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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Quand Manafort tombe dans le « Al Capone trap »

Paul Manafort quittant la Cour fédérale américaine. Reuters/James Lawler Duggan

Lundi dernier, à la question : « Comment s'annonce votre semaine ? » que se posent d'habitude les Américains chaque lundi matin, une réponse revenait souvent sur les lèvres : « Mon lundi est meilleur que celui de Paul Manafort. »

En fait, l'énorme ambition de Manafort, ancien directeur de la campagne de Donald Trump et son ancien ami, ne pouvait être que le terreau de la chute spectaculaire qu'il vient de vivre. En avril 2016, le quotidien électronique Bloomberg annonçait déjà la couleur : « Il est clair que Paul Manafort sera un problème pour Trump. » Néanmoins, son inculpation lundi dernier et celle de deux de ses collaborateurs, Richard Gates et George Papadopoulos, par le procureur spécial chargé de l'enquête sur l'ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine, Robert Mueller, a créé un choc énorme. Manafort se trouve à présent en résidence surveillée à son domicile, sis à Alexandria non loin de Washington, avec à la cheville le bracelet électronique le reliant à la police.

Pour Thimothy O'Brian, le biographe de Trump, cette inculpation « peut offrir un paquet d'accusations que Mueller pourra porter contre Trump lui-même ». De son côté, le professeur de loi à Harvard, Noah Feldman, estime que cette inculpation est le début d'une histoire complexe qui peut mettre le président en danger.
Les douze accusations portées actuellement par Mueller contre Manafort ne touchent pas directement ou indirectement le président américain. À cette étape, elles pourraient le mettre au cœur d'un scandale, car apparemment il n'existe pas de preuve de sa culpabilité.

 

(Lire aussi : Que risque Donald Trump dans l'enquête sur les ingérences russes ?)

 

La Maison-Blanche en émoi
Toujours est-il que lundi, dès 9 heures, à la réunion quotidienne de l'équipe de Trump à la Maison-Blanche, tous les portables se sont mis à clignoter, annonçant à chacun par message la décision de Mueller. C'était à la fois un émoi et une surprise mêlés à un soulagement, car c'est Manafort (ayant quitté l'équipe Trump en août 2016) qui était mis en cause et non le général Michael Flynn (ancien directeur du Conseil national de la sécurité), plus lié au président et à la Russie, et sur la touche, donc une plus grande source de révélations. Malgré les plaintes récurrentes de Trump contre cette enquête, ses avocats personnels l'ont convaincu que Mueller constitue pour lui juste un danger minime. L'un d'entre eux, Ty Cobb, a quand même pressé la Maison-Blanche de livrer rapidement les dossiers demandés par Mueller (qui mène une stratégie de mise en garde), avant une date butoir fixée à la fin de l'année.

L'enquête menée par le procureur spécial est encore à ses débuts, mais elle peut encore produire des bombes. Plusieurs collaborateurs de Trump, y compris Hope Hicks, sa directrice de communication, et Don McGahm, l'avocat officiel de la Maison-Blanche, ont été conviés à des réunions déjà fixées avec l'équipe de Mueller. Et ces rencontres peuvent orienter le procureur vers de nouvelles directions.
Lundi dernier aussi, il y a eu pour la Maison-Blanche la « surprise George Papadopoulos », un ancien conseiller en politique étrangère de Donald Trump, peu connu et dont personne ne soupçonnait que, depuis l'été dernier, il coopérait volontairement avec le procureur spécial Mueller. Aujourd'hui, il est considéré comme un « proactive cooperator », à comprendre un informateur qu'on a secrètement bardé d'écouteurs.

 

(Lire aussi : Qui est Papadopoulos, l'obscur conseiller de Trump au centre de l'affaire russe)

 

« Follow the money », comme pour Al Capone
Pour revenir à Manafort et son partenaire Gates, ils ont été accusés de blanchiment d'argent et de fraude sur les taxes. Pour cela, Mueller s'est basé sur des informations données par le Trésor américain, qui, parallèlement à ses fonctions d'argentier, est en charge de la gestion des budgets de tous les services sécuritaires du pays : du Secret Service au FBI. À noter qu'un adage en cours au pays de l'Oncle Sam dit : « Follow the money » ou suivez l'argent. On peut dire à ce propos, explique un analyste, que Mueller a bien suivi cette trace en utilisant aussi ce que l'on appelle le « Al Capone trap », le piège Al Capone : les autorités n'avaient pu arrêter le célèbre gangster de Chicago que grâce à ses fraudes fiscales et non pour ses crimes. Le toujours tiré à quatre épingles Manafort, et toujours prêt à vendre ses services de stratège, avait une grande présence dans les milieux interlopes postsoviétiques. Il avait récemment dépensé plus d'un million de dollars pour sa garde-robe, allant de pair avec son « life style » flamboyant.

 

(Lire aussi : USA : des Etats clés de l'élection 2016 visés par des pirates russes)

 

Ce style de vie est mentionné dans le texte de son inculpation, de même qu'il y est révélé qu'il a dépensé presque un million de dollars chez un marchand de tapis antiques, une somme similaire pour des paysagistes décorant sa maison dans les Hamptons (villégiature des super-riches) et un million trois cent mille dollars pour un éclairage automatisé. Tout cela puisé dans une fortune illégale s'élevant à 75 millions de dollars, alors qu'il jongle parallèlement avec un avoir de 136 millions de dollars. Et, il ne craignait pas d'étaler ce train de vie digne des « Rich and Famous ».

Le New York Times a mentionné que les agents du FBI qui avaient effectué des fouilles à son domicile ont photographié ses coûteux vêtements.
Légalement, Manafort risque ainsi des années de prison. Et, on se demande si, pour alléger sa peine, il est prêt à coopérer et tout avouer.
Enfin, dans ce contexte délétère, on se demande si le Parti républicain va réagir en demandant des comptes à Donald Trump... ou à la Russie ?

 

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