« Il n'y a aucune crainte pour la livre libanaise, l'impact des sanctions américaines est amplifié pour être utilisé comme un moyen de pression, et le montage financier visait à injecter des liquidités sur le marché »... Autant d'affirmations rassurantes du gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, à l'heure où, sciemment ou non, des rumeurs insistantes sur un possible effondrement de la situation financière circulent dans le pays.
Dans son bureau au siège de la BDL, le seul à connaître de l'animation, après les horaires de travail officiels, Riad Salamé est difficile à déstabiliser. Il connaît bien ses dossiers... et ses responsabilités. C'est avec beaucoup de confiance qu'il répond aux questions de la délégation de l'ordre des rédacteurs, présidée par Élias Aoun, soucieuse de lui transmettre les inquiétudes de la population, surtout après les prédictions catastrophiques qui se sont multipliées après l'adoption de la nouvelle grille des salaires et de ses sources de financement.
Avec la sagesse qui est devenue sa caractéristique dans cette fonction qu'il occupe depuis août 1993 (il vient d'être reconduit pour six nouvelles années), Riad Salamé refuse de se laisser entraîner dans des polémiques ou de glisser vers la politique. Il se considère comme un technicien sur les épaules duquel repose la stabilité financière du pays. Il assume cette responsabilité avec calme, sans état d'âme apparent, uniquement soucieux de rassurer les Libanais, tout en reconnaissant les failles du système économique.
Riad Salamé commence par préciser que, contrairement à de nombreux pays autour de lui, le Liban bénéficie aujourd'hui d'une stabilité financière, en dépit de la baisse des prix du pétrole qui a un impact sur les virements des Libanais qui travaillent à l'étranger. Selon lui, la plus importante réalisation, dans ce sens, c'est la stabilité des intérêts (entre 6 et 7 %), alors que, dans des pays comme l'Égypte et la Turquie, ils ont augmenté (12 % en Turquie et 22 % en Égypte), car, sinon, ce serait un coût supplémentaire pour le secteur privé et un handicap pour la compétitivité du Liban. Pour M. Salamé, le maintien des intérêts à leur taux actuel est une priorité, qui exige aussi une réduction du déficit budgétaire.
« Plus le déficit augmente, dit-il, et plus cela affaiblit le Liban et provoquerait une hausse des intérêts. » Il rappelle à cet égard que le déficit cette année est de 4,6 milliards de dollars. Si cela continue l'an prochain, sans augmenter, cela signifiera qu'en deux ans la dette publique aura augmenté de neuf milliards. Ce qui est énorme.
Selon lui, l'adoption de la nouvelle échelle des salaires devrait détendre les marchés, car, grâce à elle, 5,2 % du PIB est passé du secteur privé à l'État pour réduire le déficit du budget. L'économie libanaise repose en grande partie sur les virements des Libanais installés à l'étranger. Et tant que ceux-ci auront confiance dans le secteur financier, leurs virements se poursuivront. Ce qui permettra au Liban de financer les besoins qui exigent l'utilisation de monnaies étrangères (l'importation du pétrole et d'autres produits en général).
M. Salamé explique aussi que la hausse du déficit signifierait que l'État a besoin d'un plus important financement, or c'est difficile aujourd'hui de trouver de nouveaux financiers avec l'augmentation de la compétition. De plus en plus de pays dans la région s'introduisent sur le marché pour contracter des dettes. C'est notamment le cas des pays pétroliers qui émettent désormais des bons du Trésor pour s'endetter auprès du marché financier. Autre élément négatif, la baisse des virements des Libanais dans les pays du Golfe et en Afrique en raison de la baisse des prix du pétrole et la régression des monnaies africaines.
(Pour mémoire : De-risking et sanctions : Salamé réclame des garde-fous)
La croissance
M. Salamé affirme qu'il essaie, avec les banques, de trouver des solutions aux problèmes qui entravent la croissance économique. La présence des déplacés syriens est certainement un facteur négatif, ainsi que l'instabilité qui règne dans la région, mais il y a aussi des problèmes internes auxquels on peut trouver des solutions. « Nous essayons par exemple, dit le gouverneur, de relancer le secteur immobilier qui connaît actuellement une période de stagnation, en acceptant le remboursement d'une partie des dettes par des biens immobiliers, tout en maintenant des taux d'intérêt réduits sur les crédits immobiliers... »
Selon lui, la politique actuelle est d'encourager les secteurs de production, pour augmenter la capacité d'exportation du Liban. « Nous avons émis des circulaires pour encourager les industriels à l'exportation, tout en augmentant les prêts subventionnés, à travers plusieurs programmes. La durée du prêt peut atteindre 19 ans, ce qui maintient les liquidités sur le marché... Il y a aujourd'hui près de 130 000 crédits immobiliers sur le marché, qui ont permis à de nombreuses familles de devenir propriétaires de leurs appartements. Nous avons aussi des programmes d'incitation pour les petites et moyennes entreprises, ainsi que pour des projets environnementaux et ceux sur les énergies renouvelables. Nous voulons aussi encourager le secteur artistique. Mais il faut rappeler que la Banque centrale initie les projets, mais ce sont les banques qui les financent », note-t-il.
