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À La Une - Reportage

Partir sans son père, la fuite amère d'une Syrienne de Raqqa

"Je peux tout vous raconter (à propos des exactions de l'EI), vous ne me croirez pas: des exécutions quotidiennes, des flagellations de femmes", se rappelle un voisin.

Des femmes et des enfants ayant fui le centre de Raqqa, en Syrie, le 26 septembre 2017. Photo AFP / BULENT KILIC

Pendant des années, Gharam Habbal et son père désespéraient de pouvoir échapper au joug du groupe jihadiste Etat islamique (EI) à Raqqa. Mais le jour où elle a enfin pu s'enfuir, il n'était pas à ses côtés.

Cette femme de 41 ans a fui mardi avec sa mère, son frère et sa famille la ville du nord de la Syrie en guerre, où se déroulent de terribles combats entre les forces antijihadistes et les derniers combattants de l'EI.
Mais dans leur maison quasi-détruite, ils ont laissé, sur un matelas, le corps sans vie du père tué juste la veille dans un bombardement.
"Il me disait 'c'est presque fini, c'est presque fini'. Et le jour où c'était vraiment fini, il est parti", raconte Gharam Habbal à l'AFP, la voix brisée, les yeux embués de larmes.

Ancienne "capitale" de l'EI en Syrie, Raqqa est le théâtre depuis juin de combats entre les jihadistes et les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde appuyée par les Etats-Unis.
La bataille a fait des centaines de morts parmi les civils et provoqué des destructions qui ont défiguré la ville.

Gharam Habbal a fui son quartier d'al-Nahda avec l'aide des FDS, qui ont transféré sa famille et des dizaines d'autres civils à une mosquée à Hawi al-Hawa, une banlieue à l'ouest de Raqqa.
Mais cette délivrance avait un goût très amer, après la disparition du père âgé.
Il est mort lundi. La famille venait de terminer le déjeuner et Gharam avait préparé le bain à son père, qui attendait au balcon qu'elle vienne le chercher.
"Il m'a dit de lui amener ses vêtements de l'intérieur et dès que l'ai quitté, il y a eu un bombardement", dit Gharam, un foulard fleuri rose et bleu encadrant son visage aux traits fins.

 

(Lire aussi : De retour à Raqqa, des habitants pleurent une ville totalement défigurée)

 

"Tu es en sécurité"
"Un tireur embusqué était positionné dans un immeuble de sept étages en face de nous. Deux obus l'ont touché et tout a explosé. Le souffle de la déflagration a secoué notre maison", ajoute-t-elle.
Son père a été couvert de gravats en provenance de l'immeuble adjacent. Un voisin l'a retiré, mais une heure plus tard, il était mort.

Mardi matin, Gharam est sortie voir s'il y avait des voisins qui pouvaient l'aider à enterrer son père.
Elle a entendu soudain des tirs, puis la voix d'une femme. Une combattante des FDS qui a pris position au quatrième étage d'un immeuble proche, l'appelait.
"Je suis montée et elle m'a dit 'n'aie pas peur, tu es en sécurité'. Puis elle m'a demandé de faire sortir autant de personnes possibles. "Mais nous avons laissé derrière nous le corps de mon père. Nous lui avons dit au revoir alors qu'il gisait sur le matelas".

A la mosquée de Hawi al-Hawa, un médecin du Croissant rouge kurde examinait sa maman traumatisée.
A un moment, la porte de la mosquée se referme brutalement et la vieille femme sursaute de peur. "Cette porte va me donner un arrêt cardiaque", grommelle-t-elle.

 

(Lire aussi : La « fin » de l’EI à Raqqa est proche, selon les forces soutenues par Washington)

 

"Vous ne me croirez pas"
Un autre médecin du Croissant rouge prenait la tension d'Ahmad Aqqad, le voisin qui a aidé a dégager son père des gravats et a fui avec sa famille.
Sitôt le médecin a le dos tourné, Ahmad, un homme grand de taille de 56 ans, allume avec plaisir une cigarette - bannie sous l'EI à Raqa.
"J'ai posé un baiser sur ce paquet. Je jure que je n'y crois pas encore", dit-il.

A Raqqa et dans d'autres régions de Syrie et d'Irak dont il s'était emparé en 2014, l'EI a imposé une interprétation radicale de la loi islamique sur des dizaines de milliers de civils.
Mais aujourd'hui, l'EI a perdu 90% de son ancienne "capitale".

"Je peux tout vous raconter (à propos des exactions de l'EI), vous ne me croirez pas: des exécutions quotidiennes, des flagellations de femmes", se rappelle Ahmad.
"Maintenant, je suis heureux du fond de mon cœur. Je n'arrive pas à croire que je suis là".

 

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DELIVRES DE BELZEBUTH ET DE SES DEMONS !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 57, le 28 septembre 2017

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  • DELIVRES DE BELZEBUTH ET DE SES DEMONS !

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    11 h 57, le 28 septembre 2017

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