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Moyen Orient et Monde - Syrie

De retour à Raqqa, des habitants pleurent une ville totalement défigurée

À Raqqa, un membre des Forces démocratiques syriennes est incrédule au milieu des ruines. Il peut à peine reconnaître sa ville complètement défigurée par plusieurs mois de combats. « Maintenant, il n’y a plus que des cadavres. Si vous ne savez pas pleurer, venez à Raqqa », dit-il, les larmes aux yeux. Bulent Kilic/AFP

À Raqqa, dans le nord de la Syrie, Bachar Hammoud est incrédule au milieu des ruines. Il peut à peine reconnaître sa ville complètement défigurée par plusieurs mois de combats contre les jihadistes du groupe État islamique.

Membre du bureau de presse des Forces démocratiques syriennes (FDS), cet homme de 26 ans au visage émacié avait l'air abasourdi, lundi, en entrant pour la première fois depuis plusieurs années dans le quartier détruit de Rmeila. « Je venais dans ce secteur tout le temps car mes oncles y vivaient et mon université était ici, raconte-t-il. Je ne sais même pas où nous sommes. Si je sors du véhicule maintenant, je ne saurai plus comment revenir. Tout a disparu. Je sais que nous sommes à Rmeila, mais où à Rmeila ? Aucune idée ! »

Toutes les habitations à deux étages dans le quartier libéré des jihadistes ont été réduites en ruines. Des combattants des FDS errent dans les rues pleines de décombres. Aucun civil n'est en vue. Lorsque le bruit d'explosions tonne après le passage de l'aviation non loin, le jeune homme fronce les sourcils. Sa maison familiale est située dans al-Maari, un quartier toujours aux mains de l'EI à quelque 500 m plus à l'ouest. Il n'y a plus remis les pieds depuis sa fuite de Raqqa en décembre 2014, après sa conquête par l'EI. « Qu'elle soit toujours debout ou détruite, mon seul souhait est de voir ma maison, mais je sais que le quartier n'a pas encore été libéré, dit-il. Mes camarades me disent que la libération est pour bientôt. Si ma maison est détruite, ce sera un choc pour moi. »

 

(Lire aussi : La « fin » de l’EI à Raqqa est proche, selon les forces soutenues par Washington)

 

Cent ans en arrière
Dix mois après le lancement de l'offensive pour chasser l'EI de Raqqa, sa « capitale » de facto en Syrie, les FDS contrôlent désormais 90 % de la ville.

Les combattants des FDS originaires de Raqqa sont choqués de voir que les habitants, ayant vécu sous le joug des jihadistes, désignent aujourd'hui les quartiers par des noms différents. Celui du secteur al-Houkouma (gouvernement en arabe) est devenu al-Hikma (sagesse). La mosquée al-Bassel, du nom du frère aîné du président Bachar el-Assad, a changé en al-Nour. Et, des plus connus, le rond-point al-Naïm, où l'EI procédait aux décapitations et crucifixions, est appelé maintenant al-Jahim, ou le rond-point de l'enfer.

À l'entrée est de la ville, Bachar Hammoud pointe du doigt deux larges drapeaux : l'un des FDS et l'autre des YPG – les Unités de protection du peuple kurde. « Il y avait auparavant un grand drapeau noir avec la phrase que tout le monde connaît, ''L'État islamique en Irak et en Syrie''. Maintenant, regardez le drapeau des FDS. Les couleurs reviennent à Raqqa », dit-il. Néanmoins, il reste « choqué ». Le quartier autrefois animé de Rmeila est mort. « Les magasins sont vides. C'est comme si on était revenu 100 ans en arrière », juge-t-il.

 

(Lire aussi : Sur le front de Raqqa, des combattants se languissent de leur dulcinée)

 

 

La « fiancée de l'Euphrate »
Contrairement à Bachar Hammoud, Khaled, qui a refusé de donner son nom de famille, raconte avoir pu revoir ce qu'il restait de sa maison dans le quartier d'al-Dariya. Ce combattant de 39 ans, originaire de la province voisine d'Alep, passait durant son enfance ses vacances d'été à Raqqa, où il a rencontré sa femme qu'il a épousée en 2005. « Raqqa était la fiancée de l'Euphrate », dit Khaled, décrivant avec nostalgie les nuits passées sur les bords du fleuve avec ses amis. Il a fui Raqqa, avec femme et enfants, en 2014 aussi.

Ce n'est que la semaine dernière qu'il a pu entrer dans son quartier. « Ce n'est pas mon quartier. J'ai été voir ma maison. Ce n'est pas ma maison », dit-il. Khaled n'a pas eu le cœur de raconter ce qu'il a vu à sa femme, qui a passé toute sa vie à al-Dariya. « Je lui ai dit que la maison était toujours là, que nos affaires étaient à leur place, nos photos accrochées aux murs. J'ai dit que Dieu avait protégé notre maison », poursuit-il, disant préférer qu'elle « vive dans ce mensonge ».
« Maintenant, il n'y a plus que des cadavres. Si vous ne savez pas pleurer, venez à Raqqa », conclut Khaled.

 

 

 

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