La police d'Istanbul a arrêté l'homme d'affaires et philanthrope turc Osman Kavala, figure majeure de la société civile, renforçant l'inquiétude quant à la situation des droits de l'Homme sous la présidence de Recep Tayyip Erdogan.
M. Kavala a été interpellé mercredi soir à sa descente d'avion à l'aéroport international Atatürk d'Istanbul par des policiers qui l'ont ensuite emmené au siège de la section antiterroriste, a indiqué jeudi à l'AFP son avocat, Me Ferat Cagil.
Me Cagil a indiqué ne pas connaître les raisons de cette arrestation, car "l'enquête est secrète". "Nous l'apprendrons quand il aura été auditionné", a ajouté l'avocat, précisant que sa garde à vue pourrait durer sept jours.
M. Kavala, né à Paris, a co-fondé l'une des plus grandes maisons d'édition turques, Iletisim Yayinlari, et préside l'ONG Kültür Anadolu (Culture Anatolie) qui œuvre à surmonter les différences au sein de la société turque à travers la culture et les arts.
Cette organisation s'est également efforcée de jeter des ponts entre la Turquie et l'Arménie, dont les relations sont quasi inexistantes en raison du différend qui les oppose sur la question du génocide arménien pendant la Première Guerre mondiale.
L'interpellation de cette figure incontournable de la société civile survient dans un contexte d'érosion des libertés en Turquie depuis la tentative de coup d'Etat du 15 juillet, suivie de purges massives.
La France s'est dite jeudi "préoccupée" par l'arrestation de M. Kavala, et a appelé au "respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, en particulier (de) la liberté d'expression".
(Lire aussi : "N'isolez pas la Turquie !", l'appel d'écrivains victimes de la répression)
Paris "attentif"
"La France, comme d'autres pays européens, coopère régulièrement avec M. Kavala, qui est un interlocuteur régulier de notre ambassade, et sera très attentive aux développements de cette affaire", a déclaré la porte-parole du Quai d'Orsay Agnès Romatet-Espagne.
Depuis le putsch avorté, plus de 50.000 personnes ont été arrêtées et plus de 100.000, en particulier des militaires, des magistrats et des enseignants, ont été limogées ou suspendues.
Ces purges visent les partisans présumés du prédicateur Fethullah Gülen, auquel Ankara impute le putsch manqué, mais ont également touché des opposants politiques du président Erdogan, des médias critiques et des militants des droits de l'Homme.
Ainsi, 11 défenseurs des droits de l'Homme, dont deux dirigeants d'Amnesty International, seront jugés à partir de mercredi pour des "activités terroristes". Cette affaire a notamment tendu les rapports entre la Turquie et l'Allemagne, dont un ressortissant figure parmi les prévenus.
Selon la presse turque, M. Kavala a été arrêté à son retour de Gaziantep, ville du sud-est de la Turquie où il se trouvait pour discuter d'un projet en partenariat avec l'Institut Goethe, un organisme visant à promouvoir la langue et la culture allemandes.
L'homme d'affaires est connu en Turquie pour son engagement en faveur du dialogue interculturel, qu'il s'efforce d'alimenter en organisant notamment des manifestations artistiques, comme des concerts ou des projections de films kurdes ou arméniens.
(Lire aussi : Le prix Vaclav Havel 2017 décerné à un magistrat turc emprisonné)
"Très troublant"
Car ce proche de Hrant Dink, un journaliste turc d'origine arménienne assassiné en 2007, a également fait sien le combat pour un dialogue entre Ankara et Erevan, qui se déchirent au sujet du massacre de centaines de milliers d'Arméniens sous l'Empire ottoman.
La Turquie récuse le terme de génocide pour les massacres de 1915/17, affirmant que les victimes, dans le cadre d'une guerre civile, aussi bien turques qu'arméniennes.
Richard Giragosian, directeur du Centre de recherches régionales (RSC), un institut indépendant à Erevan, décrit M. Kavala comme "un partenaire de longue date dans nos efforts visant à +normaliser+ les relations avec la Turquie". "Il a beaucoup contribué à la restauration d'églises et de monuments arméniens en Turquie", a-t-il indiqué à l'AFP.
Dans un tweet, Kati Piri, rapporteur sur la Turquie au Parlement européen, a qualifié la nouvelle de l'arrestation de l'homme d'affaires de "très troublante".
Andrew Gardner, chercheur pour Amnesty International en Turquie, a dénoncé sur Twitter "une nouvelle attaque contre la société civile en Turquie" et appelé à sa libération.
Pour mémoire
Reprise du procès des journalistes du journal d'opposition « Çumhuriyet »
M. Kavala a été interpellé mercredi soir à sa descente d'avion à l'aéroport international Atatürk d'Istanbul par des policiers qui l'ont ensuite...
commentaires (0)
Commenter