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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Les négociations entre la Turquie et l’Europe ont-elles encore un avenir ?

« Nous n'avons plus besoin de devenir membre de l'UE », a affirmé il y a quelques jours Erdogan.

Recep Tayyip Erdogan prononçant un discours lors d’un meeting de l’AKP le 3 octobre à Ankara. Adem Altan/AFP

Dire que la Turquie s'éloigne de l'Union européenne serait un euphémisme. Les relations entre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan et le Vieux Continent se détériorent depuis des années, mais elles sont au plus mal depuis la répression en 2013 des manifestations contre les travaux du parc Gezi à Istanbul d'abord, le putsch raté de juillet 2016 ensuite. Les purges qui ont suivi, touchant des dizaines, des centaines même de milliers de personnes, ont été vivement critiquées par la communauté internationale.

Près d'un million de personnes seraient directement ou indirectement touchées par ces limogeages, arrestations, détentions arbitraires ou confiscations de passeports. Le président turc balaie d'un revers de la main les accusations d'autoritarisme et dénonce à son tour l'attitude passive de l'Union européenne face à ce qu'il appelle le « terrorisme ».

Dimanche, lors d'une allocution au Parlement turc à Ankara, il est allé jusqu'à affirmer que son pays peut se passer de l'UE. « Nous n'avons plus besoin de devenir membre de l'UE, mais si l'UE voulait faire une avancée aujourd'hui, ce serait en autorisant l'accession de la Turquie (à l'UE) », a-t-il déclaré. « La seule voie vers la réalisation des nouveaux projets de l'UE passe par l'adhésion de la Turquie en tant que membre de plein droit. La Turquie est prête à aider ces initiatives et à contribuer au développement de l'Europe. Mais si l'UE choisit une autre voie, ce n'est pas un problème. La Turquie ne perdra rien et poursuivra son chemin », a également affirmé M. Erdogan. Et d'ajouter : « Les membres de l'UE figurent parmi les premiers pays dont l'assistance nous a beaucoup déçus. La Turquie est très préoccupée par la complaisance à l'égard du terrorisme des pays qui s'opposent à l'adhésion de la Turquie à l'UE. »

Le président turc n'appelle clairement pas à une rupture définitive, mais n'en écarte pas la possibilité non plus. L'éventualité est présente depuis un moment déjà, ayant été évoquée par plusieurs dirigeants, dont la chancelière allemande Angela Merkel début septembre. Depuis toujours réticente à cette adhésion, elle avait alors appelé à l'arrêt définitif des négociations sur l'adhésion de la Turquie à l'UE, en cours depuis douze ans. Ces échanges acerbes tombent mal, au moment où le président français Emmanuel Macron appelle à une Europe plus unie, plus forte.

 

(Lire aussi : Turquie-Allemagne : vers un accroissement des tensions après le scrutin ?)

 

Intérêt mutuel
Les déclarations du président Erdogan « peuvent paraître curieuses, mais elles reflètent tout à fait les ambiguïtés de l'état des relations turco-européennes », explique Jean Marcou, directeur des relations internationales de Sciences Po – Grenoble, et spécialiste de la Turquie. « Les deux protagonistes ont souvent insisté sur l'intérêt mutuel d'une poursuite de la candidature, accusant l'autre de n'en avoir pas pris la mesure ».

Car si les Européens affirment depuis des années que la Turquie s'éloigne des valeurs européennes, malgré une première impression d'ouverture à l'arrivée de l'AKP au pouvoir en 2001, le président Erdogan en veut – profondément – à l'UE, et multiplie depuis longtemps les discours au vitriol dans lesquels il lui reproche sa passivité face au « terrorisme » du PKK kurde (Parti des travailleurs du Kurdistan – séparatiste). Dans le contexte actuel, la position européenne, après le référendum kurde notamment, est difficile à défendre, pour le gouvernement Erdogan. « Depuis la tentative de coup d'État de juillet 2016, Ankara reproche aux Occidentaux de ne l'avoir pas aidé dans la neutralisation des putschistes. Dès lors, Recep Tayyip Erdogan accuse les Européens d'être sélectifs dans leur lutte contre le terrorisme, et de n'être intéressés que par la lutte contre Daech, présentant parallèlement la Turquie comme le pays qui combat tous les terrorismes », estime M. Marcou.

