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À La Une - PORTRAIT

Luisa Ortega, une chaviste historique devenue adversaire de Maduro

La procureure générale du Venezuela a été limogée samedi par la nouvelle Constituante. 

La procureure générale du Venezuela Luisa Ortega a été limogée samedi par la nouvelle Constituante. REUTERS/Ueslei Marcelino

Limogée sèchement samedi par la toute nouvelle Constituante, la procureure générale du Venezuela Luisa Ortega est devenue ces derniers mois une opposante de poids à Nicolas Maduro, n'hésitant pas à exprimer tout haut les critiques de certains chavistes contre le chef de l'Etat.

Elle a élevé la voix une première fois le 31 mars, dénonçant une "rupture de l'ordre constitutionnel" après la décision de la Cour suprême (TSJ) de s'arroger les pouvoirs du Parlement, seule institution contrôlée par l'opposition. Cette décision du TSJ a été l'étincelle d'une vague de protestations qui a fait plus de 120 morts en quatre mois, bien qu'elle ait été annulée 48 heures plus tard.

Depuis, la procureure n'a cessé de décocher ses flèches, contestant l'impartialité des magistrats du TSJ tout en critiquant l'armée, pilier du pouvoir du président, pour son recours à la violence contre les manifestants anti-gouvernementaux.

Elle n'a pas hésité non plus à critiquer directement le chef de l'Etat pour son projet de réforme de la Constitution à travers l'élection le 30 juillet d'une Constituante dotée de pouvoirs illimités et dominée par ses partisans.

Qualifiée de "traîtresse" dans son propre camp, cette blonde et élégante avocate de 59 ans originaire de l'Etat d'Aragua (nord), sans enfants, a toujours été de gauche.

Accompagnant Hugo Chavez dans sa campagne présidentielle de 1998, elle a ensuite gravi les échelons jusqu'à être élue puis réélue procureure générale par le Parlement, alors contrôlé par les chavistes.

Au-delà de ses convictions chavistes, c'est aussi "une personne avec beaucoup de trempe, courageuse et honnête", qui "affronterait n'importe quel (obstacle) pour défendre ses valeurs", avait confié récemment à l'AFP son mari depuis 18 ans, German Ferrer, lui-même député chaviste. 

Sa réaction à son renvoi ne s'est d'ailleurs pas faite attendre: "Je ne reconnais pas ces décisions (...) parce qu'elles vont à l'encontre de la Constitution et de la loi", a-t-elle lancé, dénonçant "un coup d'Etat contre la Constitution" mené par le gouvernement de M. Maduro.

Les prises de position de Mme Ortega ont montré que Nicolas Maduro, même s'il contrôle la quasi-totalité des institutions depuis son élection en 2013, ne fait pas l'unanimité dans ses propres rangs.

 

(Pour mémoire : La Constituante inaugurée, malgré le rejet de l'opposition)

 

 

"Les divisions existent"

Pour le politologue Nicmer Evans, lui aussi chaviste critique, Luisa Ortega "représente le chavisme digne, démocratique, face aux prétentions totalitaires du madurisme".

Au fil des mois, elle est ainsi devenue la voix des chavistes critiques de Maduro. Début juin, un autre chaviste historique, le général à la retraite Alexis Lopez, a démissionné de son poste de secrétaire du Conseil de défense de la nation pour exprimer son désaccord avec le président.

D'autres ex-ministres ou anciens gradés s'étaient dits opposés à la réforme de la Constitution, perçue par les adversaires de M. Maduro comme une manoeuvre pour s'accrocher au pouvoir.

Même si l'armée continue d'afficher publiquement son soutien au régime, les experts n'écartent plus de possibles fissures dans l'institution, qui dispose d'un énorme pouvoir politique et économique au Venezuela. "Les divisions existent. Il y a des factions", estime l'experte en questions militaires Rocio San Miguel.
Et "la Constituante est l'excuse parfaite pour un repositionnement entre ceux qui disent défendre l'héritage de Chavez et ceux qui sont désormais plus fidèles à Maduro".

Réputée disciplinée et ferme de caractère, Luisa Ortega a commencé à perdre la foi dans le gouvernement socialiste en 2016 car elle désapprouvait les arrestations de certains opposants, a expliqué son mari à l'AFP.

Son franc-parler avait irrité dans son camp, poussant un député socialiste, Pedro Carreño, à exiger son limogeage pour "démence", le gel de ses biens et une interdiction de quitter le pays. Nicolas Maduro lui-même voyait en elle une nouvelle "leader de l'opposition", l'accusant d'"extrémisme" et lui prêtant "l'intention d'être candidate à la présidentielle" pour la coalition de l'opposition.

Avant son limogeage, l'analyste Félix Seijas avait estimé que Luisa Ortega pourrait constituer un "pont" entre la frange critique du chavisme et l'opposition, un moyen de relancer enfin le dialogue entre les deux camps, gelé depuis fin 2016. Une hypothèse aujourd'hui fortement compromise.

 

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