Rechercher
Rechercher

Liban - Aïn Najm

L’installation de la haute tension aérienne en mode pause

À la demande de l'Église maronite, les réunions se multiplient entre le ministère de l'Énergie et les habitants de Aïn Najm pour trouver une issue à la crise.

Sur les hauteurs de Fanar, un projet d’habitations également menacé par la haute tension. Photo Anne-Marie El-HAGE

Dans un modeste appartement du complexe de logements populaires maronites, sur le flanc d'une colline de Fanar, trois habitantes rentrent tout juste de la mobilisation organisée le matin même par les résidents de la région de Aïn Najm/Aïn Saadé contre l'installation de câbles aériens de haute tension. Banna Chaar, Ola Andari Freyha et Dalal Melhem ont réussi pour l'heure à interrompre l'avancée des travaux, avec l'ensemble des habitants mobilisés et le soutien du curé de la paroisse de Aïn Saadé, le père Charbel Massaad. Ces mères de famille vivent désormais au rythme des mobilisations souvent improvisées. Mais que leur réservent les jours à venir ?

 

(Lire aussi : Lignes à haute tension dans le Metn : Gemayel et Kanaan pour des câbles souterrains)

 

 

À 20 mètres au-dessus de leur tête
Dans l'attente, elles montrent inlassablement du doigt ces câbles de haute tension installés depuis une semaine environ, qui surplombent le petit immeuble où deux d'entre elles habitent depuis de nombreuses années, 15 ans pour l'une, 11 pour l'autre. Pire encore, ces lignes passent directement au-dessus de la terrasse de Mme Chaar, mère de 4 enfants. « Nous sommes directement exposés au champ magnétique. Sans parler des risques d'électrocution si le câble venait à se rompre au-dessus de notre terrasse », déplore-t-elle. La jeune femme et son époux n'avaient pas les moyens de devenir propriétaires. Ils ont « fait confiance au patriarcat maronite » et acheté leur appartement de 120 mètres carrés alors qu'il n'y avait pas encore de route carrossable. « Nous n'étions pas au courant que la haute tension devait passer par là. Rien n'était mentionné sur notre titre foncier », affirme-t-elle. Cette enseignante a, depuis, multiplié les recherches sur internet. Elle énumère les études mettant en garde contre les risques de la haute tension aérienne, « les risques de leucémie, d'anomalies du fœtus chez la femme enceinte notamment, dans un périmètre de 200 mètres ». « Or nous sommes à 20 mètres à peine. Nous encourons de graves risques », assure-t-elle.
Tout ce que réclament ces trois femmes, c'est que la haute tension soit installée sous terre. « On parle de nous dédommager, mais je n'imagine pas ma vie ailleurs. Et puis les enfants sont heureux ici, dans ce voisinage paisible, à quelques minutes de leur école », lance Ola. « De quel dédommagement parle-t-on, alors que le prix des terrains a dramatiquement baissé depuis l'installation de la haute tension aérienne ? » demande sa voisine, dubitative.

À une centaine de mètres de là, à proximité de la Sagesse High School, les ouvriers d'EDL sirotent le café avec les membres des forces de l'ordre mobilisés en nombre impressionnant (FSI, brigade antiémeute, ambulance, véhicules). Sous l'un des deux pylônes voisins de haute tension, des équipements attendent d'être installés. Çà et là, des câbles pendent aux arbres. Le travail a visiblement été interrompu. Il s'agissait hier de raccorder le câble principal au pylône installé dans la vallée de Aïn Najm. « Nous ne pouvons fâcher le patriarcat maronite et Mgr Boulos Matar (archevêque maronite de Beyrouth) qui a demandé l'arrêt momentané des travaux pour permettre le dialogue. Nous reprendrons l'installation très bientôt », assure l'entrepreneur. Deux membres de la brigade antiémeute expliquent leur présence par la nécessité « de protéger les ouvriers et les équipements en cas d'agression ou de volonté délibérée de saccager les installations ». Mais ils se défendent de toucher au moindre cheveu des manifestants mobilisés contre la haute tension. « Jamais », promettent-ils.

