Le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé samedi le principal parti d'opposition de se ranger du côté des "terroristes" avec sa "Marche pour la justice" entamée le 15 juin pour protester contre l'incarcération d'un député.
L'initiateur de ce mouvement, le chef du Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kiliçdaroglu, avançant sans insigne partisane et avec "Justice" comme seul mot d'ordre, a rallié une foule croissante, de plusieurs milliers de personnes ces derniers jours.
La marche de plus de 400 km, qui est partie de la capitale Ankara, doit se terminer le 9 juillet par un rassemblement géant à Maltepe près d'Istanbul, devant la prison où est incarcéré depuis le 14 juin Enis Berberoglu, un député CHP condamné à 25 ans de prison pour avoir dévoilé des secrets d'Etat.
"Si vous commencez des manifestations pour protéger les terroristes et ceux qui les soutiennent alors qu'il ne vous vient pas à l'esprit de faire des manifestations contre les organisations terroristes, vous ne pourrez convaincre personne que votre objectif est la justice", a lancé samedi M. Erdogan à l'adresse de M. Kiliçdaroglu, qu'il avait déjà mis en garde mi-juin contre une convocation par les autorités judiciaires.
"La ligne représentée par le CHP (...) a dépassé l'opposition politique et pris une nouvelle dimension", a-t-il poursuivi, s'adressant à des représentants de son parti AKP à Ankara.
"La route que vous avez empruntée est celle de Qandil et de la Pennsylvanie", a accusé M. Erdogan.
Qandil est une zone montagneuse dans le nord de l'Irak qui sert de base arrière aux séparatistes kurdes du PKK, considérés comme des "terroristes" par la Turquie et ses alliés occidentaux. Et c'est en Pennsylvanie qu'est installé Fethullah Gülen, un prédicateur islamiste auquel le gouvernement impute, malgré ses dénégations, le putsch manqué de juillet 2015.
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'Droit constitutionnel'
"Sa colère contre nous est la preuve que nous avons raison de faire cette marche", a déclaré Kemal Kiliçdaroglu à l'AFP, à l'occasion d'une pause près de Sakarya, à moins de 150 km d'Istanbul.
"Ces mots sont appropriés pour un dictateur", a-t-il ajouté. "Cette marche (...), c'est notre droit constitutionnel".
Cette initiative a redonné au chef de l'opposition une prestance politique, après une défaite de justesse au référendum du 16 avril sur l'extension des pouvoirs du président Erdogan, contre laquelle le CHP avait fait campagne.
Au-delà des sympathisants du CHP, la marche rallie de nombreuses personnes préoccupées par ce référendum et par les purges effectuées depuis la tentative de putsch de l'été dernier, dans le cadre desquelles environ 50.000 personnes ont été arrêtées et plus de 100.000 limogées ou suspendues de leurs fonctions.
Samedi, le cortège réunissait plusieurs milliers de personnes - 10.000 selon le porte-parole de M. Kiliçdaroglu - qui défilaient en tenant un drapeau turc long de plusieurs centaines de mètres.
Les militants, qui avançaient péniblement sous une température de 37 degrés, tentaient de scander un simple slogan : "Droits, loi et justice".
Afin d'éviter les heures les plus chaudes de la journée, les marcheurs ont observé une pause de six heures pendant l'après-midi, pour ne repartir qu'en début de soirée.
M. Kiliçdaroglu a affirmé qu'il n'appelait plus à ce que davantage de militants rejoignent la marche, mais plutôt à une forte mobilisation le 9 juillet à Maltepe pour marquer la fin de cette manifestation, inédite en Turquie.
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