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À La Une - Diplomatie

La Grèce terre d'asile pour les Turcs pourchassés par le régime

"Nous avons peur que le président turc Erdogan envoie des gens pour nous enlever", confie un journaliste.

"Il n'y a plus aucune justice en Turquie": comme Cevheri Güven, journaliste de 38 ans, des centaines de Turcs ont pris le chemin de l'exil en Grèce, redevenue porte de sortie pour les dissidents du pays voisin. Photo AFP / SAKIS MITROLIDIS

"Il n'y a plus aucune justice en Turquie": comme Cevheri Güven, des centaines de Turcs ont pris le chemin de l'exil en Grèce, redevenue porte de sortie pour les dissidents du pays voisin.

"C'est le seul pays frontalier démocratique, la Bulgarie, elle, renvoie en Turquie tous les réfugiés politiques", justifie M. Güven, 38 ans, poursuivi pour appartenance à la mouvance güléniste, accusée d'avoir mené le putsch manqué du 15 juillet.
Interdit de sortie du territoire turc, privé de passeport, ce journaliste, cadre du magazine Nokta, a franchi clandestinement le fleuve frontalier d'Evros en septembre avec sa femme, également journaliste, et leurs enfants, 5 et 8 ans.

A temps, après avoir été arrêté plusieurs fois et faire l'objet de nouvelles recherches, pour échapper à sa condamnation par contumace à 22 ans et six mois de prison prononcée en mai. Lui dément toute implication dans la tentative de renversement du régime.
Redoutant "la torture", le couple avait auparavant vécu caché pendant près de deux mois.

D'autres passent par les îles grecques, suivant la même route que celle du grand exode de 2015. Au total, près de 400 Turcs ont demandé l'asile en Grèce depuis juillet.
Leur arrivée rappelle l'afflux des militants de gauche ou kurdes dans les années 80-90.
Pour certains, ils ne font que passer, visant le nord ou l'ouest de l'UE.
"L'Europe doit se préparer dans les années à venir à accueillir des réfugiés turcs", indique à l'AFP un autre exilé, sous couvert d'anonymat.

 

(Pour mémoire : Grèce: enquête sur le renvoi éventuel d'un journaliste turc, candidat à l'asile)

 

La peur des 'espions' turcs
En onze mois, le régime turc a emprisonné plus de 50.000 juges, policiers, fonctionnaires, journalistes... et plus de 100.000 ont été limogés ou suspendus.
Les passeurs spéculent sur cette clientèle aux abois.

"Une famille syrienne aurait payé moins de 1.000 euros, nous avons payé 15.000 euros", note M. Güven.
S'il se réjouit que ses enfants, inscrits à l'école grecque, puissent entamer une nouvelle vie, il reste taraudé par l'inquiétude.
"Nous avons peur que (le président turc) Erdogan envoie des gens pour nous enlever".
Des soupçons de refoulements, près de la frontière, de deux groupes de réfugiés, dont des enfants, fin mai, ont encore ravivé ces craintes.

Selon ces allégations, relayées par la Fédération internationale des droits de l'homme, ils ont été remis par des policiers grecs à des hommes masqués et renvoyés de force.
Parmi eux, le rédacteur en chef de Nokta, condamné à la même peine que M. Güven. Les médias turcs ont annoncé pour leur part qu'il avait été arrêté le 24 mai alors qu'il s'apprêtait à fuir en Grèce.
"Il a été renvoyé", insiste M. Güven, sans pouvoir dire par qui.

Les autorités grecques affirment enquêter, et démentent toute implication officielle.
"Ce serait illogique", alors que le pays a pris le risque cet hiver de défier Ankara en refusant d'extrader huit officiers turcs ayant fui en hélicoptère au lendemain du putsch, commente une source policière.

Mais les demandes d'asile traînent. M. Güven attend toujours la réponse à la sienne.
A l'isolement - "nous nous méfions les uns des autres" - s'ajoutent les difficultés financières, avec les "biens saisis et les comptes gelés" en Turquie, relève-t-il.

 

(Pour mémoire : La justice grecque refuse d'extrader huit militaires turcs)

 

Le boom de l'exil doré
En pleine crise économique, la Grèce offre de fait peu d'opportunités.
En contrepartie, "la proximité géographique et culturelle fait que nous nous sentons chez nous ici", relève-t-on parmi un tout autre groupe d'arrivants turcs, celui des nouveaux immigrants. Ceux-ci, "en demande d'Europe et de sécularisme, ne se reconnaissent plus dans une Turquie en voie de réislamisation", explique cet immigré, sous couvert d'anonymat.
Appartenant souvent à l'ancienne élite, ils profitent de l'offre grecque d'un permis de séjour renouvelable contre un achat immobilier d'au moins 250.000 euros.

"Il y a un boom de ce marché", relève Michalis Katsaros, agent immobilier dans le nord de la Grèce.
Athènes a délivré depuis le début de l'année 1.684 de ces permis, contre 1.550 pour tout 2016.
Les bénéficiaires vivent souvent encore entre les deux pays, mais veulent s'assurer une base arrière au cas où.
Ironie de l'histoire, à Athènes ils élisent surtout la banlieue balnéaire cossue du Phalère.
C'est là où se sont installés beaucoup des quelque 50.000 Grecs d'Istanbul chassés en mars 1964 de l'ex-capitale ottomane, sur fond de querelle chypriote.
"Ils nous accueillent, nous aident, ce sont des retrouvailles", s'amuse un des nouveaux venus.

 

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