 

 

(Lire aussi : « Non au chantage, oui au dialogue », répond l’État aux habitants de Aïn Najm)

 

Ibrahim Kanaan, médiateur
Contacté par L'Orient-Le Jour, le père Charbel Massaad se veut rassurant. Non seulement fait-il part de « sa solidarité avec les habitants qui ont besoin de soutien, avec la bénédiction de Mgr Matar », mais il annonce une « interruption provisoire des travaux d'installation pour permettre le dialogue ». « Je suis descendu dans la rue aux côtés des habitants en colère. J'ai demandé que cessent les travaux d'installation, car les câbles doivent passer par des terrains appartenant au patriarcat maronite. L'autorisation de Mgr Matar était nécessaire. J'ai alors discuté avec le colonel Nidal Rammal, en charge de la situation sur le terrain. Il a été très compréhensif. » Le père Massaad est soucieux de calmer les choses. « Les habitants de la région sont à bout de nerfs. Ils ont besoin d'être entendus, observe-t-il. Les habitants de Aïn Najm s'expriment au nom de tous ceux qui résident dans des zones concernées par la haute tension. » Et dans le cadre du dialogue promis, il fait part de la tenue d'une réunion hier après-midi entre les habitants et le père Dany Ephrem, d'une part, et le député Ibrahim Kanaan et des représentants des autorités, d'autre part. « Nous espérons que soient apportées des modifications au projet », souligne le père Massaad, insistant sur la responsabilité de « l'État qui ne devait pas accorder de permis de construire sur les terrains traversés par la haute tension ».

Le conseiller du ministre de l'Énergie, Ghassan Khoury, confirme ces promesses. « Nous avons répondu par la positive à la demande de Mgr Matar d'interrompre les travaux l'espace de quelques jours pour donner sa chance au dialogue. » M. Khoury constate en revanche que les résidents ne parlent pas tous d'une même voix. « Certains demandent que la haute tension soit installée en souterrain. D'autres veulent à tout prix quitter la région et réclament d'être indemnisés. Il y a enfin les interventions politiques », observe-t-il. Les propos du conseiller du ministre Abi Khalil se veulent plus modérés : « Même si nous exécutons une décision du Conseil des ministres, notre objectif n'est pas de nuire aux habitants, mais de leur fournir de l'électricité. Nous avons la responsabilité de les protéger. »

Place au dialogue donc durant les prochains jours entre le ministère de l'Énergie et consorts et les habitants soutenus par l'Église maronite. « Quoi qu'il en soit, cette ligne est une nécessité pour fournir le courant électrique », soutient Ghassan Khoury. Son installation devra donc être poursuivie, « d'une manière ou d'une autre ». La solution souterraine serait-elle désormais envisagée ? 

 

Lire aussi

La mobilisation s’organise contre la haute tension aérienne à Aïn Najm, les habitants dans la rue

À Aïn Najm, EDL poursuit l’installation de câbles à haute tension malgré les protestations

 

Pour mémoire

Câbles à haute tension : les habitants du Metn accusent le gouvernement de louvoyer

S. Gemayel : Nous ferons face à l’installation, par la force, des câbles à haute tension

Les habitants de Aïn Najm accusent le cabinet de se livrer à « une opération d’exil forcé »

Dans un modeste appartement du complexe de logements populaires maronites, sur le flanc d'une colline de Fanar, trois habitantes rentrent tout juste de la mobilisation organisée le matin même par les résidents de la région de Aïn Najm/Aïn Saadé contre l'installation de câbles aériens de haute tension. Banna Chaar, Ola Andari Freyha et Dalal Melhem ont réussi pour l'heure à interrompre...

commentaires (2)

AERIENNE OU SOUTERRAINE ELLE DEVRAIT PASSER LOIN DES HABITATIONS...

MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

10 h 16, le 20 septembre 2017

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • AERIENNE OU SOUTERRAINE ELLE DEVRAIT PASSER LOIN DES HABITATIONS...

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    10 h 16, le 20 septembre 2017

  • Si l'on considère que que la mise en danger de la santé des consommateurs est avérée. Les indemnisations peuvent être évaluées à plusieurs centaines de milliers de dollars par immeubles. On arrive allègrement au cout de l'enfouissement de ces câbles selon les normes de sécurité en vigueur pour le transport de l'énergie électrique. (en mode Souterraine) La solution est trouvée

    Sarkis Serge Tateossian

    18 h 52, le 19 septembre 2017

Retour en haut