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À La Une - religion

« Journée du Liban à Fatima » : La conversion, condition de la paix

Des milliers de Libanais venus du monde entier ont renouvelé la consécration du Liban au Cœur immaculé de Marie.

Le patriarche Raï entouré de Mgr Michel Aoun ( Jbeil) et de Sr Gloria, installée à Fatima depuis 17 ans.

J'attrape Sœur Gloria Maalouf dans le corridor d'entrée de la Casa do Nostra Senora do Carmo (Maison de Notre-Dame du Carmel), une hôtellerie collée au sanctuaire de Fatima. Elle appartient à la congrégation des Servantes du Cœur Immaculé de Marie. Comment une fille de Kfartay, au Metn, a fini au Portugal, je ne le saurai jamais, mais son aide semble inappréciable aux organisateurs. En hâte, elle me rappelle le programme de la veillée de prière de ce samedi, première partie de cette « Journée du Liban à Fatima », organisée à l'occasion du centenaire des apparitions : le chapelet, la procession aux flambeaux, puis l'exposition du Saint-Sacrement et un moment d'adoration... jusqu'à 3 heures du matin. « Sinon, la paix ne viendra pas ! », lance-t-elle en me tournant le dos pour se rendre à la Chapelle des apparitions, où la veillée doit commencer.

Interloqué, je réfléchis. « Jusqu'à trois heures du matin, alors que je viens de passer une nuit blanche ... Sinon, la paix ne viendra pas ! ». C'est une affirmation extrême, mais elle a probablement raison. « Pénitence ! Pénitence ! Pénitence », avait crié l'Ange de l'apparition, en 1917, en désignant la terre sous la forme d'un globe, si l'on en croit le Troisième secret, celui où se dessinait en figures l'attentat contre le pape (Jean Paul II ;13 mai 1981).
La Vierge aussi fait dans l'extrême. « Seuls les violents prennent d'assaut le Royaume », dit quelque part l'Evangile. Aux timorés les tisanes des consolations insipides...Si nous sommes venus à Fatima avec ces heures de vol impossibles, ce n'est pas pour faire les enfants gâtés à qui on donne une cuillerée sur laquelle on a déjà soufflé. La tiédeur, les demi-mesures, la mollesse, la classe moyenne de la sainteté, le salut en solde...

La Seconde guerre mondiale, l'horreur du communisme, annoncés en 1917 par Marie « si on ne l'écoute pas », c'était aussi « extrême ». Si c'est aux châtiments qu'on mesure la gravité de la faute, elle devait être immense : 66 millions de morts en Union soviétique, selon Soljenitsyne, qui a goûté au goulag. Autant dans une guerre déclenchée par l'idéologie nazie qui a même programmé l'élimination d'une race.

« Le nazisme est un humanisme », a osé dire le professeur de philo cité par le philosophe Martin Steffens (« Rien que l'amour », éditions « Salvator »). Encore une affirmation « extrême » que la Vierge Marie doit bien apprécier. Tous les humanismes athées débouchent sur l'horreur, et c'est bien de quoi il s'agissait quand Adolph Hitler et Joseph Staline couronnaient, chacun pour son compte, le siècle de l'utopie Raison, par des bûchers d'âmes vivantes livrées aux molochs de la mégalomanie de l'homme sans dieu, à l'ivresse folle de la volonté de puissance de Nietzsche.

Pas de pèlerinage sans conversion
Venu à Fatima renouveler, aux côtés du patriarche maronite Béchara Raï, l'acte de consécration du Liban, Mgr Paul Rouhana, évêque maronite de Sarba, est extrême aussi, à sa manière. « On peut venir à Fatima, à Lourdes ou à Harissa pour des raisons égoïstes, souligne-t-il, avant de gagner la basilique de la Trinité où la messe sera célébrée. Si nous nous rendons dans les sanctuaires pour notre gratification personnelle, pour recevoir des grâces de consolation, c'est quelque chose, mais c'est insuffisant. Pour être réellement agréée, la visite doit s'accompagner d'une conversion du cœur à l'amour de Dieu et du prochain. L'amour dont parle Saint Paul dans l'épître aux Corinthiens. Il est au cœur des relations entre les êtres humains. C'est un programme entier de conversion, de patience, de pardon, de maîtrise de soi. C'est le contraire de la dureté de cœur. Il faut relier la foi populaire aux vertus théologales de foi, d'espérance et de charité, pour qu'elle porte du fruit. »

C'est le défi devant lequel sont placés les milliers de fidèles venus du Liban et de tous les pays de l'émigration, pour répondre à l'appel de la commission de consécration du Liban. Et, certes, la grâce est au rendez-vous d'un pèlerinage rendu possible par un travail acharné d'organisation dirigé par une femme exceptionnelle, Suzie Hage.
Interrogé dimanche matin par une journaliste portugaise, dans la sobre Casa do Carmo où il réside, le patriarche l'a confirmé en faisant remarquer : « Voyez comment hier, après le chapelet et durant la procession aux flambeaux, alors que nous étions arrivés sur place fourbus, nous avons oublié notre fatigue !»

