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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Israël parie sur l’échec de la réconciliation Fateh-Hamas

Alors que l'Autorité palestinienne va prendre le contrôle civil de Gaza dans les prochaines semaines, Israël tente de s'opposer à l'unité palestinienne sans heurter ses alliés, l'Égypte et les États-Unis.

Le Premier ministre palestinien saluant la foule à son arrivée à Gaza. Photo Reuters

Benjamin Netanyahu a déclaré mardi s'opposer à « toute forme de réconciliation dans laquelle l'organisation terroriste du Hamas ne rend pas les armes et ne cesse pas son combat pour la destruction d'Israël ». En résumant ainsi la ligne israélienne sur l'accord conclu le 12 octobre entre l'Autorité palestinienne (AP) et le Hamas, le Premier ministre israélien cherche à imposer ses conditions. Car même si l'accord entre les deux partis ne s'avance pas encore sur des questions aussi larges que le désarmement du Hamas, l'unité palestinienne ou le processus de paix, la possibilité d'une intégration du Hamas dans l'Autorité palestinienne fait grincer les dents en Israël. La ligne rouge est tracée : Israël tolère la réconciliation entre le Hamas et le Fateh seulement si le mouvement islamiste en sort considérablement affaibli. Le cabinet de sécurité israélien réclame le respect de plusieurs conditions avant d'accepter des négociations avec l'AP (et donc une légitimation de l'accord) : le désarmement du Hamas, sa reconnaissance de l'État d'Israël, la rupture de ses liens avec l'Iran, la libération de civils et la restitution des dépouilles mortelles de soldats israéliens, parmi d'autres. Autrement dit, que le Hamas renonce à une grande partie de son identité politique, qu'il se « fatehise » en quelque sorte.

Volontairement excessives, les exigences israéliennes reviennent à tenir une épée de Damoclès au-dessus du Fateh. Si l'AP reprend le contrôle de Gaza avec l'appui du Hamas, l'État hébreu pourra ainsi lui refuser tout soutien dans la gestion de l'enclave (dont les infrastructures dépendent en grande partie de la bonne volonté israélienne) ou de la Cisjordanie (occupée par Israël), menant possiblement à une détérioration des conditions de vie des Palestiniens. L'AP, pour rester un interlocuteur d'Israël, doit donc trouver un moyen de pousser le Hamas à accepter le désarmement des Brigades al-Qassam (le bras armé du Hamas). Pour le président palestinien, Mahmoud Abbas, c'est l'occasion rêvée de mettre le Hamas au pas. Mais même si le mouvement islamiste apparaît affaibli à Gaza, et qu'il a mis de l'eau dans son vin au cours de ces derniers mois – en témoigne la réécriture de sa Charte en des termes moins belliqueux vis-à-vis d'Israël –, la question des armes reste pour lui une ligne rouge non négociable.

Benjamin Netanyahu demande l'impossible au président palestinien, et espère ainsi faire capoter une réconciliation qui le priverait d'un argument de poids : utiliser le prétexte des divisions palestiniennes pour refuser d'avancer dans les négociations de paix. Au final, comme le résume un diplomate israélien dans un tweet : « Israël ne devrait pas s'opposer activement à l'accord, mais attendre qu'il s'effondre de lui-même. »
Si l'État juif semble, dans les faits, totalement opposé à l'accord de réconciliation, Daoud Kuttab, journaliste palestinien et ancien professeur à l'université de Princeton, tient à nuancer la situation. Pour lui, le futur des négociations pour la paix n'est pas totalement compromis par Israël. « Les conditions que Netanyahu a posées me font rire, ironise-t-il. Il menace de ne pas négocier avec l'AP si sa composition vient à inclure des membres du Hamas, ce qui est loin d'être acté. Mais les discussions de paix passent non pas par l'Autorité palestinienne, mais par l'OLP, dont la légitimité n'est pas visée directement par ces exigences. »

Les conditions posées par M. Netanyahu serviraient surtout à rassurer les conservateurs israéliens, qui, à l'image de Naftali Benett, ministre de l'Éducation, ont tiré à boulets rouges sur l'accord. D'après eux, le Hamas, libéré des contraintes de gestion, pourrait se concentrer sur son arsenal et la planification de nouvelles attaques. Mais si M. Netanyahu a durci son discours, il a déclaré officiellement qu'il ne « couperait pas les liens avec l'AP », dans une volonté de ne pas mener à une escalade trop soudaine des tensions.

 

(Lire aussi : L’accord Hamas / Fateh inquiète les Occidentaux)

 

 

La position israélienne est ainsi loin d'être aussi belliqueuse qu'en avril 2014. Dans un contexte différent, un accord de réconciliation entre le Hamas et le Fateh avait mené à une suspension des négociations entre le gouvernement Netanyahu et l'AP, quelque trois mois avant l'opération Bordure protectrice à Gaza, qui visait à affaiblir ou même anéantir le Hamas. Mais Benjamin Netanyahu doit prendre d'autres considérations en jeu aujourd'hui. D'abord l'affaiblissement politique du Hamas, sans avoir à lui faire la guerre, qui ne saurait lui déplaire. Mais aussi la position des autres acteurs, notamment les États-Unis et l'Égypte, qui tiennent à concrétiser l'accord de réconciliation. « Israël ne veut pas agir sans l'aval des Américains, explique Daoud Kuttab. Or, ces derniers voient une réconciliation palestinienne d'un bon œil, car elle permettrait de faciliter le plan de Donald Trump pour la paix. » Le président américain a promis à de nombreuses reprises de trouver « the best deal ever » pour calmer les tensions entre Israël et les Palestiniens. Des émissaires de la Maison-Blanche, dont Jason Greenblatt, l'avocat de Donald Trump, ainsi que Jared Kushner, son beau-fils, ont déjà effectué de nombreuses visites en Israël. Washington, soucieux de créer de bonnes conditions pour son plan de paix, ne souhaiterait donc pas une escalade des tensions.

L'Égypte, médiatrice entre le Hamas et l'Autorité palestinienne, pourrait également avoir influencé la position de M. Netanyahu. Le Times of Israël, dans un article du 13 octobre, explique que le dirigeant égyptien Abdel Fattah al-Sissi « veut signaler à toutes les nations arabes et musulmanes qu'il est le poids lourd arabe en ce qui concerne les Palestiniens ». L'accord de réconciliation entre les Palestiniens tiendrait particulièrement à cœur au président Sissi, qui s'opposait pourtant il y a quelques mois encore au Hamas. Et Israël, qui voit en lui un allié dans le combat contre l'islamisme, n'a pas intérêt à se mettre Le Caire sur le dos. Ainsi, il est probable qu'Israël ait décidé de ne pas outrepasser la volonté de ses deux alliés et de temporiser plutôt que d'attaquer l'accord de réconciliation de face.

 

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commentaires (2)

IL VA ESSAYER DE SEMER LA ZIZANIE ! ESPERONS QUE LES PALESTINIENS NE SE LAISSERONT PAS ALLER DANS LE JEU ISRAELIEN...

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 19, le 19 octobre 2017

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Commentaires (2)

  • IL VA ESSAYER DE SEMER LA ZIZANIE ! ESPERONS QUE LES PALESTINIENS NE SE LAISSERONT PAS ALLER DANS LE JEU ISRAELIEN...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 19, le 19 octobre 2017

  • Israël ainsi que l'Iran + Hezbollah-soi-disant "résistant": ces deux pays ne voudront jamais la paix, car ils perdront alors leur raison d'exister, de s'armer pour faire toutes sortes de guerres ici et là, et d'accuser tout le monde ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 55, le 19 octobre 2017

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