisiennes, ils ont préféré mettre l'accent sur l'enfance qui a forgé le destin de cette figure emblématique du music-hall, ainsi que sur les valeurs de cette briseuse de tabous, fidèle résistante durant la guerre et maternelle dans l'âme.
Féministes, Muller et Bocquet? Indéniablement. Mais un féminisme humaniste, mettant en valeur la générosité de cœur de ces combattantes des préjugés. Des femmes libres et audacieuses aux destins dépassant parfois la fiction. Et qui auront contribué à forger quelques-unes des valeurs-clés de nos sociétés d'aujourd'hui.
*Ils signent ce soir vendredi 10 à 20h30 au stand de la librairie Stephan
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