« Il a fallu se battre pour obtenir que quelques ' Ave' soient dits en arabe et en arménien, tellement la liturgie maronite et les églises orientales, en général, semblaient quelque chose de neuf à Fatima », relève Maryse Slaiby, étroitement associée aux préparatifs. Le vicaire patriarcal des Arméniens catholiques, Georges Assadourian, faisait partie du voyage, en même temps que le patriarche Younan des syriaques catholiques, et une trentaine de prêtres. Mais l'effort en valait la peine ! Les cœurs, samedi soir, étaient gonflés d'espérance. Des pèlerins étrangers, qui ont participé à cette veillée de prière à ciel ouvert, ont été enchantés par les cantiques orientaux. La procession aux flambeaux a été féérique, ainsi que les chants polyphoniques – notamment un Salve Regina arrangé par le ténor Gaby Farah, une révélation de ce pèlerinage.

Couronnement
Couronnement de la Journée du Liban à Fatima, la messe de consécration proprement dite, dimanche, s'est tenue dans la grande basilique de la Sainte Trinité, en l'honneur de la prière enseignée par l'Ange de la Paix aux trois enfants de Fatima : « Très sainte Trinité, Père Fils et Saint Esprit , je vous adore profondément et je vous offre les très précieux Corps, Sang, Âme et Divinité de Jésus-Christ présent dans tous les tabernacles du monde(...) ».

Dans son homélie, le patriarche Raï a demandé l'intercession de la Vierge « pour la paix dans la région et la stabilité du Liban » ». « Puisse notre pays poursuivre sa mission et demeurer un modèle de vie commune entre différentes cultures et religions, en particulier entre les chrétiens et les musulmans (...) loin de toute tentative d'exclusion ou de mainmise sur le pouvoir (...) C'est là une des premières exigences de la mondialisation positive».
Malgré la liturgie maronite qui retentissait pour la première fois dans la basilique, l'office fut moins priant que la soirée de la veille. Il faut dire que le recueillement était moins facile dans cette immense salle en bois clair et bien éclairée, dont les gradins s'étagent plus anonymement que sous la voûte du ciel étoilé. En outre, dans la foule des fidèles, des sensibilités religieuses s'exprimaient, avec notamment une présence remarquée de fidèles appartenant à un courant traditionnaliste, dont beaucoup portaient un tablier à deux pans passé par le cou, au-dessus de leurs vêtements, sur lequel était imprimé, en dos, le visage de sainte Véronique Juliani, une mystique du XVIIe siècle, célèbre pour ses visions de l'enfer.

Certes, l'office religieux s'est parfaitement déroulé : la procession des offrandes, les intentions bien prononcées, le beau flambeau offert au sanctuaire par le sculpteur Raffi Yedalian, la liturgie admirablement animée par la chorale triée sur le volet de Gaby Farah. Pourtant, la prière méditative de la veille n'était pas vraiment au rendez-vous et la foule devait se disperser, sans fraterniser, après la prière de consécration, lue à voix haute.


Grâce et Miséricorde
Est-ce à ce courant traditionnaliste que le patriarche avait, dans un mot prononcé samedi soir, rappelé que « le message de Fatima est un message de paix qui se termine par deux mots : Grâce et Miséricorde » ? C'est bien probable, quand on connaît les charismes du patriarche qui jongle avec les contraires, pour garder toutes les brebis et n'en perdre aucune. Au pape Benoît XVI , on doit cette maxime célèbre : « Il n'y a pas de saint sans passé, comme il n'y a pas de pécheur sans avenir ». Pénitence et miséricorde avancent la main dans la main.

Certes, l'homme n'exige pas assez de lui-même, et la Mère de Dieu ne parle pas à la légère. Elle voit l'histoire venir. Oui, il faut croire que les malheurs du XXe siècle auraient pu être évités, si on l'avait écoutée. L'histoire est malléable et répond mystérieusement à des attitudes intérieures de conversion. Quand il y a une apparition de Notre-Dame, et qu'elle demande quelque chose, il faut être prompt à la réponse. Voilà la grande leçon qui peut être tirée, après toutes les autres, des apparitions de Fatima.

Mais l'amour dit Saint Paul « croit tout » et triomphe de tous les obstacles. L'histoire est ouverte et le patriarche l'a rappelé : le message de Fatima n'est pas seulement un appel à la pénitence, mais aussi à l'espérance. Pas seulement un jugement, mais une promesse. « A la fin, mon Cœur Immaculé triomphera ! », a dit Celle dont la bouche n'a jamais dit que la vérité. On ne sait pas comment, mais cela se fera.

J'attrape Sœur Gloria Maalouf dans le corridor d'entrée de la Casa do Nostra Senora do Carmo (Maison de Notre-Dame du Carmel), une hôtellerie collée au sanctuaire de Fatima. Elle appartient à la congrégation des Servantes du Cœur Immaculé de Marie. Comment une fille de Kfartay, au Metn, a fini au Portugal, je ne le saurai jamais, mais son aide semble inappréciable aux organisateurs. En...

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