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Liban - Parlement

Consensus politique pour intégrer l’échelle des salaires au projet de budget

Le report de l'adoption de la grille désormais inévitable ; les organismes économiques mettent en garde contre des mesures qui risquent d'accentuer le marasme.

Les organismes économiques ont présenté hier au Premier ministre un mémorandum contenant leurs remarques sur l'échelle des salaires et le projet de budget.

Ce n'est pas sans appréhension que la réunion parlementaire qui planchera à partir de ce matin sur la très délicate question de la nouvelle grille des salaires dans le secteur public est suivie dans les milieux économiques, mais aussi populaires.

Au bout d'une longue journée émaillée de nombreuses réunions, un consensus a fini par être dégagé pour en reporter l'approbation, juste le temps que la commission parlementaire des Finances termine l'examen du projet de budget. Les deux seraient votés en même temps, afin d'éviter des faux pas, vers le début du mois d'août au plus tard. Ce délai sera dans le même temps mis à profit pour dégager une entente sur d'autres points qui posent problème, notamment un éventuel élargissement de l'éventail des bénéficiaires, souhaité notamment par Amal et le Hezbollah, qui désirent faire bénéficier les militaires à la retraite mais aussi d'anciens fonctionnaires des avantages que leurs collègues actifs obtiendront. Une telle démarche fera cependant sauter le coût de la grille au-dessus de la barre des 1 200 milliards de livres, initialement prévue, et risque de malmener sérieusement les finances publiques. Un autre problème est celui de la clôture des comptes qui doit impérativement précéder l'adoption du projet de budget et que le ministère des Finances n'est pas en mesure de présenter dans des délais relativement courts au Parlement.

Le courant du Futur, le CPL, le PSP et les Forces libanaises restent convaincus que la nouvelle échelle des salaires doit faire partie intégrante du projet de budget 2017, dans la mesure où les recettes prévues pour la financer sont énumérées dans le texte actuellement sous étude en commission des Finances, et qu'il est nécessaire d'avoir une idée exacte de l'état des finances publiques, en termes de dépenses et de recettes, avant de décider de majorer les salaires au sein de l'administration.

L'ensemble de ces points a fait l'objet de réunions, à Baabda, au ministère des Finances, ainsi qu'au Sérail où les représentants des principaux blocs politiques se sont retrouvés en fin d'après-midi autour du Premier ministre Saad Hariri. Étaient présents les ministres des Finances, Ali Hassan Khalil (Amal) et des Télécommunications, Jamal Jarrah (courant du Futur), le président de la commission parlementaire des Finances, Ibrahim Kanaan (CPL), ainsi que les députés Georges Adwan (Forces libanaises), Ali Fayad (Hezbollah) et Akram Chehayeb (PSP). Ces réunions auraient contribué à rapprocher les points de vue autour de la nécessité d'une intégration de la grille des salaires dans le projet de budget. Le report de l'adoption est ainsi devenu inévitable, mais les blocs politiques se sont gardés de l'annoncer, en attendant que le président de la Chambre, férocement attaché à une approbation de la grille, soit informé des considérations qui dictent le report. Le flou artistique entretenu par le député Ibrahim Kanaan, au terme de la réunion, était on ne peut plus éloquent. Devant l'insistance d'un journaliste souhaitant savoir si la grille des salaires allait être votée aujourd'hui, le parlementaire a répondu : « J'ai bien dit que nous nous orientons vers l'approbation de la grille. »

 

(Lire aussi : Divisions persistantes autour de la grille des salaires)

 

Renforcer les incitants
Aucun des participants à la réunion n'a d'ailleurs assuré que le vote aura lieu aujourd'hui ou demain. « Nous pouvons dire que nous sommes dans la phase finale d'une entente presque complète sur l'échelle des salaires, qui va nous permettre d'aller demain (aujourd'hui) au Parlement pour l'examiner de manière positive », a indiqué à son tour le ministre des Finances, à qui la même question était posée. Lui aussi s'est gardé de parler de vote. « Je suis très optimiste, compte tenu du climat de la réunion et des positions des blocs », a-t-il avancé laconiquement.

