Rien ne va plus entre l'Arabie saoudite et le Hezbollah. Depuis quelques semaines, une guerre verbale entre les deux parties s'est enclenchée et le ton est monté.
Dimanche dernier, les échanges ont même dépassé le traditionnel stade des accusations politiques pour en venir à une valse de diffamations de part et d'autre. Au moment où le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qualifiait le ministre d'État saoudien pour les Affaires du Golfe arabe, Thamer al-Sabhane, d'« un moins que rien », après un tweet de ce dernier qui se félicitait des sanctions américaines prévues contre le parti chiite, le responsable saoudien a riposté à son tour en affirmant en substance que lorsqu'une critique émane d'« un être inférieur », elle devient en fait un hommage rendu à celui à qui elle est adressée. Hassan Nasrallah a poussé le dédain jusqu'à affirmer qu'à travers les propos de M. Sabhane, qui préconisait une alliance internationale pour contrer le parti chiite, « l'Arabie saoudite a enfin reconnu que le Hezbollah est une force régionale ».
Tout le monde en convient : cette escalade verbale entre les deux adversaires ne peut être comprise que dans le contexte de la crise régionale qui oppose Téhéran à Riyad, par satellites interposés, un duel qui semble de plus en plus tourner en faveur du premier, du moins en Syrie. Face aux nouveaux équilibres qui se profilent dans la région, et la consolidation de l'axe irano-russo-syrien soutenant le régime de Damas, l'Arabie saoudite semble déterminée à jouer, aux côtés de l'administration américaine, la politique de l'endiguement de ce qu'elle considère être une impudente avancée de l'Iran dans la région.
Par conséquent, la guerre larvée que mènent actuellement Riad et le Hezbollah sur le terrain libanais ne serait qu'indirectement liée à la problématique libanaise puisqu'elle se situe au cœur du bras de fer régional.
« C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la visite qualifiée d'historique du roi Salmane d'Arabie saoudite jeudi dernier en Russie, principal allié de l'Iran en Syrie », commente le professeur et expert en géopolitique Talal Atrissi.
Cette rencontre avait été précédée d'une invitation adressée, il y a deux semaines, aux deux leaders chrétiens, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, et le chef des Kataëb, Samy Gemayel, qui tiennent, tous les deux, un discours virulent contre le Hezbollah et son implication dans les crises régionales.
Selon une source proche des Forces libanaises, cette rencontre doit être comprise sous l'angle de « l'ingérence grandissante » de l'Iran, via le Hezbollah, dans la région mais aussi au Liban, où le parti chiite « a désormais une mainmise sur le processus de décision ».
« Au Liban, cette ingérence s'est récemment manifestée par les tentatives persistantes de normalisation avec la Syrie, que ce soit par le biais de la visite de certains ministres du gouvernement à Damas, l'insistance pour une coordination avec l'armée syrienne durant les deux batailles du jurd ou, plus récemment, la campagne menée en faveur d'une synchronisation avec le régime syrien pour le retour des réfugiés », poursuit la source FL.
(Pour mémoire : Nasrallah accuse Riyad de vouloir semer la division au Liban et dans la région)
M. Atrissi va dans le même sens en expliquant qu'il s'agit pour Riyad de contre-attaquer pour rééquilibrer le rapport de force dans la région, principalement, mais au Liban également, « le seul pays de la région où l'Arabie saoudite espère encore pouvoir exercer une influence quelconque, ayant perdu du terrain en Syrie, en Irak, le Yémen s'étant entre-temps transformé en un véritable bourbier ».
Dans les milieux du Hezbollah, on place également la visite en août dernier du dignitaire irakien chiite Moqtada Sadr à Djeddah, où il a rencontré le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane, dans le cadre de cette stratégie saoudienne de contre-attaque. Cela faisait onze ans que le dignitaire chiite ne s'était pas rendu dans le royaume.
Présentée officiellement comme étant une tentative de « contrer les divisions sectaires dans la région arabo-islamique », cette rencontre « n'avait d'autres objectifs que d'attiser les divisions au sein de la communauté chiite, bien moins néfaste qu'un affrontement sunnito-chiite direct », précise une source proche du Hezbollah.
C'est également dans cette optique qu'il faut comprendre le troisième volet de la nouvelle approche stratégique saoudienne, « illustrée par les récents propos des responsables du royaume saoudien sur les intérêts objectifs que ce dernier aurait à se rapprocher d'Israël », commente M. Atrissi.
C'est ce qui aurait poussé le chef du Hezbollah à établir, dimanche dans son discours, un lien entre l'État hébreu et le royaume saoudien. « Derrière les massacres, les talibans, el-Qaëda et l'armée de-je-ne-sais-plus-qui au Pakistan, se cache l'Arabie saoudite, qui, avec Israël, représente un véritable danger pour la sécurité et la paix régionales », a-t-il dit.
L'Arabie saoudite sera-t-elle pour autant capable de changer la donne et les équilibres régionaux par le biais du Liban ?
« Difficilement », répond M. Atrissi, qui tient à rappeler que personne n'a intérêt à remettre en question l'entente politique interne, à leur tête les Forces libanaises qui, « pour la première fois, jouissent d'un rôle prépondérant au gouvernement ». Même le Premier ministre Saad Hariri, principal allié de l'Arabie saoudite, nommé à la faveur d'un compromis avec le Courant patriotique libre et le Hezbollah, n'a aucun intérêt, selon lui, à déstabiliser ce statu quo politique interne.
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Monsieur Hassan Nasrallah, votre turban noir indique votre importance religieuse, on s'adresse à vous en tant que "Sayyed" par respect et déférence. Nous, malheureusement, ce que nous entendons dans vos discours ne sont qu'attaques, invectives et menaces de guerres envers vos rivaux. La liste des conséquences néfastes de votre éternelle rivalité avec l'Arabie Séoudite est longue...très longue pour notre pays. Nous, Libanais, les problèmes de l'Iran, la Syrie, le Yémen et l'Irak ne nous concernent pas ! Monsieur Hassan Nasrallah, si vous pouviez utiliser toute votre énergie, ou même seulement une partie...pour améliorer la vie quotidienne des habitants des régions que vous "contrôlez" à Beyrouth et ailleurs au Liban ? Savez-vous combien de commerces ont fermé ces derniers temps ? Combien de familles sont dans une misère grandissante chaque jour ? Nous, Libanais chiites, sunnites, chrétiens, nous aimerions vivre dans un pays prospère et en paix ! En tant que "responsable religieux" vous devriez pouvoir comprendre cela...non ? Irène Saïd
15 h 26, le 10 octobre 2017