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À La Une - Irak

Au Kurdistan, l'euphorie du référendum cède la place à la déprime

"Chaque fois, dans l'histoire des Kurdes, les pays voisins ont empêché la réalisation de nos ambitions d'indépendance".

Les forces irakiennes avancent vers le centre de Kirkouk, le 16 octobre 2017. AFP / AHMAD AL-RUBAYE

"Ceux qui nous ont fait rêver d'un État kurde, nous ont abandonnés" : chez les Kurdes d'Irak, l'euphorie du référendum d'indépendance organisé il y a trois semaines par leur région autonome a laissé place à la déprime après la reprise de Kirkouk par Bagdad.

Les autorités centrales ont repris, sans quasiment combattre, à celles du Kurdistan, les gisements pétroliers de Kirkouk et autres positions dont les forces kurdes s'étaient emparées en 2014 dans des secteurs ne formant pas partie de leur région autonome.

Omar Mahmoud, un habitant de la ville de Kirkouk âgé de 41 ans, en veut tout particulièrement aux dirigeants kurdes: ses voisins, abandonnés sans protection dans le quartier kurde de Rhimaoua, ont dû "fuir parce qu'ils avaient trop peur". Les dirigeants kurdes qui ont appelé les peshmergas (combattants kurdes) à se retirer face aux troupes gouvernementales "devront être jugés et pas seulement écartés du pouvoir", martèle-t-il.

Les importantes ressources pétrolières de la province étaient les seules garantes de la viabilité d'un éventuel État kurde.

 

(Lire aussi : « Aujourd'hui, tout le monde nous a abandonnés », lance Soran en fuyant Kirkouk)

 

"Bénédiction de l'Iran et de la Turquie"
Il n'y a pas qu'à Kirkouk que les Kurdes sont "sous le choc". A Erbil, capitale du Kurdistan autonome, le coup est encore plus rude car il y a seulement trois semaines la ville était joyeuse. Les drapeaux, les banderoles en faveur du référendum sont toujours là, mais le cœur n'y est pas. Beaucoup de gens n'ont pas été au travail, et les rues, les marchés, les magasins d'habitude animés, sont vides.

Pour Sirwan Najem, 31 ans, qui tient une papeterie à Erbil, la reprise cette de Kirkouk par les forces gouvernementales irakiennes en quelques heures était "inattendue". Mais, dit-il à l'AFP, sans lâcher des yeux son téléviseur branché sur les informations, "dans l'histoire des Kurdes, les pays voisins ont à chaque fois empêché la réalisation de nos ambitions d'indépendance".

Après l'écrasante victoire du "oui" à la consultation du 25 septembre, Kamrane Ahmed, fonctionnaire de 47 ans à Erbil, imaginait que les Kurdes auraient bientôt un État. Mais lundi à Kirkouk, "il y a eu un coup d'État irakien avec la bénédiction et le soutien de l'Iran et de la Turquie". Aujourd'hui, il ne voit plus vers qui se tourner, si ce n'est "la communauté internationale qui doit maintenant aider le peuple kurde, reconnaître le référendum et travailler au retrait de l'armée" irakienne à Kirkouk.

C'est ce référendum organisé par le président du Kurdistan autonome Massoud Barzani qui a mis le feu aux poudres, estime de son côté Chaker al-Kaki, un résident kurde de la ville multicommunautaire de Khanaqine. Pour lui, le Kurdistan a fait "une erreur en organisant le référendum sans réfléchir aux conséquences".

 

(Lire aussi : Bagdad profite des divisions kurdes pour s'emparer de Kirkouk)

 

"Insulte faite aux Kurdes"
A Souleimaniyeh, deuxième ville du Kurdistan et fief de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) rival de Massoud Barzani, l'ambiance est aussi morne. La ville est traumatisée par l'arrivée lundi de dizaines de milliers de Kurdes ayant fui terrifiés Kirkouk dès l'entrée des troupes irakiennes.

Sazan Taoufiq, ingénieure agricole de 30 ans, avoue être "en pleine déprime" après cette "insulte faite à tous les Kurdes". Elle, en veut aux Américains. "Il y a quelques jours encore, ils étaient les alliés des Kurdes parce qu'ils avaient besoin d'eux face au groupe Etat islamique (EI), mais aujourd'hui, ils nous tournent le dos", lâche-t-elle.

Vendeur sur un marché de Souleimaniyeh, Hassan Mohammed, 52 ans, dit n'avoir "jamais été aussi désespéré". "L'Histoire des Kurdes en Irak est pleine de revers, Kirkouk en est un nouveau, énorme", a-t-il dit à l'AFP.

Pour Karoukh Omar, professeur dans un lycée, les responsables sont à chercher à l'intérieur même de la région autonome. "Cela fait des années que de nombreuses voix accusent les dirigeants kurdes d'accaparer le pouvoir politique et économique au profit personnel de familles au pouvoir".
"Ils ont été prévenus mais voilà où cela nous a mené, à la catastrophe", poursuit ce Kurde de 29 ans. "La direction kurde, telle qu'elle est composée aujourd'hui, ne peut rien apporter du tout au peuple kurde ou à sa cause".

Pour Mahmoud Othmane, ancien membre fondateur du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani, le projet d'indépendance, "est retardé pour le moment, car la situation ne s'y prête vraiment pas".
Tout ce qu'il souhaite aujourd'hui, c'est que "tout continue de façon pacifique".

 

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