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Liban - Journée internationale des disparus

« Nous envions ceux qui peuvent enterrer leurs enfants », lance le comité des familles de disparus au Liban

Neuf mois après le décès de Ghazi Aad, les familles ressentent toujours très fort le vide qu'a laissé celui qui a porté leur cause devant les instances locales et internationales jusqu'à son dernier souffle.

Au Liban, le sort de plus de 17 000 personnes disparues reste encore inconnu.

« Ghazi nous a laissés orphelins ! Depuis son décès, nous sommes perdus. Nous ne savons pas quoi faire ni à qui nous adresser ! » Naheel Chehwane ne cache pas son amertume, encore moins sa colère. À l'occasion de la Journée internationale des personnes disparues, fixée au 30 août, elle ne peut que constater le vide que Ghazi Aad, porte-parole de Solide (Soutien aux Libanais en détention et en exil), a laissé après son décès le 16 novembre dernier. « Nous nous trouvons dans une confusion totale, nous ne savons pas vers qui nous tourner, martèle-t-elle. Le jour de ses funérailles, ils étaient nombreux à promettre de poursuivre dans sa voie. Promesses creuses. Nous sommes seuls. »

Père de quatre enfants et époux de Naheel, Kozhaya Chehwane a disparu le 12 juillet 1980, à l'âge de 28 ans. Il a été enlevé sur les lieux de son travail à l'usine de Selaata par des agents des services de renseignements syriens et transféré à leur poste de Chekka, puis à la prison de Mazzé, en Syrie. Furieuse, Naheel Chehwane reprend : « Je présente mes condoléances aux familles des militaires otages du groupe État islamique et des victimes qui sont tombées au cours de trois dernières années dans l'indifférence de l'État. S'il ne s'était pas soucié de ses soldats, il va se préoccuper de nous ? Notre attente dure depuis plus de trente ans. Je souhaite que l'État ouvre des canaux avec la Syrie rien que pour connaître le sort des disparus dans les prisons syriennes. Des épouses attendent leur conjoint, des enfants leur père et des mères leurs enfants. C'est notre plus grande souffrance ! »

 

(Pour mémoire : Trois expositions pour mettre en relief les cas des disparus de la guerre du Liban)

 

La vérité est mieux que l'ignorance
Rabiha Riachi ne peut pas cacher sa tristesse. Un sanglot lui noue la gorge. À l'autre bout du fil, on sent ses larmes couler. Son époux, Toni, a disparu le 31 août 1985, à l'âge de 27 ans, avec son frère Georges, 31 ans, et leur cousin Mansour, 35 ans, sur la route menant à l'aéroport. « C'est la vie de trois familles qui a été détruite en un instant », confie-t-elle.

À la veille de l'anniversaire de leur disparition, elle ne peut pas s'empêcher, elle aussi, de penser à Ghazi Aad. « Il nous manque énormément, avoue-t-elle. Avec sa mort, la cause a perdu de son poids. Ghazi portait ce dossier qui a besoin de personnes déterminées, solides, libres dans leur façon de penser et qui n'ont aucun suivisme. C'est ce qu'il était. C'était le seul être humain capable de nous aimer plus que quiconque, parce qu'il se souciait de notre cause et de notre souffrance. Il savait gérer le dossier, ce que nous sommes incapables de faire. Actuellement, nous sommes perdus et personne ne se soucie de nous. »

Revenant sur le dossier des militaires otages de l'EI, Rabiha assure que les familles des victimes des disparitions forcées sont les plus à même de connaître les souffrances de ces parents. « Ils attendaient leur retour, mais ils ont été abasourdis par la mauvaise nouvelle, lance-t-elle. Toutefois, la vérité, aussi dure soit-elle, est mieux que l'ignorance. Pour moi, le temps s'est arrêté le jour de la disparition de Toni. Jusqu'à présent, j'espère son retour. C'est le seul espoir qui me permet de poursuivre ma vie. En cette Journée internationale des disparus, j'aimerais que tout le monde élève la voix pour que la lumière soit faite sur le dossier. Et si les responsables détiennent des informations concernant nos disparus, qu'ils les partagent avec nous sans crainte. Nous sommes capables de tout accepter, sauf cette obscurité dans laquelle nous vivons. »

