La panoplie habituelle du frimeur local – grosse cylindrée noire, vitres fumées noires, lunettes noires et barbe de clochard chic de la même couleur guillerette – ne saurait être complète sans l'adjonction d'un smartphone noir anthracite encore plus riant, affublé d'un numéro idiot du style 111111 ou, mieux encore, 000000.
Le Libanais est sans doute le seul bipède au monde à accepter de payer jusqu'à 5 000 dollars pour s'approprier ce genre de numéro imbécile. Et le Basileus, notre actuel ministre du Dehors qui exerçait naguère ses talents aux télécoms, était en ce temps le seul ministre au monde à avoir cerné la bêtise naturelle de certains de ses compatriotes pour siphonner un peu de pognon au profit du Trésor public. Chapeau ! Dès le départ, il avait déjà appris le métier...
En ces temps préélectoraux où les programmes politiques s'apparentent au vide intersidéral, il est toujours bon de gaver le vulgum pecus. Au Liban, on pouvait jusque-là engraisser l'électeur de deux façons : directement par le flouze à l'entrée des bureaux de vote ; indirectement par les services rendus, notamment en fourguant à l'administration un taré de sa famille. L'État bananier vient d'en inventer deux autres : augmenter les salaires des fonctionnaires pour récompenser ceux qui n'en fichent pas une rame ; caresser les frimeurs dans le sens du cellulaire en leur proposant des tarifs sacrifiés.
Tarifs sacrifiés, faut le dire vite, vu que la majorité des réductions ne porte que sur les numéros « spécial indigène » payés entre 2 000 et 5 000 boules. La seule baisse effective serait finalement celle de la carte prépayée. Mais ici, le conditionnel est de rigueur parce que cette baisse ne concerne que les cartes nouvellement achetées. Et comme le tarif des cartes de recharge n'a pas bougé, l'usager gonflé d'espoir de payer moins cher ses communications pourra toujours se brosser.
Bref, une combine à la libanaise basée pour l'essentiel sur l'esbroufe et les effets d'annonce. Au lieu de privatiser les réseaux du téléphone pour les ouvrir à la concurrence, on continue de ruminer le concept débile comme quoi c'est le « pétrole du Liban », alors que c'est le portefeuille de l'usager qui est pompé.
À quelques jours de l'Adha, les moutons sont ainsi admirablement farcis...
gabynasr@lorientlejour.com
Le Libanais est sans doute le seul bipède au monde à...
commentaires (6)
Gaby!! Excellente et triste analyse du libanais dans son vivarium!! Merci, merci et encore merci
Wlek Sanferlou
18 h 21, le 11 août 2017