« Mon fils m'a demandé de le soutenir et je ferai cela jusqu'au bout », confie d'emblée Hussein Youssef, père du soldat Mohammad Youssef, otage du groupe État islamique depuis le 2 août 2014. Il fait allusion à une vidéo où son fils et les autres militaires paraissent, deux semaines après leur enlèvement par les miliciens de l'EI. Dans cet enregistrement, son fils l'appelait à ne pas l'oublier. Hussein Youssef et sa famille prenaient hier leur dîner devant les tentes de la place Riad el-Solh, où les parents des otages avaient entamé un sit-in en août 2014. « Je garde mon espoir en Dieu. Je sais qu'Il ne me laissera pas tomber », s'écrie la mère de Mohammad Youssef, Souad, assise à côté de son mari. La famille est originaire de Madoukha, un hameau de Rachaya el-Wadi.
Le 2 août 2014, lors des combats opposant l'armée aux fondamentalistes à Ersal, 26 soldats et policiers avaient été pris en otages par les miliciens de l'EI et le Front al-Nosra de l'époque. Trois d'entre eux avaient été exécutés durant les semaines qui avaient suivi leur enlèvement. Le Front al-Nosra a relâché ses otages en décembre 2015, alors que l'EI détient toujours neuf militaires. Il s'agit de Mohammad Youssef, Ali el-Masri, Ali Hajj Hassan, Hussein Ammar, Khaled Mokbel Hassan, Seif Zebyan, Moustapha Wehbé, Abderrahim Diab et Ibrahim Mgheit.
Hussein Youssef a l'air grave. Il a les yeux tristes, les traits durs et le visage émacié. Il dément les rumeurs ayant circulé samedi et selon lesquelles des corps ont été ensevelis dans le jurd de Ersal dans une fosse commune et pourraient être ceux des militaires libanais enlevés il y a trois ans. « Cette rumeur fait surface par intermittence depuis l'année dernière, et ceux qui la véhiculent citent un milicien de l'EI détenu par l'armée », explique-t-il.
Samedi également, le directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, qui avait mené des négociations pour la libération des militaires, a également démenti les rumeurs, appelant la presse à « rester loin des analyses et ne pas jouer avec les sentiments de la population ».
(Diaporama : L'opération "L'aube des jurd" en images)
Des familles dans l'indigence
« Je suis venue aujourd'hui avec Ghinwa, la femme de Mohammad, et leur fils pour tenir compagnie à mon mari. Vous savez, les parents des détenus ne viennent plus comme avant au centre-ville... Ça coûte cher de se rendre à Beyrouth. Il faut compter 100 dollars la journée. Il y a le prix de la voiture et des aliments qu'on achète pour manger. Samedi, après la rumeur, nous avons appelé deux mamans pour qu'elles viennent au centre-ville, affaire de montrer que nous sommes toujours mobilisés. Mais toutes les deux n'ont plus les moyens financiers et la force physique pour se rendre dans la capitale », explique Souad Youssef. « Nous attendons depuis trois ans et dix-neuf jours. Et, chaque jour pour moi est long comme une année. J'espère que Dieu entende mes prières, qu'Il ne me laissera pas tomber », répète-t-elle comme pour se donner courage.
Ghinwa, la femme de Mohammad Youssef, raconte : « J'ai vu mon mari, la dernière fois, il y a deux ans et sept mois. À cette époque, les négociations allaient bon train. Je m'étais rendue avec ma belle-mère dans le jurd de Ersal. J'avais porté à Mohammad des vêtements pour l'hiver. Il était confiant. Il m'avait dit qu'il sera relâché dans une semaine... Et puis, plus rien. Nous n'avons plus eu aucune nouvelle depuis. Nous sommes remontés ensuite douze fois dans le jurd de Ersal. En vain. Notre contact changeait tout le temps d'avis à la dernière minute. »
Il n'y a plus aucune nouvelle des militaires otages du groupe État islamique depuis deux ans et sept mois. « Avant cela, ils nous parlaient parfois au téléphone, nous envoyaient des messages WhatsApp », rapporte Hussein Youssef, le regard perdu dans le vide.
Son petit-fils porte son nom. Le petit Hussein avait deux mois et demi quand son père a été enlevé. Aujourd'hui, le garçon a un peu plus de trois ans. Il porte les cheveux longs. La famille a fait une sorte de vœu, comme une promesse pour conjurer le mauvais sort. « Nous ne lui avons pas coupé les cheveux. Son père le fera quand il reviendra », explique l'épouse de Mohammad Youssef.
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14 h 09, le 23 août 2017