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Nos Lecteurs ont la Parole - par Souha TARRAF

Ô mon pays-chimère !

Ce sont des photos-images que je capte instinctivement, en passant, à travers les lieux de ce pays meurtri. Il y a son ciel bien sûr, si beau en automne-hiver, et il est universel.
Et puis il y a ces façades, si communes, celles de la survie et du quotidien ; ces paquets de câbles électriques-relais de générateurs pour assurer du « jus » quand EDL déleste, c'est-à-dire toutes les 4 ou 6 heures selon un rite devenu immuable et en toute saison, sur l'échelle de 24 heures. À tel point qu'au-delà des promesses régulières (à chaque nouveau ministre de l'Énergie arrivant à son beau bureau) et discours ronflants, s'il n'y a pas de coupure du courant, nous sommes perdus, nous ne comprenons pas ce qui va nous arriver. Le ciel nous tomberait-il sur la tête ?! Nous sommes « addict » aux délestages et doubles factures de toutes sortes : électricité, eau, téléphone...
Nous vivons dans un entre-deux permanent et la stabilité est pour nous une contrée inconnue, presque crainte ! Nous autres, citoyens libanais, (em)portons ce pays sur nos épaules, nos cœurs, nos corps, et là, ce n'est pas qu'une image ! Le Liban survit grâce à nous autres, ponctionnés de partout... Notre plus grand malheur est de n'avoir jamais su nous unir par-delà nos différences – nous nous croyons uniques mais tous les peuples sont traversés de différences culturelles, linguistiques, religieuses et de niveau de vie ! – pour faire un pays et rejeter ces mafieux qui nous gouvernent, nous ponctionnent, nous sucent jusqu'au sang. Les rejeter posément, clairement, civilement, par les urnes. Mais non, nous sommes vils : nous les vénérons. Viscéralement et malgré toutes nos dénégations : que nous soyons simples ouvriers ou fonctionnaires, avocats ou enseignants, de toutes les régions de ce minuscule pays-coin du monde, nous vouons une admiration sans bornes à ces familles de zouama-mafieux qui nous écrasent, les anciennes comme les nouvelles. Nous n'avons pas le courage de notre liberté, notre dignité.
Je revois ces photos prises hier dans le quartier-port de Mina près de Tripoli. J'y comprends la volonté de survie des gens, ces citoyens ordinaires ballottés de guerres en « crises » diverses (de formation d'un gouvernement, d'élections repoussées, de mode de scrutin électoral, de déchets, etc., etc.). J'y lis l'instinct de survie qui traverse les générations, face à la mafia politico-financière qui ne cesse de ponctionner (au double sens économique et médical de prélèvement) toujours plus, toujours plus, toujours plus profond des personnes et entreprises qu'elle a transformées en ses « obligés ».
J'y comprends un « Liban des gens » qui saisit les moindres possibilités de lumière, de moment heureux sans penser à demain. Parce que demain, qui sait ? On ne cesse de nous balancer la possibilité du « chaos », on est juste à son bord depuis je ne sais plus quand.
J'y ressens un attachement profond à un « être chez soi », ce sentiment de confort à plusieurs échelles qui peut aller des mètres carrés de sa modeste chambre, de son appartement ou de sa grande maison, à son quartier, sa mosquée ou son église, ses (autres) lieux de promenade, de ciné, etc., sa ville, sa région... son pays.
Ô mon pays-chimère.

 

Ce sont des photos-images que je capte instinctivement, en passant, à travers les lieux de ce pays meurtri. Il y a son ciel bien sûr, si beau en automne-hiver, et il est universel.Et puis il y a ces façades, si communes, celles de la survie et du quotidien ; ces paquets de câbles électriques-relais de générateurs pour assurer du « jus » quand EDL déleste, c'est-à-dire toutes les 4 ou...

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