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Liban - Nouvelles taxations

Le Conseil constitutionnel se penche aujourd’hui sur le recours en invalidation présenté par les Kataëb

Les nouvelles mesures fiscales pourraient être gelées, le temps pour l'organisme de contrôle des lois de trancher, dans un délai d'un mois.

Samy Gemayel, chef du parti Kataëb, présentant le recours en invalidation contre les nouvelles mesures fiscales. Photo Nasser Traboulsi

Le parti Kataëb, mené par son chef, le député Samy Gemayel, a présenté hier un recours en invalidation auprès du Conseil constitutionnel contre la loi 45 du 21 août 2017, qui adopte une série de mesures fiscales pour financer la nouvelle échelle des salaires des fonctionnaires.

Pour ce faire, le parti d'opposition a réussi à rassembler, bien avant l'échéance du délai requis de 15 jours, les dix signatures nécessaires de parlementaires, celles des cinq députés du bloc des Kataëb : Samy Gemayel, Nadim Gemayel, Samer Saadé, Élie Marouni, Fady Habre, et celles de cinq autres députés qui ont signé le recours à titre personnel et non pas en leur qualité de représentants de partis ou de groupes parlementaires : Dory Chamoun, Khaled Daher, Boutros Harb, Salim Karam et Fouad el-Saad.

La demande a été personnellement remise par le chef du parti au greffier du Conseil constitutionnel. Samy Gemayel était accompagné dans sa démarche par le député Samer Saadé et sa conseillère juridique, Lara Saadé. Le Conseil constitutionnel doit en principe se réunir ce matin pour l'examen du dossier, sachant « qu'il bénéficie d'un mois pour rendre son verdict », comme l'explique à L'Orient-Le Jour l'ancien ministre Salim Sayegh, deuxième vice-président du parti. Mais, dans l'attente du verdict final, « il doit élire un rapporteur qui sera chargé de mener les recherches juridiques nécessaires et de rédiger un rapport », indique Mme Saadé à L'OLJ. « Il peut aussi prendre la décision de geler l'application de la nouvelle taxation, dans l'attente de la décision finale », dit-elle. Car « le parti Kataëb a demandé la suspension immédiate de l'application des mesures fiscales, afin que les contribuables ne soient pas lésés, au cas où le recours en invalidation est accepté ultérieurement ».

 

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Trois violations de la Constitution
Le recours du parti Kataëb repose sur « trois arguments » faisant part de « violations » de la Constitution, au niveau du fond et de la forme, explique Mme Saadé. D'abord, « la loi adoptant la nouvelle taxation est en violation de l'article 36 de la Constitution ». Elle concerne « le processus de vote des lois qui doit être public ». Chaque député doit donc être nommément appelé avant de faire part de son vote à haute voix. Or « ce processus n'a pas été respecté lors du vote », constate la conseillère, qui précise que le recours en invalidation a été « accompagné d'un document additionnel, comportant l'enregistrement vidéo de la séance parlementaire, en guise de preuve ».

Le deuxième argument fait état de « l'opposition des mesures fiscales nouvellement adoptées à l'article 83 de la Constitution, qui évoque les principes généraux du budget ». L'article insiste sur la « non-spécificité des taxes ». Il est donc « anticonstitutionnel d'adopter une taxation destinée à financer une dépense particulière ». De même, il est anticonstitutionnel « d'adopter une nouvelle taxation pour financer la nouvelle grille des salaires ». Enfin, la nouvelle taxation « va à l'encontre du préambule de la Constitution qui garantit l'égalité de tous devant les taxes et la justice sociale et économique ». « En imposant une double taxation aux professions libérales, les mesures fiscales violent le principe d'égalité entre les contribuables », conclut Mme Saadé.

Sur base de ces trois arguments, le parti Kataëb, soutenu par un groupe d'avocats, réclame aujourd'hui la révision de la totalité de la loi sur les nouvelles mesures fiscales. « Ce recours devrait normalement marcher dans une première étape et quant à la forme pour geler la mise en œuvre des textes, estime Salim Sayegh. Il n'y a aucune raison que cette mesure conservatoire, prise d'urgence par le Conseil constitutionnel pour la sauvegarde du droit des contribuables, ne soit pas adoptée. » Quant à la décision finale du Conseil constitutionnel, M. Sayegh se veut « réaliste ». « Il s'agit d'une bataille constitutionnelle, légale et juridique, où s'entremêlent la politique et le droit », observe-t-il. Faisant part de sa « conviction profonde de l'indépendance des juges », l'ancien ministre fait remarquer que les membres du Conseil constitutionnel sont « amenés à contextualiser les dossiers sur lesquels ils travaillent, contourner aussi parfois la règle stricte, poussés par la nécessité de préserver l'État ». « Mais les possibilités sont réelles (que le recours en invalidation soit accepté), d'autant que nous avons considéré toutes les hypothèses possibles », soutient ce professeur de droit.

 

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Des changements d'impôts extérieurs au budget
De son côté, un constitutionnaliste qui requiert l'anonymat constate amèrement : « Nous vivons dans un pays sans aucune norme. Nous corrigeons les infractions en commettant d'autres infractions. » « Cela ne peut plus marcher, affirme-t-il. Il faut revenir à l'ABC de la Constitution. » Commentant l'adoption des nouvelles mesures fiscales, il se dit « particulièrement gêné par de tels changements dans les impôts en dehors du budget annuel ». « Le budget n'a toujours pas été approuvé, sous prétexte que nous n'avons pas de bilan des comptes, déplore-t-il. Or, comment un État sans budget peut-il prétendre lutter contre la corruption ? » Il dénonce enfin « le manque de courage », voire « l'irresponsabilité » de certains députés, « qui ont critiqué le texte de loi juste après l'avoir adopté, et qui veulent arrondir les angles sur des problèmes de droits fondamentaux ». Or, pour garantir les droits des travailleurs et des contribuables, il « faut respecter les normes constitutionnelles ». Le Conseil constitutionnel décidera-t-il d'invalider la loi sur les nouvelles taxations ?

 

 

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Le Conseil constitutionnel devrait également être saisi pour invalider le limogeage inconstitutionnel du juge Chucri Sader.

Paul-René Safa

10 h 52, le 31 août 2017

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Commentaires (1)

  • Le Conseil constitutionnel devrait également être saisi pour invalider le limogeage inconstitutionnel du juge Chucri Sader.

    Paul-René Safa

    10 h 52, le 31 août 2017

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