 

(Pour mémoire : Un livre et des expositions pour ne pas oublier les disparus de la guerre du Liban)

 

 

Compléter la banque d'ADN
Aujourd'hui, le comité des familles de personnes kidnappées ou disparues au Liban avait prévu de « lancer une chanson née de la souffrance des familles des victimes de disparition forcée, mais qui porte aussi un message d'espoir ». « Elle a aussi pour objectif de sensibiliser l'opinion publique à la cause des victimes de disparition forcée, explique Wadad Halawani, présidente du comité. Vu les derniers développements, notamment en ce qui concerne le dossier des otages militaires, nous avons reporté l'événement à la semaine prochaine. La chanson s'applique d'ailleurs à leur cause également, puisque l'attente et la douleur sont les mêmes. Ce dont nous témoignons aujourd'hui est un exercice pour nous. Toutefois, malgré leur douleur, au moins ces familles sont fixées sur le sort de leurs enfants. En tant que familles de disparus, nous avons atteint le stade d'envier les gens qui peuvent enterrer leurs enfants. »

En cette journée, Wadad Halawani réitère son appel à la signature de la pétition réclamant la vérité sur le sort des milliers de victimes de disparition forcée. Elle rappelle aussi la nécessité de collecter l'ADN des parents, qui s'éteignent les uns après les autres.

Même son de cloche chez Ghassan Moukheiber, rapporteur de la commission parlementaire des Droits de l'homme. Suivant le dossier depuis plusieurs années, il se dit ainsi « engagé à s'assurer que ce dossier soit clos comme il se doit, c'est-à-dire que la lumière soit faite sur le sort de toute personne disparue en Syrie et au Liban, quels que soient les criminels qui ont kidnappé et causé la mort de milliers de Libanais depuis le début de la guerre en 1975 et jusqu'à aujourd'hui ».
Pour ce faire, le parlementaire insiste sur la nécessité de « compléter la banque d'ADN, puisque les proches des victimes sont en train de disparaître avec le temps ». « Un projet dans ce sens est en cours avec le Comité international de la Croix-Rouge, explique-t-il. Le gouvernement est appelé à signer avec ce comité un protocole dans ce sens. De plus, l'État devrait mettre en place une commission permanente spécialisée qui sera chargée du dossier. »

Il rappelle que la commission parlementaire des Droits de l'homme avait approuvé un texte de loi qui a fusionné deux propositions déposées dans ce sens par le député Ziad Kadri et lui-même, et un autre par le député Hekmat Dib. « Le président de la commission parlementaire de l'Administration et de la Justice a désormais la responsabilité d'inscrire ce texte à l'ordre du jour de sa commission le plus tôt possible, note-t-il. Trop de temps est passé et trop de fautes ont été commises par l'État. Il est temps, maintenant que l'État a montré un sérieux sans précédent pour les militaires de l'armée, qu'un effort similaire soit fait pour ce dossier. »
Et de conclure : « Hélas, avec le décès de Ghazi Aad, une grande locomotive de cette cause s'est arrêtée, mais d'autres vont prendre la relève. Je m'engage à continuer le chemin, jusqu'à aboutir à l'objectif pour lequel nous œuvrons depuis des dizaines d'années. »

 

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commentaires (2)

Demandez au Hezbollah de vous aidez par l'intermédiaire de Mr Bachar el Assad

Eleni Caridopoulou

21 h 47, le 23 avril 2018

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Commentaires (2)

  • Demandez au Hezbollah de vous aidez par l'intermédiaire de Mr Bachar el Assad

    Eleni Caridopoulou

    21 h 47, le 23 avril 2018

  • POURQUOI L,ETAT ET MEME LE HEZBOLLAH NE S,OCCUPENT-ILS PAS DE CETTE AFFAIRE QUI CONCERNE DES CENTAINES DE LIBANAIS ENLEVES ET DISPARUS DANS LES GEOLES SYRIENNES ? POURQUOI LE CHEF DE L,ETAT N,INTERVIENT-IL PAS PUISQUE LA PLUPART SONT DE SES SOLDATS QUAND IL ETAIT CHEF DE L,ARMEE, LES UNS MASSACRES ET LES AUTRES ENLEVES ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 16, le 30 août 2017

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