Aucun des participants à la réunion n'a voulu en outre répondre aux questions relatives au nouveau train de taxes et d'impôts qui inquiètent au plus haut point les organismes économiques, en raison de leur impact négatif sur l'activité économique dans le pays, surtout si l'éventail des bénéficiaires de la nouvelle grille des salaires est élargi.

Plus tôt dans la journée, le Premier ministre avait reçu une délégation des organismes économiques, présidée par l'ancien ministre Adnane Kassar, qui lui a remis un mémorandum élaboré par ces derniers au terme d'une réunion extraordinaire qu'ils ont tenue au siège de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Beyrouth et du Mont-Liban. Les organismes économiques s'inquiètent surtout d'une politique improvisée qui risque d'accentuer la crise économique, et les Libanais appréhendent des mesures fiscales qui rogneraient davantage leur pouvoir d'achat et accentueraient leurs difficultés socio-économiques.

Dans leur mémorandum, les organismes économiques ont estimé que « la priorité aujourd'hui devrait être de stimuler l'économie et non pas d'augmenter les taxes sur une économie en crise », en insistant sur le fait que « le nouveau budget devrait être transparent et équilibré ». « Les dépenses ne devraient pas être supérieures aux revenus », ont-ils souligné avant de plaider en faveur d'un « véritable processus de réforme pour lutter contre la corruption qui a envahi tous les départements » étatiques. « Les premières étapes de la réforme devraient être la lutte contre l'évasion fiscale et l'activation de la collecte des factures et des frais non payés, ce qui protégerait l'économie nationale », ont souligné les organismes économiques.
« Le gouvernement devrait lancer un plan économique et renforcer les incitants qui vont permettre d'activer l'économie et de relever les taux de croissance. Tel est le bon moyen de revitaliser l'économie nationale, d'arrêter la fermeture des institutions privées et de créer de nouvelles possibilités d'emploi pour les Libanais », selon le mémorandum dans lequel les organismes économiques s'opposent à « l'augmentation des impôts proposée ». « Celle-ci ne devrait pas être approuvée, car elle aura des répercussions négatives sur la situation économique libanaise : elle accentuera la pression sur les institutions privées qui souffrent de conditions difficiles et affectera une grande partie des travailleurs, ce qui pourrait créer une crise difficile à surmonter », ont-ils averti.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la commission des Finances a déjà avalisé une série de nouvelles taxes, dont le relèvement d'un point de la TVA qui passera à 11 %, l'augmentation des taxes sur les produits alcoolisés importés ou encore sur les produits du tabac. Il était aussi question d'une hausse de deux points de l'impôt sur les bénéfices des sociétés de capitaux (à 17 %) et de celui sur les intérêts bancaires (à 7 %), mais il n'est pas dit qu'elle sera retenue. Selon le député Ibrahim Kanaan, la grille des salaires sera financée grâce à des économies faites à travers des coupes effectuées dans les budgets de certains ministères.

L'histoire ne dit pas comment l'État envisagera de la financer si jamais il est question de faire bénéficier les fonctionnaires et militaires à la retraite des majorations envisagées. Ces derniers semblent déterminés à obtenir gain de cause, forts de l'appui qu'ils ont obtenu du mouvement Amal notamment. Les retraités de l'armée ont organisé un sit-in hier dans plusieurs secteurs de la capitale. Menaçant d'escalade, ils ont réclamé l'adoption du projet de la loi amendant l'article 79 de la loi de la défense nationale avant l'adoption de la grille des salaires, ce qui leur permettrait d'être inclus parmi les bénéficiaires.
Les manifestants ont lancé leur mobilisation au jardin Sanayeh avant de poursuivre leur sit-in devant le siège de la Banque du Liban. Ils ont ensuite coupé la rue des Banques, à proximité du ministère des Finances, dans le centre-ville de Beyrouth.

 

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