M. Salamé insiste aussi sur l'économie du savoir numérique, qui a connu un grand essor au cours des trois dernières années, au point que le Liban est devenu le numéro deux des pays arabes dans ce secteur. Il est même convaincu que, très bientôt, le Liban occupera la première place, devançant Dubaï, car il a les compétences humaines. Ce secteur a créé des centaines de sociétés et des milliers d'emplois. Il ajoute que le nouveau mandat, avec le président Aoun et le Premier ministre Hariri, cherche à réaliser des projets dans l'infrastructure. Ce qui devrait augmenter la croissance prévue à 5,2 %.
Il rappelle que, comme le Liban utilise des monnaies étrangères dans ses transactions, il doit donc respecter les lois en vigueur dans ces pays.
Au sujet des informations qui circulent sur la mauvaise situation économique du pays, surtout après la visite de Saad Hariri aux États-Unis, le gouverneur répond que ces rumeurs ne sont pas innocentes. Elles ne sont pas nouvelles non plus. « Mais pourquoi les reprendre maintenant, demande-t-il ? Je crois qu'il s'agit là de politiques précises de la part de certains lobbies qui veulent que le Liban se débatte dans des crises pour engranger des bénéfices... » M. Salamé n'en dit pas plus.
Au sujet des nouvelles sanctions américaines contre le Hezbollah, il précise qu'en 2015 la loi américaine a été publiée et le Liban l'a appliquée en 2016, après l'adoption d'un mécanisme précis. Les banques libanaises ont suivi les directives de la BDL. Tout en affirmant qu'il est certain que moins il y a de lois, mieux c'est, il déclare que l'impact des sanctions est amplifié pour exercer des pressions morales, mais le marché ne répond pas à ces tentatives.
« La loi est certes dure pour le Liban, et elle complique les procédures, mais il n'y aura pas d'impact supplémentaire. Si l'administration américaine a des doutes, elle pourra demander des informations sur des fonds appartenant à des responsables du Hezbollah ou des sympathisants de cette formation », dit-il. Selon lui, même si le Congrès écoute les Libanais, en définitive, il ne tient compte que de l'opinion publique américaine. Mais si le Liban décide de ne pas répondre aux demandes américaines, il devra assumer les responsabilités qui en découleraient. Il ne peut pas se couper du reste du monde...
Au sujet des montages financiers qu'il a réalisés au profit de certaines banques, le gouverneur sourit et répond avec une grande franchise que le but de l'opération était d'introduire des fonds qui ont profité à l'ensemble du secteur bancaire. Il rappelle qu'à cette époque, les dépôts dans les banques avaient baissé, et cela s'est passé alors que le Liban traversait une période politique de vacance présidentielle et de paralysie gouvernementale et parlementaire. Il y avait donc deux options : soit augmenter les intérêts, soit adopter ce procédé, qui a permis d'augmenter les liquidités sur le marché, tout en relevant les dépôts de la BDL. Toutes les banques y ont participé, chacune proportionnellement à son importance.
Lire aussi
Taux d’intérêt : la nouvelle acrobatie de Salamé
commentaires (9)
Avec la sécurité vient la bonne marche économique !! COMME LA SÉCURITÉ ON L'A PAS ENCORE ALORS C'EST LE PREDIENT DE LA BDL QUI SAUVE CET ÉCONOMIE MIS À PLAT PAR LES DIFFÉRENTES EPOPES MILITAIRE DE CERTAINS PARTIES ARMEE PENSANT QUE C'EST GRÂCE À EUX QUE L'ÉCONOMIE VAS BIEN HAHA !! On a tous été témoins des milliards qui sont partie en syrie du Liban oui oui rappelez vous bien en 2005 !!
Bery tus
15 h 43, le 18 août 2017