Plusieurs dossiers contribuent aux turbulences entre Ankara et l'UE : Chypre, les droits de l'homme en Turquie, la crise des migrants, etc. Pour plusieurs observateurs, l'adhésion de la Turquie à l'UE est condamnée depuis le début. Mais comme une désunion est impossible, et que l'interdépendance est indéniable, les dirigeants turcs et européens alternent menaces et propos conciliants. Le porte-parole et secrétaire général adjoint de la présidence turque, Ibrahim Kalin, a ainsi appelé il y a deux jours au respect mutuel et à un redémarrage des relations bilatérales. Il a également affirmé que l'adhésion à l'UE est un « objectif stratégique pour la Turquie, du point de vue politique, économique et sécuritaire ». Une sorte de « reset » devient impératif, si les deux camps veulent préserver leurs intérêts.

Il semble que l'UE devra composer avec la Turquie d'Erdogan, qui n'est plus celle avec laquelle l'UE a entamé des négociations il y a plus d'une décennie. De nouvelles décisions et mesures sont à prendre au plus vite pour sortir de l'impasse actuelle.

 

 

Pour mémoire

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Dire que la Turquie s'éloigne de l'Union européenne serait un euphémisme. Les relations entre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan et le Vieux Continent se détériorent depuis des années, mais elles sont au plus mal depuis la répression en 2013 des manifestations contre les travaux du parc Gezi à Istanbul d'abord, le putsch raté de juillet 2016 ensuite. Les purges qui ont suivi,...

commentaires (5)

La Turquie appartient à ces pays qui ne pourront jamais fonctionner « botom-up », autrement dit par la démocratie et le dialogue. Les dirigeants mènent le peuple par le clivage ethnique et s’appuient sur les dogmes divins profondément ancrés dans les esprits, pour conserver le pouvoir coute que coute même contre l’intérêt de leurs peuples souvent inconscient.

DAMMOUS Hanna

16 h 17, le 07 octobre 2017

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Commentaires (5)

  • La Turquie appartient à ces pays qui ne pourront jamais fonctionner « botom-up », autrement dit par la démocratie et le dialogue. Les dirigeants mènent le peuple par le clivage ethnique et s’appuient sur les dogmes divins profondément ancrés dans les esprits, pour conserver le pouvoir coute que coute même contre l’intérêt de leurs peuples souvent inconscient.

    DAMMOUS Hanna

    16 h 17, le 07 octobre 2017

  • AU JE QUITTE ON REPOND EN VERSANT UN SCEAU D,EAU FROIDE SUR LE DERRIERE ! PLUS GENTIL QU,UN COUP DE BOTTE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 49, le 06 octobre 2017

  • Même s'il y avait des affinités avec la culture européenne, il ne faut pas accepter l'accès de ce pays à l'UE. Erdogan n'est pas fiable Membre de l'OTAN il achète des S400 russes Un jour ile allié d'Israel, un autre jour il est son ennemi. Il était un ennemi juré de Bachar Al Assad, il cherche en devenir un ami avec l'appui de la Russie et de l'Iran, Il cherche à éliminer les kurdes comme la Turquie , par le passé, le grand génocide des armeniens et il est inutile d'ajouter comment il purge son pays de ses opposants Homme dangereux, ambitieux, loin des soucis de la région

    FAKHOURI

    16 h 43, le 06 octobre 2017

  • Pour adhérer à l'Europe il faut partager les mêmes valeurs (première condition non négociable) Le problème de la Turquie c'est que même les mots n'ont pas le même sens qu'en Europe ....Alors imaginez à quoi cela peut ressembler concernant les "valeurs" En plus de vingt ans j'ai répertorié des milliers de mots turcs qui n'avaient pas le même sens qu'en français malgré l'équivalence dans le dictionnaire! ça pose un gros problème ...en effet ! J'aurai souhaité une Turquie à visage humaine, consciencieuse, européenne ...et non pas celle qui est négationniste, arrogante, utilisant le chantage, les violences, les meurtres, et les menaces contre l'Europe ... "Cette" Turquie en Europe ? Peut-être dans quelques siècles

    Sarkis Serge Tateossian

    14 h 20, le 06 octobre 2017

  • en tous cas, C tant mieux pour l'EU. l'EU qui ne sait plus ou donner de la tete. 80 millions de turcs en plus aurait ete catastrophique

    Gaby SIOUFI

    10 h 11, le 06 octobre 2017

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